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💧 Voyage au Far-West : L’eau

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20 min - temps de lecture moyen
8 au 24 août 2017
Conférence à Aci Gasconha, centre culturel Tivoli d’Anglet, suite au voyage aux USA effectué par Marie-Jeanne, Jean-Bertrand, Joëlle, Jean-Louis et Cathy de la Société d’Astronomie Populaire de la Côte Basque et des amis californiens de Marie-Jeanne, Candi et Robert.

Voyage au Far-West: L’eau

Colorado River : une ressource en eau inépuisable ?

Après avoir vu l’incidence de notre mode de vie sur la forêt des États-Unis d’Amérique, voici la seconde partie de cette présentation, qui va se rapporter à l’eau. Nous avons quitté Bryce Canyon et Arches park, et nous randonnons maintenant dans le parc national Canyonlands, près de la ville de Moab, toujours dans le sud de l’Utah.

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Vue sur une boucle du Colorado, Canyonlands, sud Utah

Les forces implacables de l’eau et de la gravité ont lentement sculpté ce vaste paysage de canyons. L’eau de pluie s’infiltre à travers le grès par des fissures très fines. Durant les froidures hivernales, l’eau gèle et fait éclater la roche, élargissant les fentes. De grandes dalles finissent par se détacher et s’écroulent dans les canyons. Des orages violents éclatent et des torrents d’eau de pluie entraînent les cailloux et la poussière qui dévalent en cascades brunes depuis le bord des falaises. Les pentes plus douces d’argile et de pierres s’écroulent sous l’effet de la force de l’eau.

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Hoodoos (cheminées de fée), Canyonlands

Il en résulte un relief étagé en marches d’escalier selon que l’eau rencontre des couches dures ou tendres. Lors de son passage, une grande partie de l’eau s’évapore ou bien est absorbée par la roche. Seule une faible portion atteint la Green River et la Colorado River, en entraînant des centaines de mètres d’épaisseur de roche, grain après grain.

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Relief étagé de Canyonlands

En observant le miracle de ce fleuve qui parcourt puissamment plus de 1500 miles (2500 km), depuis sa source dans les Montagnes Rocheuses jusqu’à son embouchure dans le Golfe de Californie, en traversant des zones désertiques comme celle où nous nous promenons, il est difficile d’imaginer que les humains aient pu avoir une quelconque influence sur son flux. Et pourtant… En 1922, le grand delta à l’embouchure du fleuve couvrait près de 8000 km², il regorgeait de poissons et d’oiseaux aquatiques. Aujourd’hui, il couvre à peine 700 km² et encore, il s’agit de l’eau rejetée après avoir irrigué les champs de luzerne, de laitue et de melon et les vergers de noyers de Pécan. Parfois, le Colorado n’arrive même plus à atteindre la mer. Que s’est-il passé en un siècle ?

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Vue sur une boucle du Colorado, Canyonlands, sud Utah
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Cernes concentriques d’un arbre

Une étude récente sur les paléoclimats de l’ouest de l’Amérique du Nord a été réalisée en examinant les cernes des arbres. Des sécheresses très sévères y ont été enregistrées durant la période médiévale chaude avec des pics en l’an 936, 1034, 1150, 1253. Elles dépassaient en ampleur celle du début du XXIe siècle. Il y a eu aussi des records de précipitations enregistrés en 1321, 1613, 1829 et 1915. Au cours du XXe et au début du XXIe s., il n’y a donc pas eu d’événement climatique majeur qui aurait pu engendrer une telle diminution du flux du Colorado et de ses affluents.

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Schéma : Paleoclimates: Understanding Climate Change Past and Present” (Thomas M. Cronin)

La carte des précipitations ci-dessous montre que la majeure partie du Far-West américain est très peu arrosée. Les Montagnes Rocheuses orientées nord-sud s’échelonnent sur plusieurs centaines de kilomètres de large à l’ouest du continent et bloquent l’influence maritime du Pacifique qui se limite à l’étroite bande côtière. Au contraire, le territoire est très ouvert aux masses d’air de caractères radicalement opposés qui viennent du nord et du sud (Canada et Golfe du Mexique).

