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Cycle géologie : Risques telluriques vus de l’espace

55 min - temps de lecture moyen
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7 décembre 2016
Avec Faustine Bacchus, professeur-relais DAAC du rectorat de Bordeaux pour Abbadia, et Céline Davadan, chargée de mission culture et patrimoine pour l’académie des sciences – Rédaction : Cathy Constant-Elissagaray (Société d’Astronomie Populaire de la Côte Basque)

Conférence Château – Observatoire Abbadia d’Hendaye

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mioara mandea
Mioara Mandea

Mioara MANDEA

Membre du Bureau des Longitudes en service extraordinaire représentant le CNES

Mioara Mandea est actuellement la Responsable du Programme « Terre solide » à l’Observation de la Terre / Direction de la Stratégie et des Programmes du CNES. Elle est également secrétaire générale de « European Geoscience Union », secrétaire générale de l’Association Internationale de Géomagnétisme et Aéronomie (AIGA), et présidente de la sous-commission des Cartes géophysiques (CCGM). Mioara Mandea est diplômée en ingénierie géologique et géophysique de l’Université de Bucarest, elle est docteur de l’Université de Bucarest en géophysique et de prospection géophysique (1993), docteur en géophysique interne de l’Institut de Physique du Globe de Paris (1996). Elle a reçu l’Habilitation à Diriger des Recherches de l’Université Paris VII en 2001. Mioara Mandea a publié plus de 200 articles (publications dans des revues ISI, revues, livres et autres chapitres de livres, travaux et rapports), et elle a été impliquée dans l’organisation d’ateliers et de conférences. Elle a encadré plus de dix étudiants pendant leurs études de doctorat. Mioara Mandea est membre de l’American Geophysical Union, de l’Union européenne des géosciences, de la Société Française géologique et de la Société roumaine de géophysique. Elle est membre titulaire de l’Académie des scientifiques roumains (2008) et elle a reçu le prix International Award de l’American Geophysical Union AGU (2014). Source : Bureau des longitudes

Le mot de Cathy

Malgré son palmarès impressionnant, Mioara Mandea reste très simple, autant dans sa façon d’être que dans son vocabulaire. D’un enthousiasme communicatif, elle prend à cœur de partager avec son auditoire sa passion et demeure humble face aux mystères de la nature dont elle s’efforce de dévoiler des pans encore inconnus. Elle a beau être une grande scientifique, elle n’hésite pas à répéter que tout cela est “très compliqué” et constitue un écheveau bien difficile à démêler. Il n’en demeure pas moins que nous sortirons du château-observatoire Abbadia la tête emplie d’une nouvelle vision de ce qu’elle nomme le “système Terre”, une planète que nous observons enfin depuis l’extérieur, grâce aux satellites en orbite. Jonglant avec ces nouveaux instruments (et des outils mathématiques), Mioara Mandea tâte le pouls de la Terre afin de comprendre la cause de ses poussées de fièvre et de ses tremblements qu’elle recherche jusqu’au plus profond de son coeur de fer.

Toutes les illustrations qui suivent sont extraites de son diaporama (sauf quelques unes dont je signale les sources). Je cède maintenant la parole à Mioara Mandea.

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SOMMAIRE

Tout d’abord, je vous ferai une petite introduction, puis je vous parlerai des satellites qui nous permettent de comprendre ce que j’appelle la Terre Solide, c’est-à-dire ce qui se passe à l’intérieur de la Terre et sur les continents. Je n’aborderai pas du tout la partie océanique ni atmosphérique. Je poursuivrai avec l’état des lieux des études actuelles et pourquoi c’est si compliqué d’observer à partir des satellites ce qui se passe sur Terre. Enfin, j’aimerais bien vous présenter une étude de cas sur le séisme du Népal, c’est un sujet qui m’a interpellée et sur lequel je travaille. Je peux vous dire que je vous communiquerai en avant-première des résultats que je vais présenter la semaine prochaine à San Francisco. Il y aura un grand congrès organisé par l’American Geophysical Union (AGU), où se rencontreront quelque 26 000 chercheurs du monde dans les sciences de la Terre et de l’univers.

