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Abeille qui butine

Exposé – Orientation et désorientation des abeilles

Sommaire

47 min - temps de lecture moyen
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Cathy Constant-Elissagaray : présentation à la Société d’Astronomie Populaire de la Côte Basque (SAPCB)

Orientation et désorientation des abeilles

Ou comment les abeilles font de l’astronomie sans le savoir…

sapcb_logo

goutteBonjour et bonne année 2018 !

En préambule, je souhaiterais un peu me justifier sur le choix de ce sujet pour une assistance composée d’astronomes amateurs. Vous savez que la recherche de la vie dans l’univers sur d’autres planètes que la nôtre est un domaine en plein développement. Il y a déjà des milliers de planètes qui ont été découvertes et il serait bien étonnant que, sur les milliards qui existent, la vie ne soit pas présente et que nous demeurions l’exception, une singularité. L’univers a mis des milliards d’années à synthétiser les composants qui constituent les êtres vivants sur la Terre, et il ne paraît pas déraisonnable de penser qu’ils ont permis à la vie de se développer ailleurs. Dans ce qui va suivre, je vais partir d’une démarche inverse. Sur Terre, les êtres vivants, y compris nous-mêmes, sont intimement reliés à cet univers et sont conditionnés par de nombreux facteurs astronomiques locaux. C’est ce que je vais essayer de vous décrire maintenant par le biais de l’étude de l’abeille domestique, Apis mellifera mellifera.

L’abeille dans l’évolution du vivant

chronologieApparition des insectes

Je vais d’abord replacer l’abeille dans son contexte en rappelant la chronologie et l’époque d’apparition des insectes. La Terre a subi quelques épisodes de très grandes glaciations, si importantes parfois qu’elle s’est apparentée à une immense boule de neige ou de glace. L’épisode le plus récent a précédé de peu (en temps géologiques) “l’explosion” de vie du Cambrien où des êtres pluricellulaires aux formes les plus diversifiées sont apparus dans les registres fossiles. Auparavant, la vie se développait surtout dans l’eau, sous la forme essentiellement d’êtres unicellulaires. Il reste peu de traces des êtres pluricellulaires qui se sont développés durant le Précambrien, les roches très anciennes ayant été souvent trop transformées pour qu’on puisse y déceler leur présence.

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Meganeura monyi (Carbonifère) (entre – 360 et – 300 millions d’années) : libellule géante de 70 cm de longueur et plus de 70 cm d’envergure (source)

La vie sort des océans pour coloniser les terres émergées. Les plus anciens insectes (aptères – sans ailes) remonteraient au Silurien (- 425 millions d’années, Ma). Les fossiles commencent à se multiplier au Carbonifère (-360 à -300 Ma), une période où sont apparus les plus anciens représentants connus des insectes modernes… A cette époque bénie (pour eux), ils n’avaient d’autres prédateurs que leurs congénères. Cela engendra une course au gigantisme, la première conquête des airs… Aujourd’hui, plus d’un million d’espèces sont répertoriées, mais il y en aurait en réalité de 3 à 70 millions, pour seulement 50 000 espèces de vertébrés !…

Apparition des plantes à fleurs

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Montsechia vidalii (source)

Les premières plantes ont commencé à coloniser les continents vers -475 Ma (je rappelle que les insectes sont apparus 50 millions d’années plus tard). Les premières plantes à fleurs sont apparues bien après, vers -214 Ma. Il s’agit là d’une datation par les généticiens, les plus anciens fossiles connus remontant seulement à -130 à -125 Ma environ. Montsechia vidalii par exemple (photo ci-contre) est une plante du Barrémien dont les fossiles ont été retrouvés dans des dépôts calcaires du Montsec (Pyrénées espagnoles) et de Las Hoyas (Chaîne ibérique). Elle semble s’être développée dans un environnement aquatique où elle se reproduisait en disséminant son pollen dans l’eau. Elle n’avait donc pas de relation avec les insectes. Remarquez le succès évolutif phénoménal des plantes à fleurs qui représentent aujourd’hui 90% des espèces végétales sur Terre ! On l’attribue à l’extrême variabilité et la plasticité des gènes qui auraient été un atout majeur pour leur adaptation. La coévolution avec les insectes a sans doute été aussi un facteur primordial. Les premières fleurs nourrissaient des insectes. Ceux-ci, en se nourrissant, pollinisaient les plantes à fleurs, favorisant ainsi leur propagation et leur extraordinaire expansion et diversification.

Apparition des abeilles

Cueva de la Arana Bicorp
Peinture rupestre illustrant la collecte du miel sur une paroi de la Cueva de la Araña, Bicorp, Espagne (-5 à 6000 ans). (source)
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Silhouette de la Cueva de la Araña (source)

L’abeille fait partie de l’ordre des insectes sociaux Hyménoptères (qui comprennent aussi par exemple les fourmis et les guêpes). Cet ordre se développe sur notre planète il y a environ -120 Ma au Crétacé, suivant parallèlement l’évolution des plantes à fleurs (les angiospermes) et peut-être même la favorisant. Vers -100 Ma, on admet l’apparition des super-familles, dont les Apoïdes, abeilles qui ont toutes alors un comportement solitaire, ce sont les plus lointains ancêtres de notre abeille. Des analyses ADN révèlent qu’Apis Mellifera Mellifera ( l’abeille noire) se sépare des autres sous-espèces d’abeilles entre -1 Ma et -500.000 ans. Elle vit en bordure sud de l’Europe et survit là aux glaciations jusque vers la fin du Pléistocène. Durant l’Holocène qui débute vers -14.000 ans, un réchauffement post-glaciaire débute en Europe, une végétation nouvelle et diversifiée s’étoffe et des forêts s’installent. Apis Mellifera qui s’était réfugiée au Nord de l’Afrique, reprend un rythme migratoire, essaimant et formant de nouvelles lignées.

apoidea
Apoidea fossile (super-famille d’insectes hyménoptères qui regroupe les guêpes dites apoïdes – à forme d’abeille- et les abeilles, qui en sont issues), emprisonnée dans de l’ambre de la Baltique (longueur 7 mm). (source)
Vers le sud jusqu’au Cap Sud Africain, c’est la lignée A, vers l’Est au Moyen-Orient et l’Europe de l’Est par la péninsule arabique les lignées C et O (variétés Italienne, Carnolienne et Caucasienne). Vers l’Ouest et le Nord à travers le Sahara, elle poursuit sa course et arrive en péninsule ibérique et franchit les Pyrénées. Les colonies d’Afrique du Nord se croisent donc avec celles qui avaient survécu confinées au sud de l’Europe. Apis Mellifera Mellifera, face à un immense espace de migration potentiel et forte de ses capacités d’hivernage, ne cesse d’essaimer en direction de l’ouest de l’Europe et de l’Asie Occidentale jusqu’à l’Oural. Elle réalise ce qu’aucune autre espèce n’avait fait jusque là. Actuellement, les scientifiques s’accordent à dire qu’il existe plus de 20.000 espèces d’abeilles différentes, solitaires ou sociales de par le monde. L’interaction hommes/abeilles remonterait à 12 000 ans.

