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Autosuffisance alimentaire à Behorlegi

39 min - temps de lecture moyen
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Une ferme autour de la montagne Behorlegi

Un jardin pour l’autosuffisance alimentaire

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Les oncles à la retraite s’occupent encore des brebis

A Behorlegi, comme dans la majeure partie du Pays basque, les terres sont dédiées à l’élevage. Ainsi, lorsque Odei et Gorka décident de s’installer avec leurs deux jeunes enfants sur les terres familiales encore exploitées par deux oncles d’Odei en exprimant le souhait de parvenir à l’autosuffisance alimentaire de la petite famille,  ils sont accueillis plutôt fraîchement. En effet, il ne s’agit pas d’un simple petit potager en annexe de la maison offrant un complément agréable aux aliments achetés à l’extérieur, mais d’un véritable projet agricole de polyculture-polyélevage à l’échelle de quatre bouches à nourrir toute l’année. Pour les oncles, il n’est pas question de sacrifier les pâturages (en raison des aides accordées par la PAC, la politique agricole commune) ! A la rigueur, ils pourront occuper quelques lopins inutilisables et délaissés, l’un près de la maison qu’ils restaurent, un autre en pente, derrière un muret le long de la route, un troisième tout en contrebas, dans une clairière et un vieux verger envahi par les ronces, un dernier plus loin encore…

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Une parcelle en pente, toute en longueur derrière le mur de soutènement de la route
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Daikon, radis blanc asiatique
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Planche de daikon parmi les arbres fruitiers

Le jeune couple ne s’en plaint pas, au contraire: c’est un privilège de pouvoir disposer gratuitement d’un logement et d’un terrain. Cette opportunité leur permet d’expérimenter sans avoir besoin d’un énorme capital pour démarrer leur activité, ni l’obligation financière de rembourser un emprunt. C’est quand même un cadeau un tantinet empoisonné: il leur faudra, des années durant, et encore aujourd’hui, lutter contre l’incompréhension, expliquer leur démarche aussi bien au sein de la famille qu’auprès des voisins, dans le village, la vallée, peut-être même au-delà, avec la pression permanente de devoir parvenir le plus rapidement possible à leurs fins puisqu’il s’agit pour eux d’une nécessité vitale. Depuis son plus jeune âge, Gorka se passionne pour le potager. Après avoir accompli des études pour devenir enseignant, il en vient à vouloir subvenir à ses propres besoins alimentaires “sans exploiter quiconque ni être exploité”, de façon à avancer vers l’autonomie totale (sans faire appel à la mécanisation, ou le moins possible).

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Verger et potager intimement imbriqués

Un jardin-forêt

1ère étape, planter des arbres fruitiers

La première tâche, après le débroussaillage et la préparation des terrains, a été de planter des arbres fruitiers: cerisiers, pommiers, poiriers, figuiers, plaqueminiers (kaki), feijoa (goyavier du Brésil), actinidia de Chine (kiwi), kiwaï (kiwi de Sibérie), pêchers, pruniers, noyers, plusieurs variétés de noisetiers entre des variétés sauvages, pacaniers (noix de Pécan), châtaigniers, néfliers… Depuis peu, ils essaient d’acclimater un amandier sur un versant bien exposé. En effet, la forêt est l’écosystème le plus équilibré et le plus productif, ils souhaitent donc s’en approcher le plus possible pour leurs cultures. Cette organisation en jardin-forêt comestible comporte quatre étages, celui des légumes, puis les petits fruitiers, les arbres (ou lianes) de petite envergure et enfin les grands arbres.

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Pommes de terre ramassées au fur et à mesure des besoins

Il faut toutefois prendre garde à l’ombre: les arbres les plus hauts, envahissants ou volumineux sont disposés au nord et en haut de la pente, à l’extérieur du potager-clairière, comme le noyer ou le châtaignier par exemple. Par contre, ceux de moindre envergure, ou bien les lianes comme le kiwi ou la vigne, sont les bienvenus: comme ils sont dépourvus de feuilles en hiver, le soleil pénètre jusqu’au sol et fait prospérer de nombreux légumes et petits fruitiers. En ce début février, le daikon, un grand radis japonais, a pris le relais de la féverole. Meilleure fixatrice d’azote que la fève, elle est aussi bonne pour les animaux que pour les humains. C’est aussi un engrais vert très pratique qui, une fois coupé, se décompose très vite. Il en existe des variétés d’automne et de printemps. Entre les fèves sont semés les haricots grains dont les pieds se décomposent lentement après la récolte. Il y a deux ans, l’hiver a été long et humide, mais cela n’a pas posé de problème ici puisqu’il n’y a ni tracteur, ni travail de la terre en profondeur. Entre les légumes racines, radis noir d’hiver, navet, pousse le taro. Le chou branchu du Poitou et le chou romanesco ne souffrent pas trop de l’appétit voraces des chenilles de piéride, surtout grâce au passage régulier et à l’œil vigilant des jardiniers qui nettoient les feuilles de la présence des œufs. Planté trop près des autres choux, kale ou branchus, le chou rave ne fait plus que des feuilles ! C’est le problème d’une hybridation intempestive… En été, les arbres, taillés un peu haut, tamisent la lumière sans trop l’occulter et tempèrent la température par leur ombre. Ainsi, point n’est besoin d’arroser cette parcelle éloignée de la ferme. Leur présence attire les champignons mycorhiziens et leur feuillage enrichit à l’automne le sol vivant.

