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Meaca

12 min - temps de lecture moyen
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Un temps menaçant

Lorsque nous descendons des voitures garées au pied des émetteurs de télévision de l’Alto Aizpitza, à peu de distance du sommet du Gorramendi, nous sommes saisis par le froid, le vent et l’humidité. Le plafond nuageux est bas, agité et menaçant. Tout le monde s’équipe de bonnet et de gants, sans oublier la cape ou le vêtement de pluie dans le sac à dos. Mais la balade débute par une légère descente à flanc de montagne et tout le groupe d’Anglet Accueille se retrouve rapidement à l’abri. Au cours de la journée, les éclaircies alterneront avec des passages nuageux plus épais. Nous assisterons à un véritable ballet céleste qui nous offrira des lumières enchanteresses. Le parcours prévu fait 900 mètres de dénivelé en cumulé, avec comme point culminant le pic du Buztanzelhay et le passage par trois cols : Meaca, Astate et Buztanzelhay. Après le pique-nique avalé tambour battant car les corps se refroidissent, le groupe fait l’ascension supplémentaire du Alto de Aintziaga, optionnelle, tandis que je termine tranquillement mon thé brûlant en compagnie de deux autres randonneurs tout en gardant un œil sur les sacs à dos. Depuis notre position sur le col, nous les entendons chanter au sommet, puis ils redescendent gaiement en éparpillant un troupeau de brebis. Les trois premières dévalent la pente en courant jusqu’à nous, hilares et ivres de vent.

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Une lumière matinale rasante
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Un menhir dans la hêtraie tapissée de mousse
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Le menhir a un peu basculé
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De face, il est vaguement anthropomorphe.

Nous parcourons le haut de la vallée du Baztan dont les habitants ont une organisation bien particulière, ainsi que je l’avais noté en effectuant des recherches après notre balade précédente au mont Abartan. Cette fois, je découvre deux archéologues épris de “vieilles pierres”, Josu Cabodevilla et Itziar Zabalza, qui s’efforcent de faire respecter le patrimoine de la vallée et de le protéger des destructions en tout genre. Ils ont entrepris d’établir un catalogue détaillé qui répertorie quelque 600 mégalithes, parmi lesquels on compte 114 dolmens, 147 tumuli, 247 cromlechs (ou cercles de pierres) et 92 menhirs (55 couchés et 37 dressés): ce n’est pas rien ! Pas étonnant dans ce cas que nous en croisions quelques uns. Nous nous trouvons à cheval, je pense, sur deux secteurs:

  • Zone 5. MAISTRUGAIN-GORRAMENDI-BARDAKOMENDI.
    56 mégalithes: 15 dolmens, 27 cromlechs (cercles de pierres), 2 tumuli, 10 menhirs ou monolithes couchés, 1 menhir ou monolithe dressé.
  • Zone 6. UBEDO-ASTATE-IPARLA. 10 mégalithes: 1 dolmen, 3 cromlechs (cercles de pierres), 3 tumuli, 1 menhir couché et 2 menhirs ou monolithes dressés.
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Emplacements des mégalithes: Itzulegi, Gorramendi, Bardakomendi
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Menhir gravé
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Dolmen-tumulus

Certains menhirs sont anthropomorphes (on reconnaît une silhouette humaine), d’autres vaguement rectangulaires, et tous sont en grès. Il y en a beaucoup dans la vallée : 37 exemplaires sont encore debout et 55 couchés, sans compter les 3 menhirs dressés d’Iparla, Okolin, Babazelai, celui de Zaho et les 2 d’Artola et Gurbia, couchés, qui se situent à quelques mètres des limites de la vallée. Quant à la situation des menhirs par rapport aux autres monuments mégalithiques, 46 d’entre eux se trouvent près de cromlechs ou de stations de l’Age de Fer, 25 près de dolmens, et 19 avec des dolmens et cromlechs en stations mixtes. La majeure partie se trouve proche de stations datées du premier millénaire avant notre Ère, une donnée identique à d’autres stations comme celle d’Adiko Soroa (Pays Quint) et Tornula-Irulegieta (Aezkoa). – En commentaire, je précise que, bien sûr, on ne peut pas dater directement l’époque à laquelle les menhirs ont été taillés et mis en place. Ils sont d’autant plus difficiles à dater qu’il n’y a aucun “mobilier” à côté, outil ou récipient, qui permettrait d’estimer une période probable. Par contre, les sépultures peuvent être datées au carbone 14 ou par d’autres moyens plus sophistiqués. –