Généralités sur l’abeille

Cycle de vie

cycle vie abeille 1
Cycle de l’œuf à l’imago

Comme tout insecte, elle passe par quatre stades, l’œuf (pondu par la Reine), la larve, la nymphe et enfin l’imago ou insecte parfait.

Différenciation selon sa fonction, de l’œuf à la nymphe

Stadesabeille 1
Mues de l’abeille

Suivant la fonction qu’elle exercera, Reine, ouvrière, mâle (appelé faux-bourdon), l’abeille a un développement distinct. L’œuf est déposé par la Reine à la verticale dans une alvéole “normale” pour les ouvrières et les mâles et une alvéole plus spacieuse pour les futures Reines. La larve subit cinq mues avant de s’envelopper d’un cocon. Elle passe par le stade de nymphe durant lequel elle ne s’alimente pas dans la cellule qui a été operculée par une ouvrière. Cette dernière mue la fait se métamorphoser en imago ou insecte parfait. L’élevage du couvain se fait à 35 degrés précisément.

Oeuf
Larve: 5 mues
Nymphe
Insecte parfait
Reine
Fécondé
3 jours
5,5 jours nourrie à la gelée Royale
(Poids x 1700)
7,5 jours
Après 16 jours
Ouvrière
Fécondé
3 jours
3 jours nourrie à la gelée Royale + 3 jours nourrie à la gelée nourricière (Poids x 900)
12 jours
Après 21 jours
Mâle
Non fécondé
3 jours
6,5 jours nourri à la gelée nourricière (Poids x 2300)
14,5 jours
Après 24 jours
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Mâle (faux-bourdon), Reine, ouvrière

Activité de l’imago selon sa fonction

La Reine se fait inséminer durant deux à trois jours par plusieurs mâles d’autres ruches qui attendent en un lieu particulier, toujours le même d’une année sur l’autre. Les ouvrières sont donc des demi-sœurs. Elles poursuivent leur développement physique durant 21 jours à l’intérieur de la ruche où elles exercent successivement différentes fonctions avant de sortir butiner les fleurs et rapporter tout ce que nécessite l’entretien de l’essaim dans la ruche. Leur vie est courte pendant toute la période de butinage intensif. Par contre, elles vivent plus longtemps à la morte saison puisqu’elles se nourrissent sur les réserves de miel accumulées et ne peuvent sortir tant que la température est inférieure à 12°C. Quant au mâle, il n’est pas capable de se nourrir et ne possède pas de dard. Il meurt après l’accouplement ou, s’il ne s’est pas accouplé, à la fin de l’été. S’il ne décède pas de mort naturelle, les ouvrières s’en chargent d’un coup de dard, car l’essaim ne peut pas entretenir de bouche inutile durant l’hiver.

Imago
Activités de l’insecte parfait (imago)
Durée de vie
Reine
16 jours
Insémination : 16+7 = 23 jours
Ponte : à partir de 25 à 30 jours
La ponte a lieu du 15 janvier au 15 octobre environ.
3 à 5 ans (record : 8 ans !)
Ouvrière
21 jours
D’abord 21 jours de travail dans la ruche
– Nettoyeuse : jours 1 à 2
– Nourrice : jours 3 à 5
– Premier vol de reconnaissance
– Cirière/Bâtisseuse : jours 6 à 12
– Magasinière (transport) : jours 13 à 16
– Ventileuse/Gardienne : jours 17 à 21
Puis butineuse durant les 21 jours suivants 
Et enfin exploratrice, jusqu’à sa mort

Durant les mois de butinage intensif :
3×21 = 63 jours
2 à 2,5 mois.

En hiver, sa durée de vie est plus longue, de 5 à 6 mois.

Mâle
24 jours
Apte à la reproduction à 29 jours
Meurt après l’accouplement ou à la fin de l’été s’il ne s’est pas accouplé. 3-4 mois
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Accouplement de la Reine avec un faux-bourdon.

La vue

Premiers vols d’orientation

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Mouche
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Criquet

Une journée ensoleillée et douce, entre midi et trois heures et, d’un coup, des centaines de jeunes abeilles sortent de la ruche et procèdent à leur vol d’entraînement, pour mémoriser l’emplacement de la ruche. Elles effectuent plusieurs vols à courte et longue distance, dans diverses directions (mais pas toutes) et cela leur suffira pour s’orienter durant leur nouvelle fonction de butineuses.

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Vol d’entraînement des jeunes abeilles

Un apprentissage accéléré – Test de désorientation

Déplacée après seulement 5 à 10 minutes de son premier vol exploratoire, la jeune abeille retrouve facilement la ruche si elle est relâchée près d’objets qu’elle a repérés dans le paysage. Trop éloignée et hors de tout repère, elle est désorientée, contrairement à une abeille plus expérimentée. A ce stade, la vue, corrélée à la capacité de mémorisation de repères dans le paysage, semble prépondérante.

abeille1

Les yeux de l’abeille – Deux yeux à facettes + 3 ocelles

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abeille_ocelles

Ommatidie – Une image recomposée

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Ommatidie

Les abeilles sont dotées de deux yeux à facettes, immobiles, composés de nombreuses petites lentilles ou ommatidies. Elles ont un champ de vision de près de 360°. Chaque ommatidie est inclinée l’une par rapport à l’autre (l’angle varie de 50° à 5°) et toutes convergent vers le nerf optique.

Facettes par œil
Ouvrière : 4500
Reine : 3500
Mâle : 7500

Seul le rayon dirigé exactement dans l’axe du rhabdomère ou bâtonnet rétinien sera enregistré. Aucune image ne s’y forme: celle-ci est recomposée à partir des informations transmises par l’ensemble des facettes. L’excellente perception du mouvement que procurent ces facettes juxtaposées déclenche instantanément un réflexe de fuite ou d’attaque…

Vision des formes

Les yeux des abeilles ont une mauvaise acuité, avec une résolution d’un degré, soit 100 fois moins que l’humain. Plus l’objet est éloigné, moins il y a de facettes qui en perçoivent le rayonnement, et donc plus elles le voient indistinctement, en une forme grossière. Leurs yeux composés à facettes offrent une vision déformée du paysage et même des fleurs qui pourtant sont leur cible principale. Ci-dessous, voici deux modèles de fleurs que les abeilles distinguent facilement et avec assurance l’un de l’autre. Les abeilles ne parviennent pas à distinguer entre elles les figures de la rangée supérieure (schéma ci-dessous), ni celles de la rangée inférieure. En revanche, elles distinguent clairement chaque figure de la rangée du dessus de chacune de celles de la rangée du dessous.

frisch_formes
deformation
vision
frisch_formes2

Les ocelles

Ocelles Abeilles Luc Viatour 1Les trois ocelles (ou stemmates) sont des sortes de cellules photoélectriques capables d’apprécier les variations d’intensité et la polarisation de la lumière. Ils forment un photomètre qui permet de déterminer la lumière absolue et de mémoriser ainsi l’heure du départ et d’arrivée à la ruche. Ils permettent de stabiliser le vol en gardant le ciel toujours en “vue”.