Quatre étages au lieu d’un

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C’est la terre qui sert de frigo.

Gorka nous montre un arbuste que je ne connais pas: l’Elaeagnus. Juste à côté, un buisson fleurit déjà de manière très précoce: il ressemble à l’amour en cage, Physalis alkekengi, mais c’est peut-être plutôt le coqueret du Pérou (Physalis peruviana) dont, à l’inverse du premier, les fruits orangés sont dépourvus d’alcaloïdes et parfaitement comestibles. – Petite précision, les deux espèces sont cultivées ici indifféremment, leurs fruits étant bien digérés par tous les membres de la famille. –

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Même la vigne est mêlée à d’autres arbres

Le rendement est plus important qu’un potager ou un verger traditionnel puisque l’espace cultivable est mieux mis à profit. Le cassis et le pommier fructifient à tour de rôle, les végétaux sont en relation les uns avec les autres, il y a moins de proliférations (de limaces, de maladies), la diversité offre un écosystème plus sain. Il y a huit ans, la clairière était dépourvue de clôture, mais les chevreuils ont ajouté les légumes à leur menu, tout spécialement les haricots qui ont été entièrement broutés, de même que les jeunes pousses de daikon, le radis japonais, et les patates douces. Toutefois, tout n’était pas de leur goût: le taro par exemple demeurait indemne, y compris de l’attaque des limaces ! Il a fallu prendre des mesures de protection. Sur le grillage inesthétique posé la mort dans l’âme courent des mûriers sans épine (aux mûres assez fades) et des capucines. Dans ce jardin de la clairière, les cultures se font par rotation sur quatre ans – sept ans pour le jardin qui longe le mur de soutènement de la route -. Gorka nous montre autour des parterres organisés “en vagues” la bourrache en fleurs dont il signale la saveur iodée d’huître et le goût d’anchois des feuilles cuites. Quant à la fleur de scorsonère (salsifis noir), elle a, paraît-il, un parfum de chocolat au lait (les “kinder” des enfants).

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Daikon, radis blanc asiatique

Des limaces pour les canards

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Igname de Chine: les rhizomes ou tubercules, qui peuvent mesurer plus de 30 cm avec un diamètre d’une dizaine de centimètres, ont tendance à s’enfoncer très profondément, rendant leur culture difficile.
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Igname de Chine: Gorka cherche des informations sur sa culture, ses plantes ne produisent pas de tubercules.

La prêle est une source de silice et croît dans les parties humides. La consoude prolifère tout autour du verger-potager. C’est un engrais vert dont Odei et Gorka enterrent les feuilles après les avoir laissé sécher, mais elle constitue également une barrière végétale contre les limaces. Toutefois, l’an passé, ces dernières ont été évacuées par seaux entiers chaque soir, extirpées jusque tard dans la nuit, pour être offertes aux canards qui en raffolent. Réfléchissant aux moyens d’y remédier, Odei et Gorka ont retiré le paillage qui servait à conserver l’humidité autour des plants, et ils ont supprimé les planches de bois qui entouraient les parterres. En effet, ces mollusques s’en faisaient un abri pour dormir la journée sans risque de prendre un coup de chaleur ou de se dessécher. Laissée à découvert, la terre s’est mise à former une croûte qui se fissurait, se craquelait. Pour éviter le dessèchement (ces cultures ne sont jamais arrosées), Odei et Gorka  se sont mis à travailler régulièrement le sol en surface à la houe, sur trois centimètres à peine de profondeur. Cela constitue une sorte d’isolation, les fissures n’apparaissent plus et la terre demeure humide dessous, confirmant l’adage : “un binage vaut deux arrosages”. Le travail du printemps en est également facilité puisque la terre est désherbée, libre d’adventices et quasiment prête pour les semis. Le sentier rural que nous avons emprunté se termine dans un bosquet limité à l’ouest par une falaise rocheuse. Les brebis n’y venant plus, les arbres ont envahi l’ancienne prairie. Ils font sans doute trop d’ombre pour y cultiver la pomme de terre. Peut-être pourraient-ils introduire des champignons (des pleurotes, des shiitake…) dans ce lieu très abrité apprécié des oiseaux ?

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Au bout du sentier rural restauré, le groupe fait halte pour écouter le chant des oiseaux et le murmure du ruisseau.

Dans la mesure du possible, seuls les arbres abattus par le vent sont débités pour être brûlés dans le four ou la cheminée. Les tas de branchages que nous voyons proviennent du récent éclaircissage opéré pour dégager l’ancien chemin communal. Au fur et à mesure des besoins, la famille en prélève des fagots pour la cheminée. Dans le jardin-forêt, les arbres fruitiers sont régulièrement taillés, les fins rameaux sont enfouis dans des sillons où ils font office de drains après avoir été recouverts de terre, ce qui accélère leur décomposition. Cette faible épaisseur de terreau suffit pour y implanter des laitues et des radis. Les parcelles contiennent ainsi en permanence des plantations cultivées perpendiculairement à la pente, sur buttes pour éviter l’érosion, avec des rangs bien écartés pour faciliter le désherbage.

Attention, toxique !