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Emplacements des mégalithes: Ubedo, Astate, Iparla
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Bibliographie
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Bibliographie

Le vestige suivant est décrit par Jacques Blot, médecin et archéologue amateur qui a longuement écumé la montagne pour en inventorier les mégalithes. J’ai eu la chance de le rencontrer une fois lors d’une balade naturaliste organisée par le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Pays basque à l’époque où Dimitri Marguerat y travaillait en tant que guide et accompagnateur de moyenne montagne. Dans le texte que j’avais écrit (et que je lui avais soumis pour contrôle), je retrace l’exposé qu’il nous avait fait sur l’extension de la langue basque et du peuple basque, l’évolution du climat et, par conséquent, des outils des humains. Par exemple, il évoquait le terme qui désigne la hache en basque. “Sa dénomination contient la racine aitz (pierre) qui fait suggérer que ce mot remonte à une époque antérieure à l’usage des métaux (Aizkolariak – les bûcherons).” Revenons à la balade d’aujourd’hui. Voici la description qu’il fait de ce dolmen. “Le dolmen d’Astate est situé à quelques mètres de la frontière, dans la commune d’Errazu, entre les pics de Buztanzelhay et Astate. Il est composé d’un tumulus circulaire de 10 m de diamètre, avec au centre une chambre funéraire orientée au N-O délimitée par 3 dalles. On remarquera que le lieu est aussi appelé Pausagaixto, « le mauvais repos », ce qui en dit long sur l’âpreté du site, ou la difficulté de ses voies d’accès.” Un peu plus loin, nous verrons un autre dolmen plus en surface avec une belle pierre latérale qui couvrait peut-être autrefois le tombeau.

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Redoute napoléonienne
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Derrière nous, la première enceinte
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Dolmen

Près du dolmen-tumulus, la piste en provenance du Gorramendi et en direction de l’Astate traverse une construction bien plus récente. Elle se présente comme une double enceinte de pierre séparée par une lande de fougère rousse. Une fois franchi le second muret, Jacques nous fait remarquer le fossé encore profondément creusé, et dont le tracé forme des zigzags autour d’une esplanade centrale légèrement surélevée et infléchie en son centre. Il s’agit d’une redoute napoléonienne. Prosper Mérimée (1803-1870) a écrit une courte nouvelle intitulée “L’enlèvement de la redoute” qui donne une bonne idée de la façon dont on faisait la guerre à cette époque. La bataille qu’il évoque s’est déroulée le 5 septembre 1812 pendant la campagne de Russie de Napoléon. L’écrivain publiera son texte en 1829, soit bien après la mort de Napoléon 1er qui décède sur l’île de Sainte Hélène en 1821.

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Deuxième enceinte à l’horizon

A propos des redoutes pyrénéennes, voici une notice écrite par Mérimée qui, en plus d’être écrivain, est également historien et archéologue. – En 1831, il entre au ministère et en 1834, il devient Inspecteur général des monuments historiques. – “Les guerres du Premier Empire ont laissé le long de la frontière franco-espagnole plusieurs dizaines de redoutes. La plupart ont été édifiées au cours du Premier Empire et notamment au cours de la campagne 1813-1814 qui a opposé au Pays basque les forces de Soult à celles de Wellington. A la suite de la contre-offensive déclenchée par le Maréchal Soult le 25 juillet 1813, les forces françaises avaient dû se replier sur Bera et le cours inférieur de la Bidassoa. Soult fait alors édifier le long de la frontière franco-espagnole une ligne défensive, à base de redoutes, de tranchées et de divers obstacles.”

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Tranchée

En 1894 une description critique de la situation en 1813-1814 est publiée. Elle a été rédigée par le Commandant Charles Clerc, officiant durant les Campagnes du maréchal Soult dans les Pyrénées occidentales. “Du haut de la Rhune, embrassez la longue rangée de sommets que couronnent les redoutes ; voyez sur leurs flancs les courts et modestes linéaments de tranchées, trop espacées pour se prêter un mutuel appui ; placez nos malheureuses divisions sur leurs positions ; étendez le rideau de leurs avant-postes ; suivez alors la marche des colonnes ennemies serpentant de hauteur à vallon jusqu’aux rampes de la barre d’Amotz, s’y élevant, précédées d’une nuée de tirailleurs qui aveugle la défense et noie les redoutes, et vous reconnaitrez que nul génie humain ne pouvait nous sauver d’un désastre.”

