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Casas d’Iraty

23 min - temps de lecture moyen
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14 octobre 2017
Groupe Dimitri : Françoise M. (organisatrice), Mag & Jacques, Françoise L. & Lucien, Cathy L. & Xavier M., Jean-François G., Jean-Louis & Cathy

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Avertissement: Tous les textes ci-dessous ont été conçus par les entités franco-espagnoles qui ont collaboré à leur élaboration. Ils figurent sur les panneaux d’interprétation disposés de loin en loin sur le chemin. Je n’ai fait que les recopier, car ils sont une mine d’informations sur des thèmes divers en rapport avec la forêt d’Iraty.

iDSC01961Bienvenue sur le sentier transfrontalier d’Errekaidorra à Iraty. Ce sentier est le reflet de notre projet commun et la passerelle qui permet de traverser le ruisseau d’Errekaidorra symbolise les liens qui se tissent entre nos vallées depuis des générations.

Iraty était hier encore un lieu de vie intense basé sur l’utilisation des ressources forestières; le bois d’abord pour produire mâts et meubles, pour alimenter verrerie et autres fabriques, pour chauffer les habitations; les fruits de la forêt pour les troupeaux de brebis qui peuplent nos vallées depuis le néolithique et dont l’élevage, l’une des premières ressources économiques, a animé les premiers échanges transfrontaliers au travers des faceries. Iraty, c’est aussi un espace géré par l’homme, lieu de mythes et de légendes, et qui abrite une diversité floristique et faunistique exceptionnelle.

Iraty, un espace commun que les “Juntas de valles” de Salazar et d’Aezkoa et les Commissions syndicales de Soule et de Cize gèrent et développent aujourd’hui.

Distance totale: 9830 m – Dénivelé en montée: 390 m – Durée de parcours: 2h30 – Durée pour aller aux Casas de Irati: 1 h

Le bois-énergie

Le charbon, ainsi que le bois de feu, furent durant des siècles les produits les plus recherchés en forêt: il s’agissait de la principale source d’énergie dont disposaient nos sociétés. Les industries se situaient à proximité ou à l’intérieur des forêts, car le transport était très cher. Entre 1750 et 1850, le charbonnage eut une grande importance dans de nombreuses zones d’Iraty, afin de fournir les forges de Mendive, Larrau et Aezkoa, la fonderie de cuivre de Txangos et la fabrique d’armes d’Orbaizeta.

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Dans des zones comme celle-ci, éloignées de ces industries, le charbonnage fut assez rare, fait exceptionnel dans les hêtraies européennes. Entre 1824 et 1835, un produit très proche du charbon a tout de même été exploité dans ces parages: les cendres. Celles-ci étaient destinées à la fabrication du verre, dans la petite fabrique installée sur les berges de la rivière à proximité de l’actuel chalet Pedro.

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Pour fabriquer le charbon, il fallait d’abord construire une charbonnière, constituée par les bois à transformer empilés selon un ordre précis et recouverts de terre. Une fois la structure préparée, un feu était allumé à l’intérieur et le manque d’air permettait de contrôler la combustion qui était donc très lente. De cette façon, toute l’eau du bois s’évaporait et celui-ci perdait une part considérable de son poids tout en conservant une grande partie de son énergie.

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Pour la fabrication des cendres, le bois était entièrement brûlé. Ce n’est pas l’énergie qui intéressait le fabricant, mais uniquement les substances chimiques (potasse) que contenait le bois. Il s’agissait cependant également d’opérations délicates, le vent ou la pluie pouvant emporter en quelques instants le fruit de plusieurs jours de travail.

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Câbles!

Du côté français, où les bois ne pouvaient être mobilisés par la rivière, les câbles furent le principal système d’extraction. Les grandes exploitations modernes ne commencèrent qu’en 1927, lorsqu’elles furent rendues possible par l’installation d’un grand câble.