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Chou romanesco

Le jeune couple s’informe sur les propriétés gustatives et alimentaires de chaque végétal, de même que sur sa toxicité éventuelle. Par exemple, les glyco-alcaloïdes, un groupe de composés contenant de l’azote, sont naturellement présents dans diverses espèces de plantes cultivées et ornementales de la famille des solanacées. Cette vaste famille de plantes comprend des légumes couramment consommés tels que les pommes de terre, les tomates, les aubergines, les poivrons et les piments. Le tabac, le pétunia et la morelle douce-amère constituent des exemples de solanacées non comestibles. Lorsqu’ils sont consommés en hautes concentrations, les glyco-alcaloïdes sont toxiques pour les humains. Ils pourraient avoir évolué dans certaines espèces de plantes pour les protéger contre des prédateurs et des pathogènes comme les bactéries, les champignons, les virus, les insectes et les animaux. Les glyco-alcaloïdes confèrent aussi un goût particulier à certaines plantes. Par exemple, une faible concentration de glyco-alcaloïdes donne à la pomme de terre un goût recherché.

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Amour en cage (Physalis alkekengi) ou coqueret du Pérou (Physalis peruviana)

Chaque espèce de plantes contient un assortiment particulier de glyco-alcaloïdes dont la toxicité varie pour les humains. Par exemple, les tomates contiennent deux glyco-alcaloïdes, l’alpha-tomatine et le déhydrotomatine, tandis que la pomme de terre contient de l’alpha-chaconine et de l’alpha-solanine. Les glyco-alcaloïdes présents dans la pomme de terre sont plus toxiques que ceux que contiennent la tomate et son plant. Dans la pomme de terre, ces molécules toxiques sont concentrées en petites quantités principalement dans les fleurs, les germes et l’épiderme des tubercules de pommes de terre ainsi que juste en dessous, ce qui peut provoquer des intoxications. Elles sont inoffensives à faible dose pour l’homme mais peuvent être toxiques si l’on en consomme en excès. De mauvaises conditions de stockage, ainsi que des délais trop longs entre les opérations d’épluchage, de tranchage et de cuisson, sont très favorables à la synthèse de la solanine. La teneur en glyco-alcaloïdes peut augmenter dans les pommes de terre exposées à une lumière vive pendant de longues périodes, ou à la suite de meurtrissures produites au moment de la récolte ou encore au cours de la manipulation après récolte et de l’entreposage à des températures inférieures à 10°C. Odei et Gorka ont ainsi beaucoup diminué la culture de pomme de terre.

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Topinambour

Le topinambour est originaire d’Amérique du Nord, où il était cultivé par des tribus amérindiennes bien avant l’arrivée des Européens. Sa diffusion en Europe se développe rapidement grâce à sa culture facile, sa rusticité et sa forte multiplication végétative, même dans des sols pauvres. Ce tubercule est mis à l’écart à la fin du XVIIIe siècle lorsque la promotion de l’agronome Antoine Parmentier fait de la pomme de terre, aliment plus calorique, la reine des tubercules. Durant la Seconde Guerre mondiale, la consommation du topinambour augmente, tout comme celle du rutabaga (Brassica napus subsp. rapifera), car ils ne sont pas réquisitionnés au titre des indemnités de guerre à verser à l’Allemagne – à la différence de la pomme de terre. Le topinambour a longtemps gardé une mauvaise réputation : utilisé pour nourrir le bétail ou associé aux aliments de disette et aux souvenirs de guerre dans certains pays d’Europe, ses détracteurs le qualifient de mou et fade. Sa richesse en fibres et en inuline, un glucide proche de l’amidon, peut engendrer des flatulences. Certaines personnes ont du mal à le digérer faute d’enzymes permettant de l’assimiler. La pomme de terre qui dispose, elle, de cette enzyme est donc la bienvenue dans l’eau de cuisson. L’ajout de sauge, de laurier sauce, le rend également plus digeste.

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Betterave

La famille n’achète pas d’huile et n’en fabrique pas. Les légumes sont simplement mélangés à des noix et consommés tels quels. Mais les noix et graines (de même que les céréales et les haricots), contiennent des protections naturelles qui peuvent être indigestes ou engendrer des effets néfastes. Pour y remédier, une solution, le trempage (en lien les durées par espèce végétale) durant plusieurs heures dans l’eau de façon à les éliminer. Ensuite, il est nécessaire d’égoutter et de bien rincer. Selon ce site,…

  • Le trempage supprime les anti-nutriments comme les phytates, les lectines et les tanins
  • Il permet de neutraliser les inhibiteurs enzymatiques
  • Il augmente l’assimilation des éléments nutritifs, en particulier la vitamine B
  • Il augmente la biodisponibité des protéines
  • Il prévient les carences
  • Il favorise la croissance des enzymes vitales pour une bonne digestion
  • Il réduit l’hypersécrétion d’enzymes pancréatiques
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Les deux petits ânes de la ferme

Les leçons de l’Histoire

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Civilisation = “Autodomestication” ?
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Les sociétés indiennes d’Amérique du Sud ne sont pas seulement des sociétés sans État, mais, bien plus, des sociétés contre l’État.