Un grand pouvoir de résolution des images dans le temps

L’abeille fusionne les images dès une vitesse de défilement de 200-300 images/seconde (seulement 24 images/seconde chez l’homme). En volant à 30 km/h environ, elle observe avec netteté les repères géographiques au sol.

reperes

L’orientation grâce au Soleil

Spectre solaireLe Soleil, notre étoile

2017 03 29 T 11 38 26 0461 L g4 ap167 1Le Soleil émet dans l’espace un rayonnement électromagnétique allant des ondes radio aux rayons gamma. Le bouclier magnétique de la Terre et l’atmosphère protègent la vie des rayonnements les plus énergétiques et destructeurs, si bien qu’au sol le rayonnement est composé de 5 % d’ultraviolets (UV), 39 % de rayonnement visible et 56 % d’infrarouge. Le rayonnement UV augmente de 10 % tous les 700 mètres.

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Lumière (couleurs) perçue par l’abeille

L’abeille, par rapport aux humains, a une vision décalée, du vert aux ultraviolets. Elle ne perçoit pas le rouge, et le jaune lui apparaît peut-être comme un vert clair. Ainsi, les plantes à fleurs, au cours de l’évolution, se sont adaptées à la vision des insectes, émettant un rayonnement dans le spectre qu’ils perçoivent. Un coquelicot qui nous paraît rouge est probablement gris pour les insectes, mais ses pétales réfléchissent aussi les ultraviolets qui guident l’insecte vers le pollen et le nectar. – Schéma : Spectre visible par l’abeille –

spectre_lumiere

Interaction de la lumière et de la matière: Lorsqu’une source d’énergie lumineuse vient frapper un objet, celui-ci va renvoyer un rayonnement à une certaine longueur d’onde – et apparaîtra par conséquent d’une couleur précise – en fonction des mécanismes d’émission, de réflexion, d’absorption et de transmission. L’animation ci-dessous illustre de façon très simple ces différents mécanismes.

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Autre exemple, toute la surface des pétales de l’onagre (qui nous paraît jaune) réfléchit le rayonnement ultraviolet de la lumière solaire. ATTENTION ! Le cerveau de l’abeille est différent de l’humain. On ignore si les ondes sont transcrites en couleurs ! Les reconstitutions ci-dessous sont uniquement destinées à nous faire prendre conscience qu’elle ne voit pas comme nous.

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paysage_vu_par_abeille

L’abeille s’oriente grâce au Soleil

azimut
Schéma : Abeille, sens de l’orientation

danse_en_8C’est Karl von Frisch (1886-1982), zoologiste autrichien, qui, le premier, a su décrypter la signification de la danse des abeilles. Il a écrit le livre « Vie et mœurs des abeilles » et reçu le Prix Nobel de médecine en 1973, en même temps que Konrad Lorenz et Nikolaas Tinbergen. L’abeille communique par une « danse en huit » la direction et la distance d’une source de nourriture. Pour cela, elle ne se sert pas de la direction du Soleil (qui est dans le ciel), mais de sa projection sur l’horizon. Ce qu’elle évalue, c’est l’angle, appelé azimut, (de 80° sur le schéma ci-contre) ayant pour sommet la ruche et pour côtés la direction vers la projection du Soleil sur l’horizon d’une part (1) et la direction vers les fleurs convoitées d’autre part (2). L’axe central de la danse qu’elle effectue pour renseigner ses congénères indique la direction à prendre. La fréquence de frétillement de son abdomen traduit la distance à parcourir. S’il faut voler par vent contraire, ou bien faire l’ascension d’une côte, la distance paraît plus importante que si, au contraire, le vent souffle vers la source florale ou s’il faut descendre vers le bas d’un flanc de colline pour y parvenir. Le frétillement est très rapide si la source est proche, et de plus en plus lent et appuyé si elle est éloignée. Une danse en rond signale une provende située à une distance maximale de 100 mètres par rapport à la ruche. Cette danse s’effectue la plupart du temps dans le noir, à l’intérieur de la ruche, dans un lieu convenu. Les demi-soeurs suivent donc les évolutions de la danseuse grâce à leur odorat, puisque celle-ci est imprégnée du parfum des fleurs qu’elle a butinées, grâce au toucher avec leurs antennes, d’une sensibilité bien supérieure à celle que nous confère notre peau, et grâce aux vibrations provoquées par ses déplacements et ses battements d’ailes (les abeilles n’ont pas d’audition à proprement parler). –  –

Apprentissage : Chaque abeille est dotée naturellement de la faculté de s’orienter grâce au soleil. Mais elle doit, au cours de ses premiers vols, apprendre à connaître le cours du soleil selon les contingences locales avant de pouvoir se servir de sa « boussole ». Dans l’agriculture intensive actuelle où les vergers immenses nécessitent une grande quantité d’insectes butineurs pour polliniser les fleurs et obtenir des fruits, la pratique s’est répandue de faire venir des essaims entiers. Déplacés de leur lieu de résidence à une distance impérativement supérieure à 3 km (sinon les abeilles reviendraient à l’emplacement initial de la ruche), il faut les garder pendant trois jours dans le noir, ce qui déclenche à leur sortie leur réflexe de repérage.

Contrôle et ajustement : L’abeille fait le point de la position solaire toutes les demi-heures.

Rythme temporel : La Terre tourne sur elle-même, ce qui induit un mouvement apparent du Soleil au cours de la journée. C’est donc un repère mouvant dont le déplacement est fonction de l’heure. L’azimut vers une source florale change ainsi au cours de la journée ou du soir au lendemain matin, et l’abeille doit en tenir compte. Repère aussi dans le temps, le Soleil règle le rythme circadien de l’abeille (jour-nuit). Pour les saisons, il faut un repère supplémentaire, sans doute la perception du nord magnétique.

ophrys_abeille
eucere_longues_antennes

Ophrys abeille, orchidée terrestre européenne pollinisée par des abeilles solitaires, grâce à son odeur d’abeille femelle

Eucère à longues antennes, abeille pollinisatrice de l’Ophrys abeille

rayons_alveolesLa danse de l’abeille serait facile si elle s’effectuait sur le devant de la ruche, à l’horizontale. Mais dans les ruches actuelles (ainsi que dans la nature, comme le montre la photo ci-contre de rayons suspendus à une falaise dans les Cévennes), les rayons sont à la verticale. Il lui faut donc transposer le repère à 90° et convertir le repère « Soleil », valable sur un plan horizontal, en repère « Gravité » (qui est également un repère astronomique) sur des rayons verticaux. La verticale simule la direction du Soleil (vers le haut), la ruche étant en bas dans cette configuration, et l’angle (l’azimut) est indiqué dans ce nouveau repère.

Relation mathématique : Il y a une relation linéaire simple entre la quantité des frémissements de l’abdomen effectués par l’abeille pendant la danse, et la distance entre la ruche et le lieu de récolte d’où revient la récolteuse dansante. Quant au rythme de la danse, c’est-à-dire le nombre de tours accomplis par l’abeille par unité de temps, il représente une fraction linéaire du logarithme de la distance.