(Lire l’histoire de l’entreprise Lombardi que j’ai racontée à l’occasion d’une randonnée naturaliste à Holzarte en 2011)

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Ce câble constituait une réelle prouesse technique, à une époque où ce genre d’installation était pourtant assez courant. Ses deux tronçons, de 6 et 13 km, reliaient la scierie de Mendive à la frontière. Les troncs parcouraient ainsi une distance pouvant atteindre 19 km et un dénivelé de plus de 1000 m. Si l’on prend en compte les câbles secondaires, ramifications organisées en arêtes de poisson et servant à rassembler les bois vers la ligne principale, ce sont plus de 50 km qui furent ainsi installés. – Photos: Omphale?- Hêtraie – Clitocybes? et Coprin chevelu? –

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Ce câble, qui reliait les villages de la vallée à un point de la frontière situé au plus profond de la forêt, fut bien plus qu’un outil destiné à l’exploitation forestière. Il fut également utilisé lors du développement des premières activités touristiques dans les années 1930, comme moyen d’évasion par la résistance entre 1943 et 1945, ainsi que pour de nombreuses opérations de contrebande.

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Du côté espagnol, l’apparition des câbles fut plus tardive, et ils devinrent assez courants entre 1940 et 1970. Un total de près de 100 km de câble fut installé sur l’ensemble de la forêt d’Iraty et il est encore possible de reconnaître leur empreinte sur le paysage.

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Le système de câble employé dans cette partie de l’Iraty était connu sous le nom de tricâble et était constitué de deux gros câbles parallèles et statiques, les “porteurs”, sur lesquels circulaient des chariots auxquels étaient suspendus les bois.

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Un troisième câble, le “tracteur”, formait une boucle fermée et servait à la traction des chariots qui y étaient fixés. La traction était assurée par un moteur ou, lorsque la pente le permettait, par le propre poids des chariots chargés de troncs qui circulaient sur l’un des porteurs, les chariots vides remontant sur l’autre.

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A chacune des extrémités, d’imposantes structures maintenaient les câbles tendus et servaient de support aux roues du câble tracteur. Tout au long du parcours, de grands pylônes permettaient d’éviter que les chariots et les bois qu’ils transportaient ne touchent le sol.

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Le tronçon de 13 km du câble principal d’Iraty pouvait transporter en même temps jusqu’à 22 chariots chargés chacun avec plus d’une tonne de bois. La vitesse du câble était très lente, comparable à un rythme de marche à pied, et il fallait environ trois heures pour parcourir l’ensemble du trajet vers la scierie.

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Ici se trouve une réplique à l’échelle 1:2 (soit à la moitié de sa taille originale) de la station “terminus”, située originellement à la frontière, ainsi que d’un pylône. Il y a également des pièces et câbles originaux, abandonnés après l’arrêt des travaux en 1953. En tout, ce sont plus de 200 000 tonnes de bois qui passèrent par cette structure.

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Saisons à Iraty

La forêt commence un nouveau cycle de vie. Le soleil gagne de la hauteur au-dessus de l’horizon, les jours rallongent et l’atmosphère se réchauffe. Les fortes pluies laissent place progressivement à des journées de ciel dégagé. La neige recule lentement vers le sommet de l’Ori, sentinelle de la région. Le dégel maintient les débits de la Nive, de l’Urbeltza et de l’Urtxuria à des niveaux élevés. Au début de l’été, le flux de ces deux dernières rivières diminuera au point de découvrir la pierre nue de leur lit.

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Les êtres vivants sortent lentement de leur hibernation. Dans l’épaisseur du terreau, des plantes herbacées comme l’Oxalis des bois ou l’Anémone fleuriront avant que les feuilles des hêtres ne poussent. Dès le mois de mai, celles-ci capteront environ 80% de la lumière incidente et plongeront la forêt dans la pénombre.

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Les mammifères comme la Martre ou le Loir gris et les oiseaux forestiers comme le Pic noir permettront enfin à leurs petits de sortir de leur tanière ou de leur nid. La chaleur des longues journées de juillet contraste avec la fraîcheur matinale en montagne. Le réchauffement du sol déclenche la prolifération d’insectes, d’arachnides et de mollusques. L’un d’eux, la Loche des hêtres, se laisse voir la nuit ou les jours de pluie sur les troncs où elle s’alimente des lichens qui recouvrent l’écorce. La chaleur du soleil active les cycles de vie des reptiles et amphibiens. Tandis que les premiers sortent de leur coquille et exposent leur corps au soleil sur les pierres, les amphibiens comme le Crapaud accoucheur effectuent leurs pontes et les couvent jusqu’à l’éclosion, abritées dans l’épaisseur de la forêt sous un tronc ou parmi les feuilles mortes.