Gorka a une âme de pédagogue: son expérience, ou plutôt leur expérience familiale, il souhaite la partager avec d’autres, éveiller de nouvelles vocations d’autonomie alimentaire, amener les paysans des alentours à modifier des habitudes néfastes pour l’environnement (comme celle de brûler les plastiques par exemple, plutôt que de les amener à la déchèterie), éventuellement réfléchir avec eux sur la pratique de l’écobuage en montagne. Son discours s’appuie sur de nombreuses lectures et d’autres sources sont aussi mentionnées ici et là parmi les visiteurs de la ferme. Homo domesticus, une histoire profonde des premiers États (James C. Scott, éditions La Découverte) décrit les dynamiques indissociablement écologiques et anthropologiques qui se sont déployées au cours des dix millénaires ayant précédé notre ère, de l’émergence de l’agriculture à la formation des premiers centres urbains, puis des premiers États. – Ce livre peut être emprunté à la médiathèque d’Anglet -. Gorka nous lit une citation de Simone Weil. Il mentionne aussi le Manifeste pour l’invention d’une nouvelle condition paysanne (Observatoire de l’évolution, Éditions l’Échappée) et enfin La Société contre l’État (Pierre Clastres, Les éditions de Minuit). Ce dernier livre a donné le plus de mal à Gorka qui l’a lu, dictionnaire à portée de main, à trois reprises pour réussir à bien le comprendre. Mais c’est aussi celui qui l’a le plus marqué. Écrit dans le cadre de recherches d’anthropologie politique, l’auteur présente les mécanismes qui règlent le fonctionnement des sociétés indiennes d’Amérique du Sud. Au terme de ce travail d’analyse, il révèle que les sociétés primitives ne sont pas seulement des sociétés sans État, mais, bien plus, des sociétés contre l’État (d’où le titre de l’ouvrage).

Gorka évoque l’époque (bénie ?) où existaient encore les communaux, où les paysans disposaient d’une diversité de ressources, rucher, verger, potager, l’accès aux forêts, un peu de bétail, de la volaille… l’époque où les enclosures n’avaient pas encore scellé les propriétés privées derrière des clôtures ou des haies, où l’espace rural était libre de toute entrave et géré dans le cadre d’un système de coopération et de communauté d’administration des terres. Il réfléchit beaucoup à la tension qui existe entre l’individualité et la collectivité, l’autonomie et la communauté, la propriété individuelle et les biens communaux. Un ami breton la résume de cette façon lapidaire  : “Construire un collectif avec des gens qui ne le souhaitent pas”, ce qui induit la création préalable d’unités autonomes, la communauté n’étant créée que dans un second temps. Laurent, de l’association Graines de liberté, souligne la nécessité de partager des valeurs communes (autrefois la religion). Un autre rappelle aussi l’existence d’un esprit communautaire païen, extérieur à l’Église, rendu nécessaire par des activités agricoles telles que les moissons, les vendanges, l’irrigation, etc., qui s’accompagnaient de chants et de danses. Sonia signale la “cooperación integral“, à l’origine une initiative hispano-américaine, qui réunit dans un projet commun des compétences très diverses.

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Simone Weil, une philosophe engagée
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Ruches traditionnelles en vannerie
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Ancienne “douche” devant le trou d’évacuation de l’eau dans le mur, placée auparavant à côté de la cheminée où l’on chauffait l’eau (la pierre a été récupérée parmi les gravats d’une maison en ruine).
Libre parcours dans la mythologie basque
Une réflexion fort intéressante

Au Pays basque, comme partout ailleurs en Europe, les biens communaux ont été répartis entre les fermes, et à Behorlegi chacune a un peu de tout (bâtiments pour bêtes et gens, prés, bois…). La maison (ou plutôt l’ensemble de la propriété agricole) se nomme etxe. Celle devant laquelle nous nous trouvons a été transmise à Odei qui en est devenue l’exploitante agricole en titre. Sa mère y est née (de même sans doute que les huit frères de celle-ci) et la famille porte le nom de l’etxe, Intxauspea (sous le noyer), un nom couramment francisé en Inchauspé. Aujourd’hui, le noyer a disparu, Odei n’a connu qu’un frêne qui ombrageait la maison. Le petit village est composé de 20 fermes (70 habitants). L’etxe Intxauspea  est la deuxième plus petite ferme, avec 27 hectares, dont 15 de prairies. Un esprit de communauté demeure et se concrétise par un repas par an qui réunit tout le village et par une entraide possible au coup par coup entre voisins. Gorka regrette que la génération des 30 ans comprenne, mais ne parle pas le basque, si ce n’est par un acte volontaire de réappropriation de la langue. Toutefois, celle-ci demeure bien vivante par le chant. Les enfants du village vont à l’ikastola de Garazi (Saint Jean Pied de Port) – mais pas tous, car ceux d’Odei et Gorka ne sont pas scolarisés. Il y a toutes les tranches d’âges et la population est stable. – Pour ma part, j’ai beaucoup aimé l’ouvrage de Claude Labat intitulé “Libre parcours dans la mythologie basque – Avant qu’elle ne soit enfermée dans un parc d’attractions“, qui me paraît être une référence très éclairante sur la société basque -.

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La recherche de l’esthétique pour les fonctions les plus humbles (pierre dressée gravée pour le robinet d’eau)

Les autres jardins

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Une meule à aiguiser les outils métalliques

La diversification des plantes potagères et fruitières de leur grand jardin est déjà bien avancée. Les plantes aromatiques (romarin, thym, sauge, basilic,…) et médicinales ont été plantées près de la maison. L’idée, c’est d’avoir à portée des plantes ayant le pouvoir de soigner les petits maux. Gorka s’empresse d’ajouter que, bien sûr, pour des maladies graves comme le cancer par exemple, on est aussi obligé de recourir aux technologies modernes. Le jardin aménagé le long du mur de soutènement est plus classique, formé de carrés homogènes avec une rotation sur sept ans. La pente prononcée oblige à conserver des planches pour le maintien de la terre qui, très drainée, nécessite un arrosage ponctuel pour les tomates et les piments par exemple. Les tomates cerises sont plus faciles d’entretien. Le chou romanesco est sur le point de fleurir. Le fenouil prospère abondamment. Il y a aussi du panais, de l’aloe vera (à la sève bonne pour la peau), de la betterave (classique), du chou de Bruxelles. Le daikon, mieux exposé que dans la clairière, fleurit déjà. Les arbres fruitiers commencent aussi à débourrer. La vigne est palissée contre le mur, captant un maximum de chaleur.