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Tranchée
Établies sur des points hauts, les redoutes disposaient de vues le plus souvent dégagées. Susceptibles de s’appuyer mutuellement, elles pouvaient constituer une formidable ligne d’arrêt. Toutefois, en dehors des redoutes Louis-XIV et de la Croix des Bouquets, elles n’étaient défendues que par des effectifs du niveau de la compagnie, voire inférieurs, et elles ne disposaient d’aucune réserve de contre-attaque. Petits ouvrages isolés, elles étaient conçues pour permettre aux fantassins de se mettre à l’abri, au lieu d’avoir à se former en carré en terrain découvert. Elles comprenaient une partie centrale, plus ou moins aplanie, délimitée sur toutes ses faces par des tranchées. Ces dernières, généralement non recouvertes, devaient permettre à l’infanterie de se déplacer, tout en restant à l’abri, pour renforcer les zones attaquées, lui donnant ainsi une certaine capacité de manœuvre.
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Lichen
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Polypore (amadouvier ?)

Quand le terrain le permettait, les redoutes étaient creusées sur une profondeur de deux mètres et une largeur équivalente, ce qui donnait aux tireurs la possibilité d’utiliser les parapets pour y prendre appui, tout en se mettant à couvert des salves adverses. Lorsque la présence de roches interdisait de creuser, on élevait des murets, comme sur l’Altxanga. Cette conception de la redoute ne favorisait pas les réactions de contre-attaque, car il n’était pas facile de sortir des tranchées, et le nombre d’hommes que celles-ci pouvaient abriter restait limité : mises en difficulté, elles ne pouvaient être efficacement dégagées que par l’intervention d’une réserve extérieure. Certaines des redoutes étaient armées de pièces d’artillerie qui étaient, le plus souvent, disposées sur la partie supérieure aplanie, et donc très exposées aux tirs adverses.

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Pinceaux de lumière sur le Gorramendi et la vallée d’Urritzate
Tout-à-fait fortuitement, je tombe sur un de mes textes écrit lorsque j’étais correspondante de presse pour le Sud-Ouest et qui est resté en ligne sur le site Internet du journal. Il est intitulé “Des Anglais dans les pas de leurs ancêtres“. Le 17 mai 2011, quarante-six Anglais sont venus en visite au village d’Arcangues pour une raison bien spécifique : commémorer les affrontements qui ont eu lieu près de deux siècles auparavant, en décembre 1813, entre les armées napoléoniennes dirigées par le maréchal Soult et les alliés (espagnols, portugais, anglais) menés par le général Wellington.
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Les vapeurs s’élèvent du sol.
« Certains d’entre nous font partie du King’s Shropshire Light Infantry (KSLI), un régiment d’infanterie légère de l’armée britannique formé en 1881 de l’union de deux unités de fantassins, la 53e et la 85e, remontant à 1755, et qui ont combattu lors de cette guerre d’indépendance ». Alors que Napoléon occupe presque toute l’Europe, le général Wellington est envoyé au Portugal en 1808, puis en Espagne en 1809, pour combattre l’armée napoléonienne qu’il repousse en 1813 au-delà des Pyrénées après la bataille de Vitoria.
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Des colonnes de nuages éclairées par des rayons lumineux
Pour superviser les batailles de la Nive, le général Wellington s’installe quelques semaines au château d’Arcangues. Le maréchal Soult basé à Bayonne mène des combats à la redoute de Bassussarry et poursuit les alliés sur Arcangues jusque dans le cimetière. Des soldats anglais se réfugient dans l’église, bombardée à coups de canon par les Français, relate Jean-François de Roumefort qui s’est joint au groupe. Passionné par cette période, le Français parcourt la montagne et la campagne basque à la recherche de vestiges historiques. « On trouve de tout sous les fougères, des balles de fusil, des boulets de canon, des boutons d’uniforme, des insignes… », note-t-il…
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Une colonne de vapeur s’élève vers le plafond de nuages.
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Brebis manex à tête noire
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Panorama somptueux
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Des rayons lumineux filtrent à travers les nuages
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Comme au premier jour…
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Ah! La verdure du Pays basque !

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    Les nuages bloqués derrière les crêtes d'Iparla

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