Autres repérages : Les abeilles utilisent également le langage de la danse pour indiquer les emplacements d’eau ou de résine (utilisée pour boucher les fentes de la ruche et fixer les gâteaux de cire). Enfin, pendant l’essaimage, les ouvrières exploratrices dansent pour indiquer les emplacements favorables pour un nouveau nid à la grappe d’abeilles suspendue à l’extérieur de la ruche autour de la Reine qui déménage. Le choix se fait de façon collective d’une façon qui s’apparenterait au mode de fonctionnement de notre cerveau… Très étonnant !

azimutUne horloge interne

L’abeille est dotée d’une horloge interne qui lui permet de s’orienter bien que le Soleil soit un repère mouvant dont la position est variable selon l’heure de la journée et selon les saisons. Au cours d’un jour divisé en 24 heures, le Soleil effectue un parcours apparent circulaire autour de la Terre (360°), il en résulte qu’il se déplace dans le ciel à raison de 15° par heure. Toutefois, la relation n’est pas aussi simple pour sa projection sur l’horizon, qui “avance” très vite en début de matinée et en fin d’après-midi, mais qui paraît stagner aux alentours de midi.

L’orientation avec la lumière polarisée

ciel_bleu_polarisationDiffusion Rayleigh

John William Strutt, troisième baron Rayleigh, plus connu sous son titre lord Rayleigh (1842-1919) était un physicien anglais qui fut lauréat du prix Nobel de physique en 1904. La diffusion de Rayleigh est un mode de diffusion des ondes, par exemple électromagnétiques ou sonores, dont la longueur d’onde est beaucoup plus grande que la taille des particules diffusantes. On parle de diffusion élastique, car cela se fait sans variation d’énergie, autrement dit l’onde conserve la même longueur d’onde.

La lumière est une onde électromagnétique qui peut être décrite comme un champ électrique oscillant couplé à un champ magnétique oscillant à la même fréquence (cf. schéma ci-dessous). Ce champ électrique va déformer le nuage électronique des atomes des gaz et des poussières dans l’atmosphère terrestre. En temps normal, le noyau (charge positive des protons) est situé au centre du nuage des charges négatives (les électrons). La déformation de ce nuage d’électrons se traduit par l’oscillation du barycentre. Le dipôle (positif-négatif) électrostatique ainsi créé rayonne, c’est ce rayonnement induit qui constitue la diffusion Rayleigh.

diffusion_rayleigh
Diffusion Rayleigh (source)

onde_em

polarisation
Onde électromagnétique

Onde lumineuse diffusée à angle droit et polarisée linéairement (verticalement sur cet exemple)

Le bleu du ciel

angles_e-vecteur
Schémas : Modèle de simple diffusion Rayleigh de la lumière polarisée du ciel (Single-scattering Rayleigh model of skylight polarization)

polarisation

Comment obtient-on de la lumière polarisée ?

– par réflexion
– par réfraction (mais seulement partielle)
– par diffusion (ex. la lumière bleue du ciel)
– par absorption (cristaux dichroïques), etc.

La lumière est composée d’un faisceau de multiples ondes électromagnétiques qui oscillent toutes dans des plans différents, en désordre. Le rayonnement induit qui constitue la diffusion Rayleigh peut se faire dans plusieurs directions, ainsi que c’est figuré dans le schéma ci-dessus. Une partie de la lumière incidente poursuit sa route sans changement. Une fraction (le rayonnement bleu) est émise à angle droit avec une oscillation modifiée : elle est polarisée partiellement dans la direction perpendiculaire au plan de diffusion. Le plan de polarisation est formé par le vecteur champ électrique et la direction de propagation de l’onde lumineuse (flèches bleues et flèche E dans les schémas ci-dessous). Dans l’exemple, cette onde lumineuse est polarisée linéairement verticalement. Enfin, une dernière fraction des ondes est diffusée dans une autre direction, à l’oblique.

Les portions de sphère colorées figurées ci-dessus représentent le modèle Rayleigh de polarisation de la lumière du ciel par une unique diffusion. Le point jaune correspond au Soleil situé à 5°, 30° et 60° de hauteur au-dessus de l’horizon. Les cercles indiquent les angles des vecteurs du champ électrique (E-vecteur) de lumière polarisée dans le ciel. Cette polarisation va croissant du noir au jaune, elle est maximale à 90° du soleil. Pourquoi parle-t-on d’angle ? Dans le plan, un angle est formé par un sommet d’où partent 2 segments qui présentent une certaine ouverture mesurée en degrés. Dans l’espace, par convention, on appelle angle un cône de section S. Le rayonnement lumineux se propage à partir du Soleil et la lumière polarisée dans l’atmosphère se propage perpendiculairement. Ces angles E-vecteur mesurent le degré de polarisation d’un point du ciel en fonction de la position apparente du Soleil.

Remarque de Jacques Auriau, animateur de la SAPCB: Quand on regarde en direction du Soleil, le ciel a une couleur délavée, bleu pâle, alors que lorsqu’on regarde le ciel à 90°, il est d’un bleu beaucoup plus intense. C’est ce que cherchent les photographes lorsqu’ils veulent avoir un fond de ciel bleu, ils s’orientent justement en fonction du degré de polarisation de la lumière dans le ciel.

angle_plan
angle_espace
polarisation
vecteur_champ_electrique
Angle dans le plan
Angle dans l’espace (cône)
Polarisation linéaire verticale de la lumière (flèches bleues verticales et E)

Expériences

Les scientifiques savent depuis quelque temps que les abeilles s’orientent en fonction de la polarisation de la lumière, mais encore fallait-il le démontrer. Cela a été fait chez des insectes marcheurs (fourmi du désert, bousier) chez lesquels on a découvert des connections neuronales liées à cette perception de la lumière polarisée pour s’orienter. En ce qui concerne l’abeille, les photorécepteurs de la partie dorsale de ses yeux composés présentent une forte sensibilité à la lumière polarisée. La direction vers laquelle s’oriente sa tête (et donc sa direction de vol) va faire un angle relativement à la direction de polarisation de la lumière dans le carré de ciel bleu dont elle pourra déduire la position du Soleil caché derrière les nuages.

polarisation
Repères visuels latéraux lavables – Papier blanc amovible au sol – Écran à l’extrémité de chaque tunnel

Une expérience a été réalisée par des chercheurs australiens du Queensland. 4 tunnels convergent vers une chambre de décision. Le “plancher” est recouvert d’une feuille blanche amovible et les “murs” latéraux d’un damier imprimé sur une surface lavable. Pourquoi ces précautions ? C’est que l’abeille informe ses demi-sœurs non seulement par la danse d’orientation, mais également en émettant des phéromones grâce à une glande située entre les deux derniers segments de son abdomen. Si l’on veut être sûr que l’abeille suivante ne s’oriente qu’en fonction de la lumière polarisée émise au “plafond”, il faut éliminer tout indice de passage de celle qui l’a précédée dans les tunnels. Un animal qui marche, comme la fourmi, a dans son corps un moyen d’évaluer la distance parcourue (en fonction de la fatigue musculaire, du décompte des pas ou tout autre moyen que l’on ignore). Par contre, l’abeille évalue la distance qu’elle parcourt en volant grâce au paysage qui se déroule sous son regard. Les damiers aux motifs très serrés simulent pour l’abeille une grande distance, alors que, bien sûr, les tunnels ont une longueur bien inférieure à ses parcours habituels. Au bout de chaque tunnel, il y a un écran blanc, et derrière un seul des trois écrans, une coupelle d’eau sucrée en récompense pour avoir réussi le test auquel l’abeille est soumise.