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L’amour des anciens outils utilisés dans les campagnes

Plus près de la maison un autre jardin contient de la livèche (du cèleri perpétuel), de la citronnelle, de la sarriette, du thym, du romarin. Le chou Daubenton (perpétuel) se reproduit de façon végétative à côté de la carde, du cèleri, des fraisiers, des carottes. Certains plants accomplissent leur cycle complet de façon à récolter les semences (mais elles se sèment aussi toutes seules). Dans ce jardin, une énorme butte maintenue par des planches attire le regard. C’était au tout début, lorsqu’ils expérimentaient encore diverses techniques. Mais lorsqu’ils se sont rendus compte du travail que cela demandait, ils n’ont pas poursuivi dans cette direction. En fait, une personne paraplégique s’intéressait à leur jardin et ils pensaient qu’elle serait mieux à portée pour travailler. Finalement, ce projet n’a pas abouti. Le problème de cette butte, c’est que la terre sèche en surface, il faut tout le temps la décompacter à la grelinette, creuser des sillons pour enfouir des déchets végétaux.

Et l’élevage ?

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Les deux ânes de la ferme

En ce qui concerne l’élevage, Gorka avoue qu’il lui pose plus de problèmes que le “jardinage”. Comme ils se sont donné pour objectif de satisfaire eux-mêmes leurs propres besoins, cela l’a amené à prendre conscience des tenants et aboutissants. Depuis quelques mois, deux ânes jouent bien leur rôle de tondeuse sur pattes dans un verger très en pente, ce sont des animaux de bonne compagnie et fort sympathiques. Il y avait quelques ruches, mais c’est difficile de bien s’en occuper, les abeilles sont mortes à cause des pesticides répandus dans le voisinage (sur les prairies artificielles et le maïs) et faute de soins appropriés. Ils ont des volailles: des poules et des canards. Il y avait aussi des pintades, ainsi que des oies qui étaient à la fois les meilleures tondeuses naturelles, des animaux de compagnie et de bonnes pondeuses…, mais le renard les a mangées. Avoir de la volaille nécessite de cultiver 10 kg de maïs pour avoir 1 kg de poulet, c’est beaucoup de perte. – Pour étendre les surfaces en herbe, les oncles d’Odei ont de nouveau brûlé tout un pan du pic du Behorlegi afin de supprimer les ligneux (ajonc et bruyère), les fougères, des graminées grossières (“Xistu belarra” ou “Alga)… – Tuer un animal pose à Gorka un problème éthique: c’est difficile de le faire soi-même. Il ne veut pas de vache. A la rigueur, il arrive à tuer un poulet de temps à autre, mais il ne se voit absolument pas en train d’occire un agneau pour traire la brebis et transformer son lait. Certes, il sait faire du fromage (et du bon !), mais il n’est pas prêt à en assumer les conséquences. Quant à élever un cochon, cela nécessiterait d’installer une clôture électrique. Il n’en est pas question pour l’instant.

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Mortier et pilon traditionnels en pierre ponce appelés “metate” : ils servaient à écraser par frottement à la manière d’une meule de moulin la “masa” de maïs nixtamalisé, produit gélatineux issu de la transformation du maïs, pour cuire ensuite les “masa de tortillas“.
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Un meuble ancien remplace la cheminée d’antan à côté de la “douche” disposée sous l’évier-lavabo en pierre inclus d’origine dans le mur à mi-hauteur.

Gorka estime que l’on peut parfaitement se nourrir de façon équilibrée avec une alimentation très majoritairement végétarienne. Il sélectionne ses légumes de façon à éviter tout recours à la technologie (mécanisation, serre, mais aussi réfrigérateur, congélateur, conserves). Il découvre ainsi des plantes qui n’ont pas d’intérêt commercial, mais qui sont utiles dans le cadre de l’autosuffisance alimentaire. Il fait actuellement des essais d’introduction de l’igname de Chine, mais sans succès jusqu’à présent, celui-ci ne formant pas les tubercules attendus. La patate douce, la tomate et le piment sont semés à l’intérieur de la maison qui fait office de serre, puis les plants sont mis en terre après les dernières froidures printanières. Le topinambour, le taro produisent bien, de même que l’arachide, la chufa (ou souchet), tout petit tubercule consommé à l’apéritif. Cette dernière est la base d’une boisson catalane (l’horchata de chufa ou orxata de xuf(l)a en valencien), et peut être transformée en farine naturellement dépourvue de gluten.