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 Carte ci-dessous : Précipitations annuelles moyennes, carte basée sur les normales de 1961-1990 des sites NOAA et NRCS SNOTEL avec le modèle climatique PRISM

La température locale est fonction de la latitude, de l’altitude et du versant montagneux. Généralement, les précipitations augmentent avec l’altitude, alors que les températures diminuent. Ces conditions climatiques expliquent, outre l’éloignement des côtes et le relief montagneux, la colonisation tardive de l’Utah qui s’est faite avec les Mormons seulement à partir de 1845.

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Réservoir Lower Bowns depuis Larb Hollow Overlook (Boulder Mountain, Sud Utah)

Voici l’exemple de Sandy Ranch, irrigué grâce au réservoir Lower Bowns alimenté par une dérivation du torrent Pleasant Creek.

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La photo satellite donne une meilleure idée de l’importance de la Boulder Mountain sur le plan climatique. L’aride paysage de roche rouge en aval ne reçoit qu’une moyenne de 10 pouces (254 mm) de pluie chaque année. La Boulder Mountain, en moyenne, en reçoit près du double.

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eauUne gestion collective ? John Wesley Powell et les Mormons

A l’est du 100e méridien (qui coupe en deux le Kansas), le pays est vert: la pluviosité, la topographie, les sols, l’accès aisé à l’eau de surface permettent une agriculture conventionnelle sur des étendues de dimensions étonnamment grandes. Ces conditions assoient la démocratie du troisième président Jefferson (1800-1808) fondée sur l’image d’une nation idéale de fermiers libres et indépendants. – Photos : Entrée d’un ranch, Wyoming – Président Thomas Jefferson en 1791, par Charles Willson Peale –

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Portail d’un ranch (Wyoming)

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Le Président Thomas Jefferson en 1791, par Charles Willson Peale

En 1862, pendant la Guerre Civile – que nous nommons en France la Guerre de Sécession (1861-1865) -, le président Abraham Lincoln signe le Homestead Act. Cette loi accorde à tout individu de 21 ans ou plus ou aux vétérans la possibilité de réclamer la propriété de toute terre sur laquelle il s’installe et travaille pendant cinq ans. Dynamisés par l’opportunité de terres disponibles, les gens affluent vers l’Ouest. Les journaux, les compagnies de chemin de fer, les spéculateurs et même les scientifiques font croire aux “homesteaders” que la pluie viendra après les labours.

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Prospection des gisements d’uranium par avion (Charlie Steen) autour de Moab
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Timbre sur John Wesley Powell sur le Colorado au Grand Canyon

Pour canaliser le mouvement, le gouvernement entreprend une Grande Enquête pour repérer l’emplacement des futures voies de transport qui devront relier l’ensemble du pays. C’est dans ce cadre que John Wesley Powell entreprend, de 1867 à 1871, ses explorations depuis les Montagnes Rocheuses jusqu’à l’épique descente du fleuve Colorado dans le Grand Canyon qui le rendra célèbre. Il en retire une connaissance sans précédent de la géologie de l’ouest américain et il réalise que ces territoires diffèrent considérablement de ceux de la moitié orientale. A l’ouest du 100e méridien, sans irrigation rien n’est possible. Powell pense que l’exploitation des mines serait une voie alternative pour subsister, mais cette industrie induit plutôt un comportement de pillage, les mineurs abandonnant les lieux sitôt le filon épuisé.

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Sud Wyoming
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Carte : Bassin du Colorado

L’eau est la clé de la productivité. Voici ce qu’il préconise. Il faut dériver les cours d’eau pour irriguer les cultures dans les vallées et consacrer le haut des montagnes à l’exploitation forestière, l’élevage étant pratiqué à mi-pente quand la végétation le permet. Plutôt que de compter sur l’initiative individuelle, il vaudrait mieux, selon Powell, encourager les efforts communautaires. Dans son rapport de 1878 (Report on the Lands of the Arid Region) et pendant la douzaine d’années qui suit, Powell remet en cause le modèle de colonisation par attribution de terres (Homestead) qui fonctionne bien dans la moitié orientale, mais ne convient pas du tout à la moitié occidentale.