Résultat de l'expérience 1

Polarisation axiale ou transverse, résultats de l’expérience :
On apprend d’abord à l’abeille un parcours : en (a), la lumière est polarisée dans l’axe du 1er couloir et de celui qui est dans le prolongement. Une fois qu’elle a assimilé l’exercice, on le lui fait faire, puis on change la polarisation des couloirs, c’est celui de gauche qui est polarisé dans l’axe (test 2), puis de droite (test 3). En (b), le premier couloir est polarisé de façon transverse, de même que celui de droite (test 1), puis la polarisation transverse passe en face (test 2) et enfin à gauche (test 3). Dans les schémas du dessous, les couloirs verts indiquent la réponse attendue au test (récompensée par de l’eau sucrée) et les pourcentages d’erreur dans chaque test. Bien qu’il y ait parfois un pourcentage d’erreur important, on s’aperçoit à la lecture des résultats que les abeilles se rendent bien compte de la polarisation de la lumière.
polarisation
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Résultat de l'expérience 2

Résultats de l’expérience 2 : Les abeilles volent dans un tunnel laissant voir le ciel et la course du soleil au cours d’une journée (13 Mars 2008) (a). Le tunnel pointe dans une direction à 18° est du Nord vrai. Les schémas montrent les histogrammes d’orientation des axes de danse (rouge, observé, vert, calculé) en fonction de l’heure indiquée en haut de chaque case. Lorsque la ligne rouge est confondue avec la ligne verte pointillée, les abeilles indiquent correctement l’emplacement de la coupelle d’eau sucrée. A la lecture des histogrammes, on constate qu’il y a parfois un écart.

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Résultat de l'expérience 3

Résultats de l’expérience 3 : Les abeilles volent dans un tunnel éclairé par une lumière polarisée transversalement (a) qui simule le vol en direction opposée au soleil (b), ou en direction du soleil (c). La danse est symétrique (lignes bleues haut-bas) et l’axe est orienté à 91,7° dans le sens inverse des aiguilles d’une montre par rapport à la direction horizontale vers la droite.

polarisation

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Lumière polarisée transversalement

Les exemples et schémas qui suivent sont donnés à titre indicatif pour montrer comment les scientifiques analysent les danses et déterminent les paramètres qui permettent aux abeilles de s’orienter.

(a–d) 4 exemples de danses d’abeilles revenant d’un tunnel éclairé par une lumière polarisée transverse (expérience 3). Chaque schéma montre les orientations de l’axe de frétillement enregistrées séquentiellement lors d’une seule danse.

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Histogrammes de danses d’orientation d’abeilles revenant d’un tunnel éclairé par une lumière polarisée transverse (expérience 3) entre 12:55 et 13:14 le 1er mai 2008 (a) et entre 14:40 et 15:16 le 30 avril 2008 (b). Dans chaque cas, l’orientation moyenne de l’axe de la danse est montrée (dans l’angle en bas à gauche) comme l’angle mesuré en sens inverse des aiguilles d’une montre par rapport à la direction horizontale vers la droite.

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Résultat de l'expérience 4

Résultats de l’expérience 4 : Les abeilles volent dans un tunnel éclairé par une lumière polarisée dans l’axe (a) qui simule le vol dans une direction à angle droit par rapport au soleil qui est, soit à droite (b), soit à gauche. La danse est symétrique (traits bleus gauche-droite) et l’axe rouge est orienté à 1,3° dans le sens des aiguilles d’une montre par rapport à la direction horizontale vers la droite.

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Lumière polarisée dans l’axe du tunnel

Résultat de l'expérience 5

Résultats de l’expérience 5 : Les abeilles volent dans un tunnel dont la première moitié est éclairée par une lumière polarisée transverse et la seconde moitié axiale (a). Cet éclairage du plafond simule un vol d’abord en tournant le dos au soleil (b), ou droit vers le soleil, puis dans une direction où le soleil est à 90° à droite (b) ou à 90° à gauche (c). Les traits bleus représentent l’histogramme de la danse d’orientation, les rouges, les 4 directions indiquées par la danse et les vertes en pointillé, à titre de comparaison, les 4 diagonales : 45°, 135°, 225° and 315°.

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(a–d) 4 exemples de danses de l’abeille n° 11 enregistrés durant l’expérience 5. Chaque schéma montre les orientations de l’axe de frétillement enregistrées séquentiellement durant une seule danse.

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Mesures des durées moyennes de frétillement durant les danses des abeilles revenant d’un tunnel de 12 m illuminé par une lumière polarisée axiale (a), transverse (b) ou transverse sur les 6 premiers mètres et axiale pour les suivants, de façon à simuler un vol dan un tunnel en L (c). Les durées correspondantes sont en (d).

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Schéma : Modèle de simple diffusion Rayleigh de la lumière polarisée du ciel (Single-scattering Rayleigh model of skylight polarization) –

Erreurs d’orientation

Lorsque le ciel se couvre, les abeilles arrivent encore à s’orienter en fonction de la position du soleil grâce à la lumière polarisée visible dans les petites portions de ciel encore dégagées. MAIS… parfois, elles se trompent. Pourquoi ? Les scientifiques montrent que les abeilles utilisent une carte (innée ou apprise avec l’expérience?) schématique de la polarisation de la lumière dans le ciel, mais elles n’ont aucune idée d’ensemble du mode de polarisation de la lumière dans le ciel.

Le premier schéma MS ci-dessous montre les angles (cercles) des vecteurs (petites flèches) du champ électrique de la lumière polarisée dans un repère solaire. Le cercle de flèches blanches montre l’endroit du ciel où la polarisation est maximale, relativement au Soleil. Mais le Soleil étant caché par les nuages, les abeilles ne peuvent utiliser qu’un repère constitué par l’horizon et la verticale du lieu passant par le zénith (schéma 2 MAS). Pour savoir où est le Soleil (caché par les nuages), elles doivent déterminer dans un petit coin de ciel bleu l’orientation des vecteurs de lumière polarisée (petits traits noirs épais). L’orientation du vecteur du champ électrique de la lumière polarisée dépend des positions respectives de l’observateur, du soleil et du point observé (le vecteur est orthogonal – perpendiculaire – au triangle ainsi défini). On voit que le vecteur est perpendiculaire à l’arc passant par le Soleil et le zénith, et qu’il est vertical le long de l’arc perpendiculaire au précédent. Partout ailleurs, le vecteur est oblique par rapport aux autres arcs passant par le zénith.