Nixtamalisation du maïs

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Maïs grand roux, une variété cultivée au Pays basque depuis le début du XIXe siècle

Exception faite du maïs, la famille se passe de céréales car celles-ci demandent un travail de récolte et de transformation long et fastidieux si l’on n’est pas mécanisé, les graines étant minuscules et innombrables. Toutefois, Gorka est bien conscient que le maïs présente des carences. Suite à la grande migration de la population basque en Amérique à partir du XVIe siècle, cette plante a été introduite au Pays basque. La nixtamalisation est un procédé méso-américain très ancien par lequel des grains de maïs sont trempés et cuits dans une solution alcaline, habituellement de l’eau de chaux (ou plus traditionnellement un mélange de cendres de bois et d’eau), ce qui fragilise la coque externe transparente, le péricarpe. Le produit de la nixtamalisation est une pâte molle que l’on peut immédiatement étendre sur une plaque de cuisson pour confectionner le talo, galette de maïs traditionnelle du Pays basque, sans passer par le stade de fabrication de la farine de maïs. – En réalité, selon le site en lien, la nixtamalisation permet d’ôter le péricarpe, mais le maïs n’est pas encore tout à fait cuit à la fin du procédé. Il faut récupérer les grains après avoir éliminé le péricarpe, mettre sur le mortier de petits tas auxquels on agglomère un peu d’eau et frotter le mélange à l’aide du pilon pour l’écraser. L’obtention de la “masa” se fait ainsi à force “d’huile de coude” et d’habileté acquise au fil du temps. C’est seulement lorsque la pâte est bien homogène et qu’elle a acquis la bonne consistance que l’on peut cuire les “tortillas” (mexicaines) ou “taloak” (basques). – Le talo était utilisé généralement comme pain dans les fermes basques (à l’origine, au Gipuzkoa et dans le nord de la Navarre), et le reste était mangé trempé dans le lait pour dîner, dans une espèce de soupe. La généralisation du pain de blé, tout au long du XXe siècle, a pratiquement mis un terme à sa consommation et il n’a plus été confectionné qu’à certaines occasions spéciales dans l’année.

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Récupération des cosses de haricots pour démarrer le feu dans la cheminée et la cuisinière à bois

L’ancien mieux que le moderne ?

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Feu russe (poêle de masse) fabriqué par un ami: sa masse constituée de matériaux lourds (ici de la brique) stocke l’énergie d’une flambée quotidienne unique et intense (entre 1 et 3 h) et restitue longuement la chaleur une fois le feu éteint (jusqu’à plus de 24 h). Il contient un système de conduits en cloche où la fumée passe 2 fois (elle est mieux brûlée) – La cuisinière est intégrée sur le côté de la cheminée.
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Ancien instrument pour tasser la terre
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Ancien établi de menuisier

Gorka se passionne pour le petit patrimoine artisanal et rural et les techniques traditionnelles. Il nous fait remarquer le sol en terre battue qui contient également des cailloux. Pour pouvoir l’étaler, il faut que le mélange soit humide. Il a construit l’ancien instrument qui servait à tasser la terre, mais il s’est rapidement aperçu qu’elle sèche trop rapidement. Ce travail de pilonnage manuel est harassant, il se pratiquait autrefois en groupe. Quelqu’un commente qu’en Bretagne, le sol était tassé par tous les villageois qui dansaient dessus pour l’aplanir (sans doute en musique ou en chantant). C’est un sol très sain, qui respire. Pour faire plus joli, il le couvrira peut-être ultérieurement d’une couche d’argile pure, bien lissée. Il a aussi récupéré un ancien établi de menuisier appelé un “banc” en basque (maestru alkia).

Parallèlement, Odei et Gorka s’intéressent aux anciennes façons de se nourrir, comme la paléonutrition par exemple. – Les chercheurs ont encore du mal à déterminer de quoi elle se composait, et en outre, elle n’était sans doute pas unique, mais adaptée selon les climats et les ressources locales et saisonnières -. Ils se passent de réfrigérateur et de congélateur, et ils estiment que la fabrication de conserves prend beaucoup de temps et d’énergie. Par conséquent, ils préfèrent concentrer leur attention sur la diversification maximale de leurs plantes potagères et fruitières, afin de couvrir les besoins de la petite famille toute l’année. Pour une même espèce, ils prennent des variétés qui n’ont pas le même rythme de croissance ou de fructification, et ils n’hésitent pas à se procurer des espèces végétales d’autres continents compatibles avec le climat du Pays basque et l’altitude de Behorlegi, 400 mètres, où la température hivernale descend plus bas que sur la côte. Ils espèrent ainsi ne pas avoir à affronter cette période de “soudure” tellement crainte autrefois, entre l’épuisement des réserves hivernales et l’arrivée des premières récoltes printanières. La ferme contient 50 variétés de pommiers qu’Odei et Gorka sélectionnent et apprennent à greffer sur des porte-greffe. Ils pratiquent également à l’occasion le marcottage pour multiplier les arbres. Par exemple, Gorka nous montre une branche basse d’un figuier Longue d’août qui se marcotte naturellement. Des rejets du même arbre ont été enfermés dans des pots de terre hors sol pour les inciter à former un réseau de racines qui permettra de les couper la base pour les planter plus loin. Gorka a lu Masanobu Fukuoka, ce microbiologiste japonais, expérimentateur génial, qui prônait le non-agir et la pousse naturelle des arbres fruitiers, et il sait qu’il est préférable de ne pas tailler les pacaniers ni les noyers.

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Sol de terre battue réalisé finalement à l’aide d’une “grenouille” (engin, se déplaçant par bonds, utilisé pour le pilonnage et le compactage des terres)

Un besoin de douceurs

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Stévia en fleurs
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Le potager près de la maison

Toujours dans un but d’autonomie alimentaire, Odei et Gorka ont réfléchi à la question du sucre. Après des années de quête, ils ont réussi à trouver chez Kokopelli des graines de betterave sucrière russe. La Stevia rebaudiana est un arbrisseau, originaire d’Amérique du sud et centrale, qui pousse spontanément dans les prairies et les hauts plateaux, souvent regroupé avec 2 ou 3 autres plants. Gorka fait la remarque que jusqu’à présent, ses plants ont donné des fleurs mais pas de graines.