INTRODUCTION

Les missions des satellites permettent d’améliorer la connaissance du système Terre aussi bien sur le plan statique que dynamique en procurant :

– des mesures géophysiques complémentaires aux mesures terrestres, maritimes ou aériennes (topographie, bathymétrie, gravimétrie, magnétisme, etc.) pour une meilleure caractérisation statique du système Terre ;

– des observations continues – durant la vie d’une ou plusieurs missions (magnétisme, gravimétrie, géodésie, imagerie de surface) -, pérennes, complémentaires à celles obtenues in situ, de façon à suivre la dynamique du système Terre.

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Pourquoi est-ce important d’avoir des satellites ? Ils sont difficiles à mettre en place, ils coûtent cher, mais ils apportent des données inédites sur la Terre et le système Terre. Même si aujourd’hui, je ne vous parle que de la Terre Solide, on ne peut pas mettre de limites entre ce qui est Terre Solide, les surfaces continentales, les océans ou l’atmosphère. Tout est lié, il faut donc comprendre le système Terre. Les mesures qui sont prises depuis nos satellites sont complémentaires de celles prises à la surface de la Terre. Au château d’Abbadia, il y a eu des observations pendant longtemps qui ont donné des mesures in situ. D’autres mesures ont été prises dans les océans à partir de bateaux océanographiques pour connaître par exemple les courants marins. Mais les satellites nous aident à avoir plus d’informations et surtout des informations à l’échelle globale. D’autres mesures de gravité comparables à celles du château ont peut-être été faites à 2 ou 300 km, mais entre les deux sites, on n’a pas trop idée comment ça bouge, c’est pour cela que l’on a besoin des satellites, mais aussi parce qu’on a besoin de mesures en continu. Le problème, c’est que les satellites n’ont pas une vie éternelle. D’habitude, ceux qui sont destinés à l’observation de la Terre sont prévus pour une durée de vie de 4 à 5 ans, et parfois celle-ci peut être prolongée de 4 à 5 ans. Sachant par exemple que l’un des satellites d’observation du magnétisme (je viens plus du monde du magnétisme terrestre) est parti dans l’espace pour 14 mois et il a fonctionné durant 14 ans ! Cela signifie aussi qu’il faut assurer du personnel pour vraiment profiter des données qu’ils nous offrent. Celles-ci se rapportent par exemple aux variations de température, à l’état de la couche d’ozone, aux images des régions ravagées par des séismes, sur les forêts, les cyclones, la pollution (comme aujourd’hui à Paris, on paye pour avoir ces informations), etc.

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Maintenant, pour vous parler de la Terre Solide, j’ai choisi ces images qui vont de la surface de la Terre jusqu’au centre. A la surface, il y a une croûte, d’une épaisseur de quelques kilomètres pour la partie océanique et jusqu’à 70 km pour la partie continentale. Elle est donc très mince, comme la peau d’une pomme, c’est rien de rien. Plus en profondeur, il y a une couche visqueuse appelée le manteau (supérieur et inférieur) dont les propriétés sont un peu différentes de celle de la croûte, mais qui est globalement rocheuse. Et puis, à 3000 km sous nos pieds, c’est la limite entre le manteau et le noyau, c’est un lieu crucial de transition entre une partie solide et une partie liquide, sachant que le noyau extérieur, c’est vraiment du liquide. Il est composé d’un mélange de fer et nickel à des conditions de température et de pression qui le rendent liquide. C’est là que le champ magnétique trouve son origine : il est indispensable pour la vie sur Terre car il agit comme un bouclier qui nous protège des flux de particules chargées en provenance du Soleil. Le noyau interne, solide, est également composé de fer-nickel. C’est comme une boule au centre de la Terre, mais qui n’est pas isotrope : il y a aussi des différences dans le noyau interne qui évoluent dans les temps géologiques. La Terre a donc une structure assez complexe, particulièrement au niveau des limites entre chaque milieu : les interfaces, c’est ce qu’il y a de plus difficile à comprendre. Il y a un dicton parmi nous : “Dieu a créé les volumes et le Diable les interfaces”. Parfois, on est un peu bloqué et il faut travailler en faisant des hypothèses. Il faut essayer de comprendre comment ça bouge et collecter des données qui vont nous aider à comprendre les processus physiques qui engendrent ces changements d’état.