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La forêt de hêtres reprend de la vigueur et pousse, augmentant sa biomasse. De mai à octobre, le vert sera la couleur dominante de la forêt. La repousse des graminées et légumineuses coïncide avec le retour de la transhumance: le bétail quitte les vallées et monte dans les prairies d’altitude. Chevaux, vaches et troupeaux de brebis vont partager les vastes pâturages d’Iraty à Abodi, Iropil, Azpegi ou Eskanda. Le parcage fertilise les sols en favorisant les pâtures marquées par une riche diversité des espèces, très nutritives, qui donnent une excellente production de lait de brebis transformé en fromage dans les bergeries et cabanes d’alpage, lieu de résidence estivale.

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Les jours raccourcissent et le soleil descend, l’atmosphère se refroidit autour d’Iraty. Les vents océaniques s’accompagnent de fortes pluies et l’air devient plus frais et humide. Des épisodes intercalés de vent du sud et de l’effet de Foehn réserveront encore quelques journées ensoleillées et chaudes. Les hêtres se préparent à supporter la longue pause hivernale. Les feuilles perdent leur couleur verte et se teintent de jaune et d’ocre, opérant un changement spectaculaire du paysage. En novembre, les feuilles commencent à tomber et jonchent le sol de la forêt de hêtres.

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Pendant ce temps, la forêt plonge progressivement dans le silence. Les trilles des pinsons des arbres (Fringilla coelebs), des sittelles torchepots (Sitta europea) ou des piverts se sont éteints depuis l’été. Les mugissements des cerfs retentissent à présent lors du brame. Insectes, mollusques et arachnides complètent leur cycle de vie. Après l’accouplement, ils pondent et garantissent ainsi la survie de l’espèce.

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Les fruits des arbres et arbustes poussent: les faînes nutritives, ainsi que les baies des sorbiers, du houx et de l’aubépine sont à la disposition de la faune forestière. Ils constitueront une ressource vitale pour affronter les rigueurs de l’hiver. Les champignons poussent également parmi les feuilles mortes: bolets, russules ou amanites. Ce sont les corps fructifères des champignons du sol, éléments indispensables à la forêt. Leurs hyphes et thalles filamenteux vivent cachés dans le terreau, en symbiose avec les racines des arbres et arbustes.

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Le ciel d’Iraty est sillonné par des millions d’oiseaux migrateurs qui se déplacent vers le sud dans leurs refuges d’hiver. Une bonne partie des oiseaux migrateurs d’Europe de l’Ouest choisissent les coteaux d’Iraty pour franchir les Pyrénées. Le col Bagargui est un lieu privilégié pour l’observation. Les grues, oies et cigognes volent haut dans le ciel, dessinant des lettres entre les nuages. Les milans et bondrées apivores passent en groupe, tandis que les grives et autres passériformes frôlent les arbres. Ce sont des jours d’activité de chasse dans les coteaux. Derrière leurs parapets au sol ou juchés sur les arbres, les chasseurs attendent l’arrivée des grandes bandes de pigeons ramiers. Le vent du sud les oblige à voler bas, passant à portée de tir.

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En octobre, les troupeaux de brebis quittent les prairies de montagne pour descendre dans les vallées. Vaches et chevaux le feront à leur tour dès les premières neiges, plus tard en automne. En contraste avec ce départ, les visiteurs continuent d’affluer, attirés par la transformation magique du paysage et l’importante production de ressources que suscite la région en automne. Le mélange des couleurs, l’odeur des feuilles mortes humides, le charme du brouillard attrapé entre les cimes des arbres font de l’automne une des meilleures saisons de l’année pour se promener dans l’épaisseur des forêts d’Iraty.

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Les jours sont très courts et le soleil parvient à peine à dépasser les sommets d’Abodi. Les ravins et ruisseaux plongent dans la pénombre. Les fronts nuageux des tempêtes atlantiques donnent des précipitations abondantes et alternent avec des vagues de froid polaire qui tapissent de neige les cimes et les coteaux. Alors que les sapins résistent aux rigueurs du climat grâce à leurs feuilles aciculaires (les “aiguilles”) couvertes de cire, la plupart des hêtres ont perdu les leurs. Seuls les plus jeunes gardent leurs feuilles sèches sur les branches pour protéger les bourgeons. Quant aux autres, leurs bourgeons pointus encapsulés entre les bractées suffisent à protéger les nouvelles feuilles qui attendent l’arrivée du printemps.