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Irrigation (sud Wyoming)

Ses idées sont inspirées par son observation des Mormons en Utah dont il a pu apprécier l’organisation communautaire durant ses deux campagnes d’exploration. Il pense qu’ainsi les usagers seront obligés de prendre soin de cette ressource rare, car son gaspillage ou la pollution serait dommageable à l’ensemble des colons du bassin versant. Il croit également que les communautés seront mieux aptes à lutter contre des tentatives d’usurpation de leur eau. Son utopie est fondée sur l’idée d’autonomie. Les fermiers dépensent leur propre argent, non les fonds publics, pour construire les barrages et les canaux dont ils ont besoin et leur usage est strictement en relation avec les besoins de leur terre. Il ne leur sera pas permis de vendre l’eau séparément à des villes ou des syndicats.

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Flaming Gorge dam, barrage sur la Green River, affluent du Colorado (Nord Utah)

Mais ce n’est pas la “Voie américaine” (The American Way). Ces mesures préconisées vont à l’encontre d’un développement rapide. Elles interfèrent avec la libre entreprise. Dès 1902, le Congrès en prend le contre-pied et amorce un siècle de construction massive de barrages et de canaux, tous subventionnés par le gouvernement fédéral. Ces travaux permettent une irrigation à grande échelle pour favoriser la colonisation des “homesteaders” et la création d’entreprises agricoles géantes. Les villes s’emparent des droits sur l’eau et la font venir depuis des centaines de kilomètres. C’est le début de la guerre de l’eau.

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Parc national des Arches (Moab, sud Utah)

eauJohn Locke : Travail et propriété

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Portrait de John Locke, par Sir Godfrey Kneller, 1697

Les idées débattues au sein de la jeune nation américaine trouvent leur fondement dans plusieurs siècles de réflexion économique et politique en Europe. Pour s’en convaincre, il suffit de lire par exemple John Locke. Ce philosophe anglais du 17ème siècle (1632-1704) est considéré comme l’un des fondateurs du libéralisme. Dans un monde européen régi par un pouvoir absolu, il tente d’élaborer un système de gouvernement dans lequel les droits de l’individu seraient préservés. Il préconise la limitation du pouvoir étatique et la création d’un droit librement consenti.

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Pronghorn (Antilocapra americana)

Faisant référence aux termes bibliques de la Genèse « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », il fonde le droit de propriété sur le travail agricole. Ainsi, l’auteur de la “Lettre sur la tolérance” en arrive cependant à écrire que, puisque les Indiens ne travaillent pas leurs terres et ne respectent pas ce commandement de Dieu, celui qui exploite ces terres en acquiert automatiquement la propriété. Et si un Indien s’y oppose par la violence, il est tout à fait assimilable, comme tout criminel, aux “bêtes sauvages près de qui l’être humain ne connaît ni société ni sécurité” ; “on peut donc le détruire comme un lion, comme un tigre”.

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Grizzly mangeant un cerf

Pour John Locke, l’État a seulement pour rôle de garantir ce qui est acquis, sans qu’il intervienne dans la société si ce n’est pour corriger les éléments qui tendraient à lui nuire. Tandis que le recours à la force concerne les pouvoirs exécutif (pour l’administration et la justice) et fédératif (pour la sécurité extérieure par la diplomatie), le législatif appartient à la société elle-même. Le pouvoir législatif est pour Locke le pouvoir suprême : il ne peut donc être absolu et arbitraire. Son Traité du gouvernement civil. De sa véritable origine, de son étendue et de sa fin, publié en 1690, connaîtra un succès énorme au XVIIIe siècle, au point de devenir une sorte de “Bible politique” des Lumières. Il inspira les fondateurs des USA et les révolutionnaires français de la fin de ce siècle.

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Cerf hémione, mâle (Mule-deer en américain), Grand Canyon de Yellowstone

En écho à cette pensée, le troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson, rédige ainsi le fameux texte de la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique (4 juillet 1776) : « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés… ».

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Fireweed (Epilobium angustifolium), Yellowstone

eauAdam Smith : Le dogme libéral

Au siècle suivant, Adam Smith (1723-1790), dans son livre “La richesse des nations” effectue une brillante synthèse des idées déjà énoncées par des philosophes et des économistes comme François Quesnay, John Locke, William Petty, David Hume, Turgot ou encore Richard Cantillon. Pour lui, l’origine de la richesse, c’est le travail des hommes. Analysant l’économie de son temps, il distingue trois grandes causes de l’enrichissement de la nation : la division du travail, l’accumulation du capital, et la taille du marché. Selon Adam Smith, les « lois » du marché, associées à la recherche de l’intérêt personnel des agents économiques, conduiraient à un résultat inattendu : l’harmonie sociale. En faisant de l’initiative privée et égoïste le moteur de l’économie et le ciment de la société, il achève d’énoncer le dogme libéral.