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Observons maintenant la Terre. J’ai choisi de vous parler aujourd’hui un petit peu du champ magnétique, du champ de gravité et de topographie, des changements à la surface de la Terre. Pourquoi ? Parce que chaque méthode d’observation peut nous apporter une information sur un phénomène physique, nous aider à comprendre ce qui a généré une catastrophe. Aujourd’hui, je vais davantage vous parler des risques, mais ce qui est important de comprendre, c’est surtout qu’il est nécessaire d’appréhender le système Terre comme un tout, dans sa globalité, pour comprendre la physique qu’il y a derrière. Parce que c’est seulement ainsi que l’on pourra arriver à prévoir des événements (comme les tremblements de terre par exemple). Donc, si l’on considère les satellites, il y en a beaucoup qui se consacrent à l’observation de la Terre. J’ai fait figurer ici ceux qui sont les plus importants pour effectuer des mesures terrestres. Il y a eu une très forte progression dans ce domaine puisque, en 2012, il y avait environ 60 satellites gravitant autour de la Terre et, en 2015, on en compte 150 (uniquement en orbite basse, et consacrés à l’observation de la Terre). Il n’y a rien ici qui soit lié aux télécommunications, ni au positionnement (GPS, Galiléo), ni au domaine militaire. Donc la France et beaucoup d’autres pays sont intéressés par la mise en orbite de satellites destinés à l’observation de la Terre. Je viens du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et je peux vous dire que la France fait énormément d’efforts dans le domaine spatial : c’est le deuxième pays du monde (après les USA) à consacrer autant de budget dans le domaine spatial, plus que l’Allemagne et l’Italie.

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Aujourd’hui, on ne peut pas vivre sans satellite (téléphones portables, GPS,…). Ils fournissent des données dont le volume devient de plus en plus important (de l’ordre de pétaoctets par jour, soit 10 puissance 15, des millions de milliards !). Celles-ci doivent être combinées aux données collectées au sol, aux données aériennes, océaniques, solaires… Pour en extraire l’information, ce n’est pas aussi simple, je vous en parlerai un peu plus tard. Ces informations alimentent d’une part la science pure (connaître pour connaître) : par exemple, on connaît mieux la gravité sur la Lune que sur Terre. D’autre part, il y a de plus en plus d’applications issues des données satellitaires pour comprendre la vie dans les océans, l’écologie, les changements climatiques, l’agriculture, les réserves d’eau (un des grands problèmes du futur), l’énergie, les prévisions météo, les risques, la santé… Par exemple, tu es dans un lieu très isolé et on peut te faire une échographie depuis Paris. Autre exemple, les satellites aident à déterminer les zones humides, donc la présence de moustiques et l’émergence de maladies comme la malaria. Par conséquent, nous avons aussi des relations avec le ministère de la Santé.

1/ DONNÉES SATELLITAIRES POUR L’ÉTUDE DE LA TERRE DYNAMIQUE

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1A/ MAGNÉTISME

Voici les satellites que j’ai choisi de vous montrer aujourd’hui. Tout d’abord les satellites de détection du magnétisme que je connais le mieux. Ce sont des satellites très compliqués. Ils sont dotés d’un bras. Oerstedest un micro-satellite de 62 kg doté d’un bras de 8 m de long. Les trois satellites Swarm ont chacun un bras de 4 m de long. Pourquoi ? Parce que ces satellites vont mesurer le champ magnétique de la Terre. Les instruments doivent être placés en bout de bras, loin du corps du satellite, sinon les mesures comprendraient des émanations du satellite qui seraient mêlées au champ magnétique terrestre, cela créerait des perturbations. Le premier satellite qui a pu mesurer le champ magnétique, MAGSAT, est resté seulement 6 mois (1979-1980) en fonctionnement.