Certains fruits (figue, abricot, raisin, prune) peuvent également être séchés, concentrant ainsi leur teneur en sucre. Enfin, des légumes sont naturellement sucrés comme la variété de potimarron qui nous a été offerte sous forme de purée en dessert. Ainsi, point n’est besoin de sacrifice sur le plan des “douceurs”, il suffit simplement de créer de nouvelles recettes. Gorka relève deux difficultés à surmonter: celle du changement de mode alimentaire (au moins pour Odei et lui, car les enfants sont habitués à ce régime depuis leur naissance) et le problème d’équilibrage des quantités (à cultiver et à consommer). Bien sûr, il y a toujours la possibilité d’effectuer des dons réciproques entre voisins, permettant ainsi d’écouler des surplus de part et d’autre. Depuis septembre, ils n’achètent plus d’aliments et la famille se nourrit entièrement avec les produits de la ferme (nous sommes au début février). C’est le résultat de huit ans de travail continu pour y parvenir. Le couple doit toutefois travailler un peu à l’extérieur pour payer le reste (voiture, électricité, petit matériel et équipement, vêtements,…). Des rencontres sont aussi organisées à la ferme pour favoriser les échanges d’expérience en autosuffisance.

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Fenouil

Un autre monde ?

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Une réflexion à méditer

A ce propos, Lili, l’une des visiteuses, témoigne qu’elle a effectué une démarche comparable avec ses deux filles. Mais maintenant qu’elles sont en âge de choisir leur voie, elles divergent et optent pour la pratique de l’art. Lili ne leur impose pas son mode de vie, elle dit que ce qui est important, c’est de transmettre cette histoire, cette expérience, de témoigner ainsi auprès des générations suivantes qu’il existe une alternative possible au mode de vie actuel. Un autre participant mentionne l’entreprise associative toulousaine Solagro qui s’est donné pour objectif l’accélération des transitions énergétique, agroécologique et alimentaire en accompagnant des projets à toutes les échelles, de l’individuelle jusqu’aux politiques publiques européennes. Ludovic rappelle que cette nouvelle orientation contraste avec celle qui prévalait dans les années 1950. Il a lu sur une revue de 1952 de la Société française d’économie rurale que l’auteur d’un des articles considérait l’autoproduction – encore très importante à l’époque – comme un “manque à gagner” pour la société française.

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L’enrichissement par le partage d’expériences

Cette visite de la ferme de Gorka et d’Odei est également l’occasion d’échanges entre les visiteurs. Plusieurs connaissent une autre association, Landeia, qui a été créée à l’initiative, me semble-t-il, de Mathieu Lhuilier, artisan menuisier-charpentier. Elle affiche un dessein et un esprit proche de ceux d’Odei et Gorka: “Expérimenter et impulser des choix alternatifs au monde économique dans lequel nous vivons. Œuvrer pour une société de l’entraide fondée sur le principe de la coopération égalitaire et autogestionnaire, permettant la liberté et la dignité de chacun.” Comme le mouvement des Incroyables Comestibles parti de Todmorden (GB) qui a inspiré la création des associations Graines de liberté à Bayonne, Libre Cueillette à Anglet et Les Génies verts à Cambo, cette association milite pour aider les gens à se réapproprier leur vie, à devenir plus autonomes, et elle cherche à insuffler une nouvelle dynamique.

Pour aller plus loin :

Nixtamalisation industrielle

Toutefois, pratiqué industriellement, le procédé de nixtamalisation induit le rejet d’eaux de cuisson (nejayote) très alcalines (au pH de 11,9) et contenant un volume important de matières dissoutes. D’une part, il s’agit d’une perte de valeur nutritive et d’autre part le dépôt sur les canalisations constitue une pollution et ces effluents nécessitent un traitement particulier avant le rejet de l’eau dans l’environnement. Un procédé de nixtamalisation écologique a été élaboré par Figueroa : il permet d’éviter ces inconvénients en utilisant des sels de calcium qui, à l’inverse de la chaux, n’hydrolysent pas le péricarpe du maïs. Cette farine de maïs à haut rendement présente ainsi de meilleures qualités nutritionnelles (avec une meilleure conservation des fibres alimentaires) et rhéologiques (le nejayote contient moitié moins de matières dissoutes, il a un pH proche de la neutralité et il s’écoule mieux).

La Stevia rebaudiana

Sous nos latitudes, elle ne dépasse guère 60 cm. Au fil des semaines, les feuilles s’épaississent et des nervures se dessinent: elles fabriquent des glycosides naturels spécifiques, substances plus sucrantes que le sucre blanc. Une fois séchées, les feuilles peuvent être utilisées comme édulcorant. Si, dans son milieu naturel, la stévia rebaudiana est sans conteste une vivace, les régions à hiver froid peuvent contraindre à la cultiver comme une annuelle. En effet, elle n’apprécie guère des températures descendant en dessous de 10°C. Pour qu’elle se développe correctement, l’idéal serait de la maintenir dans un environnement où la température ambiante se situerait entre 15 et 26°C ; en dessous, sa croissance est ralentie. Pour intensifier son pouvoir sucrant, il faut supprimer les boutons floraux lorsqu’ils apparaissent ; la floraison épuise la plante qui réduit la production de feuilles. Pour multiplier les pieds de stévia, la division de souche à partir de juin et tout l’été est de loin la solution la plus facile. Ses feuilles, cueillies à la fin de l’été, sont séchées et transformées en poudre fine.- Pour une plante installée à l’intérieur, les feuilles peuvent être cueillies et consommées fraîches toute l’année au fur et à mesure des besoins.