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Les abeilles n’utilisent que les e-vecteurs le long de la ligne de polarisation maximale (notée lpmax sur le schéma ci-dessous) pour calibrer leur fonction x/phi. C’est en tournant la tête qu’elles perçoivent leur orientation par rapport à leur repère horizontal. Comment font-elles ? Les ommatidies (yeux à facettes) supérieures de chaque œil composé sont sensibles aux UV et ce sont elles qui constituent l’œil-boussole. Dans cette zone, elles sont composées de plusieurs neurones sensoriels allongés, situés derrière une lentille frontale, et arrangés parallèlement en roue ; la partie réceptrice de chaque neurone (où démarre la transduction lumière – dépolarisation du neurone) se trouve dans une sorte de peigne (constitué de cils ou microvilli) qui prolonge le soma. Ces peignes, réunis au centre de la roue, forment le rhabdomère. Chaque peigne est plus sensible quand la polarisation de la lumière est parallèle à lui.

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Schéma : Modèle de la lumière polarisée du ciel (e-vector pattern)

La plus mauvaise configuration pour les abeilles, avec les plus grandes erreurs, c’est quand le soleil et la moitié fortement polarisée du ciel sont ensemble totalement occultés par les nuages.

L’orientation grâce au champ magnétique terrestre

Le champ magnétique de la Terre

cmt

Le champ magnétique de la Terre est en premier lieu généré à l’intérieur de la Terre, par l’effet de dynamo dû aux mouvements de convection dans le noyau terrestre, composé à 90% de fer liquide. Ces mouvements sont générés par le refroidissement progressif du noyau et de la graine solide située au centre de la Terre. Il en résulte un champ magnétique dipolaire, incliné d’environ 10° par rapport à l’axe de rotation de la Terre.

La magnétosphère, créée par le champ magnétique terrestre, a joué un rôle essentiel pour le développement de la vie sur la Terre en déviant les particules de haute énergie du vent solaire et des rayons cosmiques. Ceci a permis à l’atmosphère terrestre de se maintenir au cours du temps, contrairement à ce qui s’est passé sur Mars, où en l’absence d’un champ magnétique important, le vent solaire a arraché à son passage une grande partie de l’atmosphère de cette planète. Le bouclier fourni par la magnétosphère terrestre a ainsi réduit le flux de rayonnement à haute énergie qui arrive jusqu’au sol, permettant le maintien de la vie sur Terre.

Les pôles magnétiques Nord et Sud, définis comme les points à la surface de la Terre où le champ magnétique est exactement vertical, ne sont pas exactement antipodaux. Le pôle magnétique Nord se trouve dans le grand Nord Canadien, tandis que le pôle magnétique Sud se trouve au large de la base française de Dumont d’Urville en Antarctique. La variation séculaire du champ magnétique terrestre se traduit par une lente dérive des pôles magnétiques. Ainsi le pôle magnétique Nord se déplace actuellement à la vitesse de 55 km/an vers la Sibérie.

vent_solaire
inclinaison
Inclinaison des lignes du champ magnétique terrestre

Perception du champ magnétique terrestre par l’abeille

Comment savons-nous si les abeilles sont sensibles au champ magnétique terrestre ? Dans l’expérience ci-dessous, on commence par soumettre l’abeille à un fort champ magnétique de façon à annuler l’effet du champ magnétique terrestre. Puis on la soumet à un conditionnement, à l’instar du grand médecin et physiologiste russe Ivan Pavlov qui, lui, avait travaillé avec des chiens. Il fut lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine de 1904 et reçut la médaille Copley en 1915. En voici le protocole. L’abeille, naturellement, a tendance à tirer la langue (le proboscis) lorsqu’elle se trouve en présence de nectar (ou d’eau sucrée). On la coince dans un petit tube. A chaque fois qu’on lui présente une goutte d’eau sucrée, on la soumet à un stimulus magnétique (20 cycles par jour). Au bout de quelque temps, le simple stimulus magnétique suffit à actionner son réflexe d’extension du proboscis. Cela démontre qu’elle y est effectivement sensible.

abeille_magnetisme
abeille_magnetisme
Magnétisation par un fort aimant permanent

Des cristaux de magnétite dans l’abdomen

Comment l’abeille perçoit-elle le champ magnétique ? Les scientifiques ont essayé de localiser dans le corps la partie sensible en prenant mille abeilles, découpées en têtes, thorax, abdomens. Mille abdomens écrasés ensemble ont finalement révélé la présence de particules de magnétites. L’abeille a plus d’un million de cristaux de magnétite (Fe3O4), qui contiennent du fer et commencent à être synthétisés en fin de transformation de la nymphe. Leur nombre s’accroît avec l’âge de l’abeille qui devient ainsi de plus en plus apte à utiliser le champ magnétique comme aide à l’orientation. Ils sont dans la partie antérieure de l’abdomen, près de l’un des deux organes de l’abeille qui détectent la gravité. Leur alignement en réseau produit un champ magnétique naturel dans le plan horizontal de l’abeille, à angle droit de l’axe de son corps. Chaque cristal est libre de pivoter pour s’aligner dans le champ magnétique terrestre. On ignore encore comment cette information est transmise au centre nerveux pour être exploitée par l’abeille.

Expérience : La limaille de fer s’oriente selon les lignes du champ magnétique de l’aimant

limaille_aimant
limaille_aimant
Action d’un aimant sur de la limaille de fer

Inclinaison des lignes du champ magnétique terrestre

inclinaison_champ_magnetique
boussole

Il y a deux modèles de systèmes de réception du magnétisme par les animaux terrestres : l’un est chimique et l’autre basé sur la magnétite. Le système de magnétoréception chimique dépend de la lumière et fonctionne grâce à une flavoprotéine appelée cryptochrome qui est un photorécepteur. Il contient deux pigments qui peuvent être excités par le rayonnement ultraviolet (UV)-A et le bleu en se scindant en une paire de radicaux dont la réaction dépend de l’intensité et de l’orientation du champ magnétique terrestre. Certains animaux, tels que les oiseaux migrateurs, la mouche à viande, le cafard américain, le papillon monarque et la mouche des fruits, y seraient sensibles, mais cela n’a pas été encore démontré pour l’abeille, bien qu’elle soit dotée de cryptochromes.