RTEmagicC Representation vectorielle du CMT.png

Le champ magnétique est formé de trois paramètres x y z, c’est un vecteur qui se décompose en son intensité et ses composantes verticale et horizontale, elle-même divisée en sa composante nord géographique et nord magnétique (déclinaison). – La vitesse est aussi vectorielle, si l’on sait qu’on va à 60 km/h, il faut aussi savoir sur quelle route on se trouve (direction) -.

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Le satellite suivant, Oersted, a été lancé le 23 février 1999 avec pour mission de cartographier le champ magnétique terrestre et enregistrer ses variations. Ce petit satellite est toujours en vol et opérationnel, il continue d’acquérir des mesures du champ magnétique terrestre, mais, depuis 2013, il manifeste des signes de faiblesse et ne reçoit plus les données du magnétomètre scalaire.

Depuis son lancement le 15 mai 2000, le satellite Champ (Challenging Mini-Satellite Payload) a permis l’étude des champs gravitationnel et magnétique terrestres. Il était un peu plus grand que le précédent, parce qu’il avait un magnétomètre et un accéléromètre pour mesurer le champ de gravité. Il a parfaitement rempli ses objectifs en effectuant des mesures durant plus de 10 ans, soit deux fois plus que la durée prévue. Le satellite a été détruit durant sa rentrée atmosphérique contrôlée le 19 septembre 2010.

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Un satellite argentin lancé avec des instruments des Etats-Unis a fourni des données “pas terribles”, car les instruments fonctionnaient mal en raison d’un mauvais câblage – ce sont des choses qui arrivent -. Une fois que le satellite est en orbite, on ne peut rien faire pour y remédier. Puis il y a eu la mission Swarm de l’agence spatiale européenne à laquelle le CNES a participé. D’une longueur de 9 m et d’une surface d’un m², chaque satellite pèse 400 kg (+ 100 kg carburant). Lancés en 2013, deux des satellites qui composent cette mission sont placés sur une orbite basse à 430 km, tandis que le troisième est à 630 km d’altitude. Les deux du bas évoluent parallèlement à une distance l’un de l’autre de 1,5° à l’équateur (150 km). Cela signifie qu’il faut être très précis car au passage des pôles la distance qui les sépare n’est plus que de quelques kilomètres. Il faut très bien connaître ces orbites, car si ces satellites viennent se dire bonjour, ce n’est pas terrible ! Il y a donc des études très poussées pour la définition de ces orbites. Situé à l’extrémité du bras, le magnétomètre scalaire absolu (ASM), qui mesure l’intensité du champ magnétique, a été conçu par le CEA-Leti de Grenoble, avec le soutien technique et financier du CNES et le support scientifique de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris). Au milieu du bras se trouve le magnétomètre vectoriel à saturation de flux (VFM) qui est couplé à une caméra stellaire (STR). Conçus par le DTU (Université Technique du Danemark), ils restituent la direction du champ magnétique dans l’espace. Swarm fournit le meilleur sondage du champ magnétique et de son évolution temporelle. Ils sont complétés par des instruments de positionnement pour savoir exactement où on est. Le champ magnétique varie dans l’espace et dans le temps, il évolue en fonction du vent solaire. Il se décompose en beaucoup de paramètres très compliqués au niveau du noyau externe et un peu de la croûte terrestre. Tout se passe bien pour cette mission et l’on commence à avoir des résultats que je vais vous présenter.

