Séjour à Nocito du 16 au 19 juillet, dans le parc naturel de la montagne et des canyons de Guara (Parque Natural de la Sierra y Cañones de Guara).
Je n’ai pas l’habitude de me rendre à Nocito depuis Torla, si bien que je me trompe et tourne à droite à Fiscal au lieu de poursuivre plus au sud pour prendre la route parallèle. Ainsi, j’ai beau chercher, je ne vois évidemment pas la rivière que je dois traverser pour prendre la route vers le sud qui mène directement à Nocito. Nous faisons donc le tour du plateau et descendons jusqu’à Arguis pour prendre la route vers l’est. C’est plus joli car nous traversons des gorges, mais c’est un peu plus long. Notre hébergeur habituel, la Casa Villacampa, affichant complet cette semaine, j’ai trouvé à nous loger au camping en face qui loue des chambres dans une grosse villa. Les propriétaires espagnols possèdent l’unique boutique du village, un antre sombre et souvent fermé aménagé au-dessous du bar-restaurant. Nous apprenons que l’épouse est née à Used, un village désormais vidé de ses habitants, qui est situé un peu plus loin dans cette haute vallée de Nocito.
Première balade : le sanctuaire de San Urbez.
C’est un ancien monastère probablement fondé par San Urbez lui-même qui mena une vie d’ermite troglodyte à proximité durant le VIIIe siècle. Le premier document écrit faisant référence au monastère remonte au Xe siècle. Il se situe en hauteur sur un promontoire qui domine une grande partie de la vallée de Nocito. L’église est bâtie selon le plan d’une croix latine à trois nefs avec des dépendances. La partie romane est soulignée à l’extérieur par huit socles circulaires sur lesquels s’érige la structure. Les nefs centrale et latérales ont été transformées et agrandies en 1506. Des travaux furent encore faits vers 1626, puis 1701, date à laquelle les restes du fondateur furent transférés dans le sanctuaire. Le culte des reliques du saint était très célébré par les villages alentour, des processions se faisaient même depuis Huesca. Le lieu était renommé pour ces rogations où l’on invoquait la pluie en temps de sécheresse, avec l’immersion des reliques dans le bassin annexé au sanctuaire. Durant la Guerre Civile, les restes du saint furent profanés. A l’heure actuelle, la procession s’effectue encore le dernier dimanche de juin et joue un rôle important de lien social entre les anciens habitants de la vallée de Nocito aujourd’hui émigrés. Dans l’église, un villageois commente à un couple l’histoire du saint et, voyant que nous comprenons un peu, nous emmène voir des photos qui illustrent la survivance de la tradition des processions.
Sortant de l’église, nous prenons un bout de la route carrossable en direction de Nocito. Un peu plus bas, nous tombons en arrêt devant un magnifique chêne, anciennement têtard sans doute, dont le tronc majestueux contraste avec les jeunes arbres qui l’entourent. Une branche arrachée par une tempête gît à terre, aussi grosse qu’un vieil arbre. Si les alentours de San Urbez sont relativement dégagés grâce aux bons offices d’un âne et de deux chevaux, le reste de la colline s’enfriche depuis pas mal de temps si l’on en juge à la taille des buis, dont la pousse est lente, et à l’envergure des chênes. Curieusement, des fils tendus scindent les espaces, apparemment électrifiés. Je me demande comment s’en accommode la faune sauvage et quel est l’organisme qui a investit dans ces kilomètres de clôture. Les gestionnaires du parc naturel ? Nous avons l’impression que c’est davantage conçu pour empêcher les promeneurs de passer partout. Les haies de buis s’entremêlent avec des ronciers dont nous grappillons les mûres à la saveur douce et sucrée.
Deuxième balade: circuit par Bentué
Le mardi, nous partons, toujours à pied (la voiture restera garée au camping pendant tout le séjour), en direction d’un village presque abandonné, Bentué. Nous rencontrons sur place un homme qui jardine activement. Il nous raconte qu’il accompagne son oncle et sa tante, 92 ans, qui habitent depuis longtemps à Huesca mais aiment bien retourner régulièrement dans leur maison de la haute vallée de Nocito. Gentiment, il augmente le débit de la fontaine surmontée d’une grenouille sculptée, et nous enjoint à nous méfier de la “tormenta” (comprendre l’orage) annoncée par de sombres nuages venus du sud qui plongent le Tozal de Guara dans une ombre menaçante. Nous décidons de pique-niquer en attendant de voir l’évolution de la météo et si le temps se dégrade vraiment. De toute façon, nous avons nos vêtements de pluie et nous ne sommes pas en sucre ! Un autre voisin, moins avenant, vient refermer le robinet sous la dalle. Lui aussi n’est là que pour quelques jours et nous déconseille de poursuivre notre balade. Ceci dit, il retourne chez lui et ferme son portail. Nous comprenons qu’il ne nous invitera pas à nous abriter si le besoin s’en faisait sentir… Je me demande si les voisins se parlent, ils sont vraiment très différents. Finalement, le ciel se dégage et nous décidons de rentrer par le versant opposé. En partant, nous rencontrons la tante de notre premier interlocuteur, qui paraît plus jeune que son âge, et apprécie elle aussi de parler un moment avec nous.