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Renard roux, Lamar vallée, Yellowstone

Dans le livre V de la Richesse des nations, Adam Smith définit les devoirs régaliens dans leur sens moderne : la protection des libertés individuelles fondamentales contre les agressions du dedans et du dehors. Pour autant, Smith ne refuse pas à l’État toute intervention économique.

“Dans le système de la liberté naturelle, le souverain n’a que trois devoirs à remplir; trois devoirs d’une haute importance, mais clairs, simples et à la portée d’une intelligence ordinaire.

– Le premier, c’est le devoir de défendre la société de tout acte de violence ou d’invasion de la part des autres sociétés indépendantes.

– Le deuxième, c’est le devoir de protéger autant qu’il est possible chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre, ou bien le devoir d’établir une administration exacte de la justice.

– Et le troisième, c’est le devoir d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou à entretenir, parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers, quoiqu’à l’égard d’une grande société ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses.”

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Hirondelles rustiques (nichée), Ile Penelope, Grand Lac Salé, Utah

eauIrrigation, croissance de la population humaine et de son cheptel

Comme nous l’avons vu en évoquant le personnage de John Wesley Powel, jusqu’au début du 20e s., c’est le gouvernement fédéral américain qui gère les territoires de l’Ouest. Il considère qu’il s’agit d’une ressource inexploitée et que sa transformation en une région agricole productive parsemée de villes aidera la nation à prospérer. L’exploitation communautaire des bassins versants prônée par Powell n’ayant pas été acceptée, Théodore Roosevelt signe en 1902 le Reclamation Act qui donne le coup d’envoi de travaux gigantesques pour l’irrigation des 20 États de l’Ouest.

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Bisons, Yellowstone

En 1922, un accord de répartition de l’eau est signé sous le nom de Colorado River Compact. Selon ses termes, 9,3 km³ sont alloués aux États du bassin supérieur, le Wyoming, le Colorado, l’Utah et le Nouveau Mexique et un volume égal aux États du bassin inférieur, l’Arizona, le Nevada et la Californie. Ce volume est déterminé à une époque de fortes précipitations. Par conséquent, en période de sécheresse, le bassin supérieur ne peut pas respecter ses engagements à l’égard du sud, alors que durant les années très pluvieuses, beaucoup d’eau est gaspillée, faute de moyens pour la stocker.

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Trout Lake (Yellowstone)

C’est la raison pour laquelle la création de nouveaux réservoirs est proposée le long des affluents comme les Green, San Juan et Gunnison Rivers. Si ces demandes de répartition plus régulière de l’eau sur le territoire des États-Unis sont initialement faites au début du XXe siècle par les éleveurs et les agriculteurs, ce sont désormais principalement les villes et les activités industrielles qui prennent le relais des tractations.

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Parc national des Arches, sud Utah

Aujourd’hui, trente millions de gens répartis sur sept États de l’Ouest des États-Unis – et deux provinces du Mexique – dépendent de l’eau du bassin du Colorado dont 82% est ponctionné par le secteur agraire. La Californie est la première impactée par la réduction du volume d’eau disponible, puisque c’est le plus méridional des sept États nord-américains. Elle utilise 86% de l’eau du fleuve qui lui est allouée pour l’irrigation de ses cultures. La croissance de sa population conjuguée au réchauffement climatique vont l’amener très rapidement à devoir restreindre sa consommation d’eau. Mais l’Utah n’a pas une situation plus enviable, avec 82 % d’eau allouée au secteur agraire. Les trois quarts de ses revenus agricoles proviennent de l’élevage et de ses dérivés, principalement les bovins, et la culture principale est celle du foin, pour nourrir le bétail. Le spectre de pénurie d’eau dans le second Etat le plus aride est préoccupant. Et, si les projections sont justes, il y aura deux fois plus d’habitants en Utah dans seulement 45 ans. Cela signifie davantage de stress à propos d’une ressource qui est déjà tendue. Il faudra l’utiliser plus judicieusement et donner des priorités.