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1B/ GRAVITE

Maintenant, passons à la gravité. Comme le magnétisme, c’est aussi un vecteur, noté (g). Elle a été étudiée par la mission Champ de 2002 à 2010 avec trois accéléromètres. Une autre mission, Grace (Gravity Recovery And Climate Experiment), a été envoyée en 2002 par la Nasa en collaboration avec l’Allemagne. Elle est chargée d’enregistrer les variations temporelles du champ de gravité dues notamment aux marées, courants marins ou aux évolutions des glaces polaires. Le tout à une résolution spatiale de l’ordre de 300 km. Ce satellite commence à avoir des problèmes de batteries et n’envoie plus les informations en continu. Nous croisons les doigts pour qu’il dure car la prochaine mission ne débutera qu’en 2018. Grace est composé de deux satellites, de façon à avoir une meilleure résolution. Les satellites ont débuté à 485 km puis ils sont descendus à 300 km d’altitude ! Il faut donc toujours conserver une réserve de combustible. La distance entre les satellites, c’est ce qui donne l’information sur la gravité, parce qu’on mesure cette distance très précisément (200 km et une vitesse relative connue au dixième de micron). Il y a des accéléromètres à l’intérieur des deux satellites. Ils sont français, produits par Onera, donc on est vraiment très bons. La précision est de 10 à la puissance -10 m/s². Par exemple, quelle est la perte de glace dans l’Himalaya et le plateau tibétain ? Elle est de l’ordre de 160 gigatonnes/an.

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La mission Goce (Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer) (2009-2013) est complémentaire de Grace. Elle a été la première mission sélectionnée par l’ESA – en 1999 – dans le cadre de son programme « Earth Explorer ». Ce satellite a été surnommé “la Ferrari de l’espace” (à cause de sa forme aérodynamique). Il a évolué au début très bas, à 260 km d’altitude. Afin de compenser la perte d’altitude due au freinage atmosphérique, il était équipé de moteurs ioniques. Sans eux, le satellite serait retombé sur Terre en seulement quelques mois. Mais pourquoi avoir volé si bas ? Plus on est proche du centre de la Terre, plus le champ de gravité exerce sa force d’attraction et plus on est capable de mesurer les infimes variations spatiales de gravité dues par exemple à la présence d’une fosse océanique, d’une montagne ou à la distribution des matériaux dans le manteau terrestre. Ces mesures ont permis de dresser avec un degré d’exactitude sans précédent le « géoïde » terrestre à la résolution spatiale de 100 km.

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Ce géoïde qui représente la forme théorique de la Terre si elle était recouverte d’océans au repos et façonnée uniquement par la gravité, sert de surface de référence à de nombreuses autres missions et études scientifiques. Les données de GOCE sont notamment d’une grande utilité pour déterminer le niveau moyen des océans, la circulation thermohaline, l’épaisseur des glaces et donc pour comprendre le changement climatique et ses impacts. Elle a aussi fourni des informations sur les inversions temporelles du champ de gravité. C’est la distance entre les deux satellites qui donne l’information sur la gravité. Comment ? Parce qu’on mesure cette distance très très bien. Il y a un accéléromètre (un instrument appelé “Electrostatic Gravity Gradiometer” EGG contenant trois paires de “capacitive accelerometers”) à l’intérieur de chacun des deux satellites. Ils sont français, produits par l’ESA : on est vraiment très très bon. La mission est américaine, mais l’instrumentation est française. On mesure la vitesse respective avec une précision au micron près. Goce a apporté beaucoup d’informations sur les courants océaniques et sur la lithosphère (cette couche superficielle rigide comprenant la croûte et une partie du manteau supérieur). On ne mesure pas seulement la gravité sur la verticale, mais aussi les gradients de gravité.

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1C/ IMAGERIE SATELLITE

d16Voici la troisième catégorie de satellites présentée aujourd’hui. Ces satellites sont maintenant capables de prendre une photo de vous ! La France est parmi les meilleurs au monde dans l’imagerie. Le premier SPOTa été lancé en 1986, le dernier en 2014. (SPOT 1 : lancé en 1986, descendu de son orbite en 2003, SPOT 2 : lancé en 1990, opérations stoppées en 2009, SPOT 3 : lancé en 1993, opérations stoppées en 1996, SPOT 4 : lancé en 1998, nouvelle bande IR, Passager : Instrument Végétation 1, SPOT 5 : lancé en 2002, Passagers : Végétation-2 et HSR High Resolution stereo camera, SPOT 6 : lancé en 2012, SPOT 7 : lancé en 2014). d16bAu CNES, le programme SPOT laisse une descendance remarquable avec les satellites Pléiades* doté d’une résolution au sol de 70 cm et les satellites de surveillance militaire Hélios. Les Pléiades sont “dual”, car ils sont utilisés à la fois par la Défense et par la Recherche (dans l’ordre de priorité). Lancés en 2011 et 2012, ils sont considérés comme petits, bien qu’ils pèsent chacun une tonne. Ce qui est très intéressant, c’est que sur une image qui couvre environ 20 km, on a une résolution extraordinaire de 0,70 m (photos prises depuis une altitude de 700 km !). C’est comme si depuis Paris, je photographiais Hendaye et que je puisse compter sur la photo les personnes qui déambulent sur la plage ! Il y a un énorme intérêt stratégique. Pour vous impressionner encore plus, je vous montre les images suivantes. Voici le port de Rotterdam. On peut distinguer le pont, les bâtiments. Grâce à ce satellite, on a vu naître une île après une éruption océanique. On a quand même des outils qui, je pense, nous étonnent, qui sont super.