4 effets du champ magnétique terrestre sur l’abeille

1/ Les abeilles dansent sur les rayons verticaux de la ruche et, ce faisant, convertissent l’azimut de la source de nourriture (l’angle par rapport à la projection du Soleil sur l’horizon) en un angle par rapport à la verticale du lieu. Pour ce faire, elles utilisent bien sûr la gravité qui est aussi un paramètre astronomique connu depuis les travaux d’Isaac Newton (Loi universelle de la gravitation).  Toutefois, à certaines heures, elles commettent de petites erreurs régulières, alors que si on masque le champ magnétique terrestre, ces erreurs ne se produisent plus.
2/ Lorsque les rayons sont basculés à l’horizontale, les abeilles sont désorientées. Après quelques semaines, elles réorientent leurs danses selon les points cardinaux de la boussole magnétique. Si, de nouveau, on masque le champ magnétique terrestre, elles sont incapables de se réorienter.
3/ Si on les déplace dans une ruche vide cylindrique dépourvue de repères, elles construisent les rayons selon la même orientation par rapport au champ magnétique que la ruche mère, orientation qu’elles ont donc mémorisée.
4/ Les abeilles qui vivent dans le noir à l’intérieur de la ruche ont quand même un rythme circadien, alors qu’elles ne perçoivent pas l’alternance jour-nuit puisqu’elles ne vont pas à l’extérieur. Il est réglé par les variations quotidiennes régulières du champ magnétique terrestre, ce qui est confirmé par l’application d’un champ anormalement fort qui perturbe leur rythme.

abeille

Autres effets

Si, en plus du manque de lumière, les repères physiques font aussi défaut, il reste encore une solution aux abeilles, celle de s’orienter grâce au champ magnétique terrestre, qui conditionne la construction de la ruche, mais aussi les danses. En effet, en jouant artificiellement sur le champ magnétique, on a vu les abeilles orienter chaque fois leur danse vers les directions offertes par chaque champ créé… mais qui ne correspondaient pas avec une direction réelle de la nourriture.

Les phénomènes magnétiques influent aussi sur l’horloge interne des abeilles.

Variations quotidiennes du champ magnétique terrestre

La déclinaison magnétique est, en un point donné sur la surface de la Terre, l’angle formé entre la direction du pôle Nord géographique et le Nord magnétique (il s’agit donc d’un angle sur le plan horizontal du point d’observation). Cet angle est compté positivement vers l’est et négativement vers l’ouest. La déclinaison varie, et sa variation sur 24h est plus facile à détecter s’il y a une faible activité solaire. On l’appelle « Solar quiet » ou Sq variation. Les courants ionosphériques sont responsables de la Sq variation durant l’été dans l’hémisphère nord.

variation_champ_magnetique lumiere_soleil

Les courants ionosphériques sont aussi responsables des variations de l’intensité du champ magnétique.

Chambon la Forêt :

variation_cmt

Ci-dessous, magnétogramme du 1er Juin 2014 de Chambon-la-Forêt. H, D et Z sont les trois composantes du champ magnétique fournies par le magnétomètre vectoriel. F est l’intensité totale du champ fournie par le magnétomètre scalaire. Fs-Fv est l’intensité totale du champ fournie par le magnétomètre scalaire moins l’intensité totale du champ fournie par le magnétomètre vectoriel. (Valeurs en nT affichées chaque minute).

magnetisme magnetisme

Principe des mesures absolues. Dans le pavillon des mesures absolues (bâtiment à gauche), l’opérateur vise une cible dont la direction par rapport au Nord géographique est connue. La cible est fixée sur le bâtiment au-dessus de la cave où se situent les magnétomètres vectoriels et scalaires. Un magnétomètre fixé sur le théodolite nous permet de mesurer la déclinaison (représentée en bas à droite pour l’année 2004) et l’inclinaison du champ. Ces données sont utilisées pour calibrer les données mesurées par le magnétomètre vectoriel. La courbe des corrections appliquées s’’appelle la ligne de base.

Institut de physique du globe de Paris: Dans tout l’espace, autour et à l’intérieur de la Terre se trouve un champ magnétique. Plusieurs phénomènes naturels ou artificiels se somment et constituent le champ magnétique total, qui varie constamment selon les variations des sources qui le génèrent. GÉODYNAMO: effet de dynamo dû aux mouvements de convection dans le noyau terrestre – LITHOSPHÈRE: Une petite partie du champ magnétique terrestre provient des roches aimantées de la croûte terrestre. – IONOSPHÈRE: La radiation solaire X et UV est absorbée dans les couches les plus hautes de l’atmosphère, où des couples ion-électron sont produits du côté de la Terre illuminé par le soleil. Ces particules libres produisent des courants électriques autour de 100 km d’altitude, responsables de la variation diurne du champ magnétique. – MAGNÉTOSPHÈRE: La partie la plus externe du champ magnétique terrestre est exposée au vent solaire, un flux de particules chargées émis constamment par le soleil. Les courants électriques magnétosphériques provoquent eux aussi des variations du champ magnétique observé au sol. – DÉRIVE DES PÔLES MAGNÉTIQUES: Les pôles magnétiques Nord et Sud, définis comme les points à la surface de la Terre où le champ magnétique est exactement vertical, ne sont pas exactement antipodaux. Le pôle magnétique Nord se trouve dans le grand Nord Canadien, tandis que le pôle magnétique Sud se trouve au large de la base française de Dumont d’Urville en Antarctique. La variation séculaire du champ magnétique terrestre se traduit par une lente dérive des pôles magnétiques. Ainsi le pôle magnétique Nord se déplace actuellement à la vitesse de 55 km/an vers la Sibérie. –

main cmt

Schéma extrait d’un logiciel de calcul en ligne du champ magnétique terrestre pour un lieu donné

Les sept composantes du champ magnétique terrestre indiquées sur le schéma ci-contre sont:

F – Intensité Totale du champ magnétique terrestre CMT
H – Intensité Horizontale du CMT
X – Composante Nord du CMT
Y – Composante Est du CMT
Z – Composante Verticale du CMT
I (DIP) – Inclinaison des lignes du CMT
D (DEC) – Déclinaison (Variation Magnétique )

Les valeurs sont exprimées en nT (nanoTesla), deg (degrés) et min (minutes) par an.

En ce qui concerne l’inclinaison du champ magnétique terrestre, certains insectes et certains oiseaux migrateurs sont capables de la percevoir, une réaction chimique se produisant à la surface de l’oeil par combinaison d’un phénomène lumineux et magnétique. Jusqu’à présent, il n’est pas prouvé que l’abeille y soit sensible, bien qu’elle soit dotée elle aussi de cryptochromes.