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eauElinor Ostrom : La gouvernance des biens communs

Si le président et le congrès américain s’appuient effectivement sur les penseurs du libéralisme tels que John Locke et Adam Smith, d’où viennent les idées défendues par John Powell et le mode d’exploitation communautaire adopté par les Mormons ? – Ci-dessous, livres d’Elinor Ostrom, la gouvernance des biens communs – L’avenir des biens communs –

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elinor ostrom
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Enclosures

Autrefois, les petits paysans et les pauvres, dans les coutumes et les premiers textes législatifs européens, avaient des droits élémentaires sur les communaux dont ils tiraient leur subsistance : la vaine pâture, la récolte du miel, le bois de chauffe, les produits de la cueillette. Entre le XIIIe et le XVIIe siècle se produisit en Angleterre le mouvement des “enclosures” qui opposa très violemment les pauvres des campagnes aux propriétaires terriens sur le thème des communaux. Les propriétaires voyaient dans la privatisation et la clôture des espaces la garantie d’une meilleure productivité, notamment pour l’élevage des moutons. Le commerce de la laine était alors en pleine expansion, de concert avec le développement des filatures. Cette expropriation conduisit les pauvres à rejoindre les villes et à accepter les travaux les plus ingrats, notamment l’engagement sur les bateaux de la marine anglaise. Ce mouvement des enclosures se propagea ensuite largement en Europe, marquant, selon certains auteurs, l’avènement du capitalisme.

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Jacquerie (révolte paysanne), 1358

Elinor Ostrom est californienne, elle est au courant des sérieux problèmes d’approvisionnement en eau de l’État où elle réside. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, elle étudie les modes collectifs d’exploitation de la nappe phréatique du Bassin Ouest de Los Angeles. Suite à l’obtention de son diplôme en 1965, elle accède à un poste dans la recherche et mène ensuite des enquêtes de terrain dans des communautés dont la survie dépend de la gestion efficace des ressources partagées, parmi lesquelles certaines ont des siècles d’expérience d’auto-gouvernance. En 2009, le prix Nobel d’économie lui sera attribué pour son travail sur « La Gouvernance des biens communs ».

Elle visite des systèmes d’irrigation à petite échelle au Népal afin de mieux comprendre pourquoi les systèmes gérés par les agriculteurs sont plus performants que ceux gérés par l’État. Mais le premier cas présenté dans son livre “Gouvernance des biens communs” porte sur une tenure communale dans les prairies et forêts de haute montagne à Törbel, en Suisse. La même problématique est résolue de façon comparable dans les villages de Hirano, Nagaike et Yamanaka au Japon. L’étude suivante porte sur les institutions toujours en vigueur des systèmes d’irrigation de huertas à Valence, Murcie, Orihuela et Alicante en Espagne. Ce mode de gestion communautaire subsiste donc en Europe. Nous en avons des exemples jusque chez nous avec les accords de lies et passeries tout le long de la chaîne pyrénéenne : ils assurent la paix entre communautés et organisent la jouissance indivise des pâturages d’altitude.

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Ours grizzly traversant une rivière (Yellowstone)

Il s’avère que ce thème est redevenu d’une actualité brûlante. En effet, la prise de conscience écologique qui se produit au cours des années 1970 et 1980 va renforcer ses analyses. La question des communs va s’élargir de ressources principalement locales aux ressources globales. Les océans, le climat, la diversité biologique, l’Antarctique, les forêts sont menacés de dégradation et d’appropriation… Lors de la conférence Rio+20 qui a lieu en 2012, le thème des communaux figure même dans le titre: “Sommet des Peuples pour la justice sociale et environnementale en défense des biens communs” et les activités autogérées constituent l’essentiel du programme de réflexions. Comment la théorie des communs nous permet d’affronter les défis qui se posent à l’échelle globale ? Quelles sont les communautés concernées par leur protection, et les règles et agencements qui leur permettent d’exister et d’agir ? Elinor Ostrom montre que dans un grand nombre de situations, et notamment pour la gestion de ressources communes, laisser les individus organiser par eux-mêmes leurs relations entre eux peut donner de meilleurs résultats que le recours à l’intervention publique, aussi bien qu’au marché.

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Beaver pond (étang au castor), Yellowstone

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