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d17d18 1* La constellation des Pléiades est composée de deux satellites d’imagerie terrestre à très haute résolution. Pléiades 1A et Pléiades 1B procurent la couverture de la surface terrestre sur un cycle répétitif de 26 jours. Pléiades 1A a été lancé le 17 décembre 2011 et Pléiades 1B a été lancé le 2 décembre 2012. Ces deux “petits satellites” (masse = 1 tonne) offrent une résolution spatiale au nadir de 0,7 m et un champ de vue de 20 km. Leur grande agilité rend possible un accès quotidien dans le monde entier, ce qui est un besoin essentiel pour des applications pour la défense et la sécurité civile et une capacité de couverture nécessaire pour la cartographie correspondante à des échelles meilleures que celles obtenues par les satellites de la famille SPOT.

Ce sont d’excellents outils qui donnent envie de faire de la recherche avec toutes les données qu’ils envoient. Il faut savoir en plus que ce satellite a une grande agilité. De quoi s’agit-il ? La caméra est fixée sur un bras mobile qui permet de changer d’angle de prise de vue. De même, si l’on examine une photo d’une éruption volcanique, on peut zoomer sur de petites portions de la caldéra. L’agilité est telle qu’on a pu retourner le bras (pour s’amuser un petit peu) et on a pris des images de la Lune, magnifiques !

Questions :

– Est-ce que c’est aussi financé par Google ? – Non. C’est une mission franco-française et Dual Recherche/Militaire. L’intérêt, c’est d’avoir des priorités pour les prises de vue (mouvements de troupes…). C’est nous qui gérons cette mission.

– Comment sont gérées les orbites de tous ces satellites ? – On connaît en continu leurs orbites à la seconde près. Il y a des centres qui sont entièrement consacrés à leur suivi. Chaque agence spatiale qui envoie des satellites a un centre de gestion et il y a une communication entre les diverses agences dans le monde. Elles se parlent même s’il y a des problèmes à droite ou à gauche. Mais cela n’évite pas les accidents qui peuvent parfois survenir, au cours desquels des satellites se percutent.

2/ ÉTAT DES LIEUX DES ÉTUDES ACTUELLES ET DÉFIS QUI SE PRÉSENTENT A NOUS (State of the art and current challenges)

Maintenant je vais vous expliquer ce que l’on fait de toutes ces données. Il y en a donc de trois sortes : magnétisme, gravité, imagerie, que j’ai voulues vous présenter aujourd’hui. – Il y en a beaucoup d’autres, mais je ne peux pas entrer dans tous les détails, je me centre sur les risques telluriques -. Maintenant je vais vous montrer quelques résultats. Tout ce qui concerne la Terre Solide nous étonne. Pourquoi ? Parce qu’on a des variations spatio-temporelles qui sont sur une échelle énorme. On a des phénomènes qui vont de la seconde (par exemple, les tremblements de terre) jusqu’à des millions d’années (les plaques tectoniques). Et puis, on a aussi des changements qui vont du centimètre (les failles) jusqu’à des dizaines de milliers de kilomètres (les dorsales océaniques). On voit bien que tout ce qui est Terre Solide, ça bouge énormément sur toutes ces échelles. Donc, si on s’intéresse à un phénomène spécifique, il est nécessaire pour l’appréhender de comprendre tout ce qui se passe sur le plan global à toutes ces échelles. C’est pour cela que l’on a besoin de développer des méthodes d’analyse.