Notes sur les céréales

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Un jardin-forêt

Depuis les temps les plus reculés, les transformations des céréales ont pour but de faciliter leur stockage et leur transport ainsi que de les rendre plus agréables à consommer et plus digestibles. Malgré quelques particularités, les différentes céréales présentent de grandes similitudes en ce qui concerne la composition chimique et la valeur nutritionnelle. De plus, les constituants biochimiques se répartissent dans les diverses régions anatomiques du grain de façon similaire quelle que soit l’identité génétique de la céréale. Ainsi, pour l’ensemble des céréales, on peut dire que, très schématiquement, les farines, semoules ou grains polis sont d’autant plus concentrés en amidon et appauvris en protéines, minéraux et vitamines que le décorticage et le blutage (séparation du son et de la farine) sont intensifs; en revanche, la biodisponibilité de ces nutriments s’améliore quand la teneur en fibre diminue. – D’autres traitements, tels que ceux qui font intervenir l’action de l’eau, de la chaleur ou les fermentations, peuvent modifier la composition et les propriétés physicochimiques ou biochimiques des produits -.

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Bel espace pédagogique

De tous les procédés, ceux qui conservent le mieux aux céréales leur valeur nutritionnelle sont fréquemment les procédés traditionnels. Qualitativement, les protéines des céréales sont médiocres : l’acide aminé limitant est la lysine; dans le cas du maïs, le tryptophane présente également un grave déficit et constitue l’acide aminé limitant secondaire. La concentration des acides aminés soufrés est plus élevée dans les céréales que dans les légumineuses, d’où l’intérêt de l’association des céréales et des légumineuses qui se supplémentent (s’enrichissent) ainsi mutuellement. Le séchage permet la conservation en stoppant (ou en ralentissant fortement) le développement des microorganismes et, dans le cas des grains entiers, les phénomènes de respiration et de germination. Contrairement à d’autres céréales, le maïs n’est pas battu avant le stockage car l’enveloppe qui entoure le grain est une protection contre l’attaque des insectes.

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La vallée de Behorleguy

L’usage alimentaire des céréales présente un double écueil : si on consomme la farine de mouture intégrale, c’est-à-dire la céréale entière, la présence d’une quantité importante de fibre, d’acide phytique et parfois de tanins (cas de certains sorghos) entraîne une nette diminution de la digestibilité de l’ensemble de la ration et, par là même, la perte notable de nutriments essentiels : protéines, minéraux, vitamines. En revanche, si l’on raffine à l’extrême la farine pour obtenir un produit correspondant au seul albumen, on consomme un aliment très énergétique car riche en amidon, d’une digestibilité élevée, mais appauvri en protéines, minéraux et vitamines. De plus, comme les protéines de haute valeur biologique se trouvent dans l’assise à aleurone, la farine très raffinée est appauvrie quantitativement et qualitativement. On a donc le choix entre consommer les céréales entières et mal les digérer ou bluter (séparation du son et de la farine) leur farine et perdre ainsi des nutriments nobles. Entre les deux extrêmes, la solution la plus souhaitable consisterait à n’éliminer que les enveloppes lignifiées en gardant l’assise à aleurone. Mais en raison de l’adhérence des couches entre elles et à l’albumen, il est toujours difficile de séparer de façon progressive et nette les diverses fractions du grain. Le décorticage s’accompagne toujours du bris d‘une certaine proportion des grains. Leurs fragments, y compris des germes, sont alors souvent éliminés avec le son.

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De l’herbe bien verte pour les brebis

Par ailleurs, les effets de la cuisson ménagère sur la composition des dérivés céréaliers sont :

– le gonflement et la gélification de l’amidon qui devient ainsi très rapidement attaquable par les enzymes digestives;

– la solubilisation dans l’eau de cuisson de matières minérales et de vitamines hydrosolubles qui sont perdues si l’eau de cuisson est rejetée;

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Faire pousser des champignons dans le sous-bois ?

– la destruction de thiamine de l’ordre de 10 à 20 %, les autres vitamines présentes étant moins sensibles. La destruction est d’autant plus importante que la température est plus élevée, le temps de chauffage prolongé, le pH élevé et que des ions de métaux lourds viennent catalyser les réactions. (Autrement dit, c’est mieux si les temps de cuisson sont relativement courts et que l’eau de cuisson, utilisée en faible quantité, n’est pas rejetée.) La destruction est souvent plus importante après la cuisson si le plat est maintenu au chaud pendant longtemps.

– A plus hautes températures, par exemple au four lors de la cuisson de pains, biscuits, galettes, des nutriments précieux peuvent subir des dommages, notamment la thiamine ainsi que la lysine qui donnent avec les sucres réducteurs des complexes inutilisables par l’organisme. La cuisson alcaline du maïs favoriserait la transformation en niacine des faibles quantités de tryptophane qu’il contient, ce qui expliquerait la faible incidence de la pellagre (due à la carence en vitamine B3 et en tryptophane, un acide aminé essentiel précurseur de cette vitamine) dans les populations mexicaines qui pratiquent ce procédé sous le nom de nixtamalisation.

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