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Le silence s’empare de la forêt nue. Chevreuils et sangliers grattent l’écorce des arbres et fouillent le sol en quête de tubercules ou d’invertébrés. Leurs empreintes dans la boue ou la neige trahissent leur présence. D’autres mammifères se réfugient dans des tanières, dans les cavités des vieux troncs d’arbre ou entre les pierres, où ils veillent sur leurs petits. Certains, comme le Loir gris, hibernent en ralentissant leur métabolisme. La Martre (Martes martes) fera cependant de petites incursions dans la forêt pour se réalimenter. Dans le terreau profond qui compose la couche supérieure du sol, la plupart des invertébrés forestiers passent inaperçus. Ils survivent à la rigueur de l’hiver au stade d’œuf ou de larve.

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Des petits passereaux comme les roitelets huppés (Regulus regulus), les mésanges charbonnières (Parus major) et les mésanges nonnettes (Poecile palustris), les pinsons des arbres (Fringilla coelebs) ou les bouvreuils ponceaux errent en groupes mixtes dans la forêt en quête de graines parmi les feuilles mortes ou d’un invertébré sous l’écorce des troncs. Les chants du Pic noir (Dryocopus martius) et de la chouette hulotte (Strix aluco), ainsi que la floraison précoce de quelques herbacées comme la Dent-de-chien annonceront la fin de la saison. Le bétail pâture dans les vallées au cœur des fermes et villages. Les troupeaux de brebis Rasa de la Vallée de Salazar émigrent pendant plusieurs mois aux Bardenas, au sud de la Navarre, tandis que les troupeaux de brebis Manex partent en quête des prés verts de Cize et de Soule.

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Les voies ferrées Decauville

L’utilisation de voies ferrées pour l’exploitation forestière, généralement des voies Decauville, fut une pratique très répandue entre 1870 et 1950. Il s’agissait de voies légères et démontables, qui pouvaient être installées facilement et permettaient d’augmenter considérablement la productivité des travaux de mobilisation des bois avant l’apparition des câbles et des camions. Ce système ne fut que peu employé en Iraty, d’une part parce que le relief ne le permettait pas et d’autre part car les autorités militaires espagnoles n’autorisaient pas la création de grand réseau dans une zone frontalière, de peur qu’il ne facilite les invasions de ce qu’elles considéraient alors comme “l’ennemi potentiel”.

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Il ne fut donc employé que dans certains vallons où circulait peu d’eau et où la traction animale était extrêmement difficile. Aucune locomotive ne circulait sur ces voies, seulement des plateformes rudimentaires qui descendaient grâce à la gravité ou tirées par des chevaux. Ce type de voie fut employé dans cette vallée aux alentours de 1920. La voie ne débouchait pas directement sur la rivière Urbeltza, mais déviait à mi-pente en direction d’une clairière où les bois étaient entreposés jusqu’à ce qu’ils sèchent et soient préparés en vue de leur flottaison.

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Faune d’Iraty

La bonne conservation du bois se traduit par la présence d’une communauté complexe d’invertébrés et vertébrés qui vivent en interrelations. La présence d’arbres morts fait le bonheur des insectes xylophages qui y prolifèrent. C’est le cas de la Rosalie des Alpes ou du Lucane cerf-volant dont les larves vivent cachées dans les troncs et servent d’aliments à une grande diversité d’oiseaux forestiers. Pendant que le Pic noir, commun en ces lieux, trahit sa présence par ses tambourinages sonores, le Pic à dos blanc n’est représenté que par quelques couples qui constituent un noyau de reproduction isolé à l’extrême sud-ouest de son aire de répartition mondiale.

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Iraty héberge une bonne représentation des mammifères forestiers, comme le Sanglier, le Cerf, une multitude d’espèces de chauves-souris, mais aussi le minuscule, mais typique Campagnol roussâtre, et la Martre, un petit prédateur de la famille des mustélidés. La qualité des ruisseaux et rivières est révélée par la présence de l’étrange Desman des Pyrénées, sorte de petit rat insectivore aquatique, qui plonge pour capturer les larves sous les pierres du lit de la rivière. L’abondance en eau et l’humidité ambiante assure le développement d’amphibiens endémiques des Pyrénées, comme la Grenouille et l’Euprocte des Pyrénées. Leurs larves se développent dans les eaux froides et cristallines de l’Errekaidorra, et une fois métamorphosées et devenues adultes, euproctes et grenouilles vivent dans le profond manteau de feuilles humides qui tapisse le sol des bois d’Iraty.