Autres repères d’orientation

A distance : Les éléments du paysage (arbres, buissons, rochers, bâtiments…)

Quand le ciel est totalement couvert, et alors que la lumière polarisée n’est plus accessible, les ouvrières continuent de travailler (à un rythme moins soutenu, cependant) et d’indiquer aux autres abeilles en dansant le bon angle entre les fleurs à butiner et le soleil. Il semblerait dans ce cas que les abeilles se servent de repères terrestres et font appel à leur mémoire pour se rappeler la position visible du soleil les jours précédents par rapport aux repères en question.

ruche

Les odeurs, l’iridescence

antennePerception spatiale d’un message olfactif : Elles sont capables d’identifier le moindre principe actif d’une molécule odorante et diffusent elles-mêmes des substances qui sont autant de messages de sexualité, d’alarme ou de marquages. Le parfum des fleurs est d’ailleurs un des éléments d’attraction des insectes. L’organe de l’odorat chez les abeilles est situé dans le flagelle (ou fouet) de chaque antenne. Le flagelle comporte 10 articles chez la reine et l’ouvrière, 11 articles chez le faux-bourdon. A son extrémité se trouvent des structures sensorielles:

  • des sensilles trichoïdes: pour le toucher
  • des sensilles basiconique: pour le goût
  • des plaques poreuses (uniquement sur les 8 derniers segments): pour l’odorat. Une plaque poreuse comporte 7 types de structures sensorielles:
    • le petit poil à paroi épaisse
    • l’ergot à paroi épaisse
    • le cône à paroi mince
    • le grand cône à paroi mince
    • la plaque poreuse ou l’organe plat
    • l’organe creux (s. celoconicum)
    • l’organe creux (s. ampullaceum)

A proximité : Les couleurs et les formes des fleurs

Les abeilles sont attirées par l’iridescence des fleurs. Il s’agit d’un phénomène optique qui provient de la structure de l’objet regardé (ici, les pétales). En fonction de l’angle de vue, elles perçoivent l’objet d’une couleur différente. Cette propriété les attire davantage que les couleurs pigmentaires. L’empilement complexe de ces microstructures (des couches d’écailles elles-mêmes composées de stries) permet de renvoyer la lumière avec une longueur d’onde différente pour chaque direction. Ainsi, en fonction de l’angle de vue, la longueur d’onde – et donc la couleur – qui est renvoyée à l’observateur est différente. Ci-dessous, les élytres de l’Hoplie bleue sur laquelle s’est posée une mouche sont iridescentes.

ATTENTION ! Une abeille peut explorer un point sur une superficie de 7200 hectares autour de sa ruche. D’où le danger d’employer des pesticides dans les environs d’un rucher !

mouche
Mouche sur une Hoplie bleue (Aldudes)

Pour le retour : Les formes et couleurs des ruches, leurs dispositions et orientations respectives, leur insertion dans le paysage

Pour finir, voici les résultats d’une dernière expérience qui met en évidence non l’orientation, mais la désorientation des abeilles: c’est le phénomène de la dérive. Elle a été réalisée en Provence, dans des champs de lavande. Les apiculteurs qui font de l’élevage intensif s’aperçoivent que le plus tue le mieux, comme nous allons aussi le constater. L’équipe de recherche a installé des ruches parfaitement identiques en deux rangs au milieu d’un champ de lavande immense, avec des fleurs de tous côtés. Chaque alignement est repéré par quatre lettres représentant un groupe de ruches dont on va examiner la production comparée. – Schémas extraits de l’étude : J. Fresnaye. Les erreurs d’orientation des abeilles (dérive) dans le rucher moderne. Les Annales de l’Abeille, INRA Editions, 1963, 6 (3), pp.185-200 (hal-00890176) –

La dérive : Expérience 1

derive_a1

Les deux tableaux ci-dessous montrent pour chaque ruche de chacun des groupes la surface de couvain (en bas) et le rendement en miel (en kg, en haut) sur une année. Il est aisé de constater que les ruches situées au milieu de chaque alignement ont un gros souci, celui-ci étant le plus dramatique au deuxième rang (F, D). Deux essaims sont carrément morts, 8 essaims n’ont pas produit de miel en excédent (tout a été consommé par l’essaim ou les ruches ont été pillées par les abeilles d’autres ruches), et inversement, les ruches placées aux extrémités ont un couvain important, ainsi qu’une bonne, voire excellente production de miel. Que s’est-il passé ? N’ayant aucun repère pour s’orienter, les abeilles des ruches du milieu ont tendance à se perdre, à ne pas retrouver l’emplacement de leur ruche et elles se dirigent alors préférentiellement vers les ruches des extrémités du rang. Là, il y a deux solutions: ou elles se font tuer, car elles ne font pas partie de la famille, ou elles sont acceptées comme main d’œuvre excédentaire car la ruche est très dynamique avec un essaim important et beaucoup de bouches à nourrir.

derive_a2
derive_a1c

Dans une deuxième configuration, le seul changement, ce sont les quelques repères dans l’environnement proche des ruches, arbustes, tas de pierres, champ inculte et une orientation différente par rapport au vent dominant et aux points cardinaux.

La dérive : Expérience 2

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Cette fois, un seul essaim est mort, les couvains et la production de miel sont beaucoup moins contrastés et plutôt mieux, globalement, que dans la configuration précédente.

derive_2b
derive_2c

Enfin, la dernière configuration est la plus naturelle, avec de nombreux repères bien visibles à l’arrière des ruches, une butte qui protège du vent dominant, une entrée des ruches orientées au nord-est, un seul rang de ruches.

La dérive : Expérience 3

derive_3a

Là, les chiffres parlent d’eux-mêmes: les abeilles ne sont pas perturbées, les surfaces de couvain sont généralement bonnes, et la production de miel excellente. Il n’y a pas de phénomène de dérive.

derive_3c

Miellées
Rucher I : 15,15 kg
Rucher II : 24 kg
Rucher III : 28,90 kg

Pour lutter contre la dérive :
1) Installer les ruchers dans des sites ayant le plus de repères (arbres, arbustes, rochers, constructions)
2) 60 ruches maximum, 30 à 40 ruches optimum au même emplacement
3) Disposer les ruches irrégulièrement, leur donner des orientations différentes, varier la distance qui les sépare, laisser pousser des arbustes ou des plantes entre les groupes de ruches, faire varier la distance entre les ruches et le sol. Utiliser le terrain au maximum.
4) Si le site ne s’y prête pas, alors peindre les ruches de couleurs différentes : blanc, jaune, bleu et noir.

Épilogue

eric tourneretPour réaliser cette étude, je me suis documentée en lisant beaucoup d’articles scientifiques dont les auteurs partaient tous du principe que le vivant peut être expliqué, à condition de trouver les “mécanismes” qui sont à l’œuvre. En parallèle, pour me détendre, je me suis plongée dans la lecture stimulante du livre “L’homme végétal – Pour une autonomie du vivant”, de Gérard Nissim Amzallag (Ed. Albin Michel) que je recommande chaleureusement. Il a aussi écrit “La raison malmenée, De l’origine des idées reçues en biologie moderne” (CNRS Éditions). Il conteste le rôle prééminent attribué aux gènes et propose un fonctionnement beaucoup plus souple et une faculté d’adaptation du vivant qui ne repose pas sur le hasard de séries de mutations aussi heureuses que miraculeuses. C’est aussi une critique du Darwinisme fort intéressante. De façon plus complète, Jean Staune, dans son livre “Au-delà de Darwin, Pour une autre vision de la vie”, passe en revue les divers courants scientifiques actuels qui étudient le phénomène du vivant. A méditer…

Au centre de documentation du muséum d’histoire naturelle de la Plaine d’Ansot à Bayonne, un livre magnifique peut être emprunté : Les routes du miel, de Eric Tourneret et Sylla de Saint Pierre aux Editions Hozhoni.

guepe
Poliste méridionale

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Maillard Patricia
3 années

Un travail exceptionnel. Merci d´en avoir fait le partage et de nous avoir permis d´en prendre connaissance

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