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Rames

Durant plusieurs siècles, l’usage le plus apprécié des hêtres d’Iraty était la fabrication de rames. Il y a 400 ans, les arsenaux de Barcelone se procuraient dans cette forêt les bois nécessaires à la fabrication des longues rames des galères, qui mesuraient plus de 12 m et étaient tellement lourdes qu’il fallait trois ou quatre rameurs pour les manœuvrer. Lorsque l’âge d’or des galères méditerranéennes fut révolu, les fabricants d’avirons continuèrent à venir travailler dans ces forêts. Au fil des siècles, ils sélectionnèrent les hêtres les plus droits et sans nœud ni défaut pour élaborer chaque année des milliers de rames pour les barques, chaloupes et autres types d’embarcations. De grands marchés se tenaient à Bayonne et San Sebastian où venaient s’approvisionner une bonne partie des marins de la côte atlantique.

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En forêt, les artisans fabriquaient habituellement une ébauche d’aviron, dans le but de réduire le poids à transporter, d’abord à dos de mules jusqu’au village le plus proche, puis en charrette jusqu’aux ports où se trouvaient les ateliers qui effectuaient la transformation finale. Ici se trouvent des modèles de différentes tailles d’ébauches, telles qu’elles sortaient de la forêt et dans lesquelles on reconnaît déjà les futures rames.

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Mâts

Il y a 150 ans, les bateaux étaient entièrement construits en bois. Durant des siècles, l’Iraty a fourni des mâts aux chantiers navals de Cartagène, Cadiz et, dans une moindre mesure, de la Rochelle. De grands sapins, comme celui-ci, étaient nécessaires à la fabrication des mâts qui supportaient les voiles des grands galions des XVIIe et XVIIIe siècles. Les sapins étaient sélectionnés de façon à produire de longs troncs de gros diamètre, constitués d’un bois résistant. Malheureusement, les hêtraies-sapinières poussent en montagne, dans des régions peu accessibles et éloignées de la mer, ce qui faisait des mâts les pièces les plus chères et les plus difficiles à obtenir. Afin d’en faciliter l’exploitation, les Etats firent de grands investissements dans ces forêts. Ainsi, en 1780, la marine espagnole entreprit la construction d’un grand complexe d’ateliers, d’entrepôts, de scieries, d’écluses, etc. Les vestiges de cet ensemble sont aujourd’hui plus connus sous le nom des “Casas de Irati”.

Les sapins d’Iraty peuvent atteindre jusqu’à 40 m de hauteur, mais leur manipulation et leur transport par rivière était impossible. Le plus souvent, des sections d’une vingtaine de mètres étaient préparées en forêt où elles étaient sélectionnées et marquées par un officier de marine, découpées et traînées jusqu’à la berge de la rivière à l’aide de cordes et d’animaux. Enfin, elles étaient écorcées et grossièrement façonnées pour en réduire le poids et faciliter leur transport par le cours d’eau.

Cette même technique fut également utilisée pour le transport de grandes poutres employées dans la construction d’églises ou de palais. Dans ces cas, le transport n’était pas aussi long: les bois étaient flottés jusqu’à Aoiz, Caparroso ou Tudela, puis transbordés sur des chariots. Ce type de transport était tellement coûteux que l’utilisation de ces bois de construction était un luxe que peu de gens pouvait se permettre.

N.B. L’empreinte des travaux pour la fabrication de mâts est aussi visible dans les forêts voisines d’Issaux et Pacq (chemin de la mâture taillé dans la pierre)

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La forêt d’Iraty

La forêt d’Iraty, avec ses 17000 hectares répartis sur deux versants, est l’une des plus étendues d’Europe occidentale. Le Hêtre en est l’espèce dominante. Sur la moitié occidentale d’Iraty, cet arbre se développe sur des sols siliceux et il est accompagné d’un cortège d’espèces acidophiles comme la Myrtille. Sur sa partie orientale, ce sont des sols calcaires que l’on rencontre, ou du flysch comme c’est le cas autour du ruisseau Urbeltza, où apparaît le Sapin pectiné, formant ainsi un des plus beaux exemples d’hêtraie-sapinière dans la limite sud-occidentale de son aire de répartition. Cette forêt abrite d’autres espèces telles que l’If commun, et des plantes herbacées endémiques rares comme le Narcisse des poètes ou le Perce-neige. La dominance du Hêtre est telle que l’Aulne glutineux (Alnus glutinosa), typique des bords de rivières, ne parvient à s’établir que sur peu de berges et de rives. La présence de saules isolés comme le Saule drapé entre les roches des berges est, elle, plus fréquente.

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C’est une forêt gérée par l’homme et, contrairement aux idées reçues, cela semble permettre la prolifération d’une flore extrêmement riche, présente à tous ses stades de développement (de la semence au végétal sénescent). Une grande diversité de milieux en témoigne: des formations arborées, en passant par des zones humides, différents types de pelouses dont des pâturages subalpins de Nard raide (Nardus stricta), des affleurements rocheux, des landes, comme les landes à bruyères atlantiques en association avec la Myrtille et l’Ajonc de Le Gall (Ulex gallii) ou le Genêt occidental (Genista occidentalis). La forêt héberge aussi un bel éventail de l’exceptionnelle diversité floristique des Pyrénées occidentales.

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Géologie

Iraty se trouve à l’extrémité occidentale de la chaîne des Pyrénées. Elles ont émergé du fond de l’océan il y a 80 millions d’années, suite à la collision des plaques ibérique et eurasiatique. Cette dernière s’introduisit sous la première, élevant les rochers à plus de 3000 m et formant un arc de montagnes allant du Languedoc français jusqu’à la Galice. Iraty se compose de couches de roches sédimentaires des ères Secondaire et Tertiaire, insérées entre les affleurements datant de l’ère Primaire de la zone axiale et du massif des Aldudes. La formation géologique la plus fréquente et caractéristique dans la région est le flysch. Il s’agit d’alternance de strates de grès (plus dures) et de marnes (plus meubles et friables). Cette alternance s’est produite par le glissement des coulées de sédiments le long de l’ancien talus continental sous-marin. La force de la gravité séparait les dépôts à grain grossier – qui sont devenus, par tassement, les strates de grès – des dépôts à grain très fin – qui, suite à des tassements et des précipitations, sont à l’origine des marnes. Plié par la pression des plaques tectoniques en mouvement, puis soumis à l’érosion, le flysch affleure et il est observable de nos jours dans toute la région.

L’exposition à l’érosion atmosphérique pendant les derniers millions d’années a sculpté un nouveau paysage au pied du mont Ori (2000 m), entre les sources des rivières Irati et Errobi. Les fortes pluies qui arrosent cette région sont retenues et filtrées par la forêt, évitant ainsi l’érosion et laissant l’eau à la disposition des êtres vivants. L’homme en tire aussi parti au moyen de barrages comme celui d’Irabia. Par conséquent, la forêt est indispensable et essentielle à la vie et à la conservation de la zone.

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Écluse

Dès le Moyen-Age et jusqu’en 1940, la rivière fut la principale porte de sortie pour les bois exploités dans la forêt d’Irati-Salazar. Le manque d’eau limitait cependant cette exploitation à de courtes périodes et réduisait également les possibilités en termes de quantité et de dimensions des bois flottés. A la fin du XVIIIe s., les grandes exploitations d’arbres pour la fabrication des mâts motivèrent la construction d’un onéreux système de retenues afin d’augmenter la capacité de transport.

Ces retenues furent appelées “écluses” car elles permettaient d’augmenter temporairement le niveau de la rivière, créant ainsi une vague capable d’entraîner les troncs lorsqu’elles s’ouvraient. Au fil du temps, plusieurs systèmes furent construits et détruits en Iraty. En tout, il s’en construisit une douzaine, dont certaines fonctionnèrent sans interruption durant plus d’un siècle.

Les plus importantes, situées dans les cours d’eau principaux, furent construites en pierre, tandis que celles situées plus profondément dans la forêt étaient faites de bois et de fer. La structure en sapin et les planches de hêtre souffraient beaucoup sous l’effet des crues et du choc des bois flottés et elles étaient constamment en réparation. Avec le temps, leur conception fut perfectionnée et celle-ci, dotée de renforts latéraux en pierre, fut construite en 1889 et maintenue en activité presque jusqu’en 1940.

En son centre se trouvait une grande porte que l’on fermait avant chaque utilisation. Le responsable de l’écluse devait faire preuve d’un grand savoir-faire pour décider quand et comment lâcher l’eau et comment disposer les bois dans le lit de la rivière pour que ceux-ci aillent le plus loin possible sans causer de dégâts à l’écluse ou à celles situées en aval. D’autres travailleurs équipés de perches et de bâtons parcouraient les berges pour éviter que les bois ne s’échouent ou s’entravent.

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