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2A) Magnétisme

Voici un exemple sur le champ magnétique. J’ai donc une mesure prise au sol et une par satellite. Je vais prendre les coordonnées, latitude et longitude, l’intensité (les trois valeurs du champ magnétique). Celui-ci provient de différentes sources (schéma ci-dessus) :

– internes : tout ce qui se trouve à l’intérieur de la Terre. La croûte a une signature qui varie très peu, la lithosphère (vert : la croûte + le haut du manteau) varie sur une durée de l’ordre du millier d’années. Elle varie toutefois sur toutes les longueurs d’onde et toutes les possibilités. Pourquoi ? La croûte est la mémoire de l’activité terrestre et je peux avoir des cailloux qui sont magnétisés sur une très petite surface ou des coulées de lave qui s’étalent sur des kilomètres en gardant l’histoire du champ magnétique terrestre. Pourquoi ? Parce que la lave, fluide, en arrivant à la surface de la Terre, va se refroidir dans le champ magnétique qui règne à ce moment-là. Comme le champ magnétique varie dans le temps, la lave va conserver la mémoire de la situation magnétique au moment de l’éruption. C’est comme cela que l’on reconstitue les champs magnétiques du passé. Il y a aussi le champ magnétique du noyau (rouge : “core” en anglais) qui est la partie la plus importante du champ magnétique (bouclier), à concurrence de 85%. On peut le voir à l’échelle des kilomètres pour des variations de l’ordre du mois jusqu’au millier d’années (où l’on constate les inversions du champ magnétique). Car, vous le savez, le nord magnétique se déplace actuellement autour du nord géographique, mais dans le passé, il n’a pas toujours été là. La dernière inversion des pôles s’est produite il y a 780 000 ans, donc aujourd’hui, dans notre communauté scientifique, on se pose beaucoup la question de savoir si on est proche d’une inversion du champ magnétique.

– Les autres facteurs apportent des contributions mineures. Il y a les contributions externes : l’ionosphère (bleu) qui est entre 110 et 1700 km, où il y a des courants atmosphériques qui nous donnent la composition du champ magnétique, et la magnétosphère (jaune), jusqu’à 10 rayons terrestres, qui est le bouclier autour de la Terre. “Space weather” (jaune orangé), ce sont les orages magnétiques.

– Il y a aussi des contributions mineures : des courants induits qui sont tout de même très importants à connaître et même les courants océaniques qui donnent un mini-signal dans les satellites. Pourquoi, parce que c’est de l’eau salée, que c’est un conducteur, et un conducteur qui bouge va induire un petit champ magnétique.

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Question :

– A-t-on une idée de la cause des inversions ? – Oui. Elles se produisent parce qu’à 3000 km sous nos pieds, il y a ce mouvement dans le noyau externe qui s’exerce à une vitesse de l’ordre d’une vingtaine de kilomètres par an. A l’échelle des temps géologiques, c’est très dynamique. En fait, dans toute cette partie, là, et là, et là, on a vu aujourd’hui qu’il y a quand même des inversions du champ magnétique à la limite noyau-manteau. Cela veut dire que, déjà, ces mouvements sont organisés d’une autre façon que le reste et on voit qu’il y a des changements assez rapides dans cette partie-là. – Assez rapide, c’est-à-dire ? – Ces mouvements de convection* du noyau externe peuvent opérer des changements assez rapides du champ magnétique, perceptibles à la surface terrestre, non pas du côté Pacifique, mais Atlantique sud : une centaine de nanoteslas par an. Ci-dessus, on a une carte du champ magnétique total de la Terre. Les valeurs maximales sont de l’ordre de 70 000 nanoteslas dans les régions polaires, et dans l’Atlantique Sud, on arrive à moins de 20 000 nanoteslas, le tiers de la valeur nominale du champ magnétique. C’est une anomalie qui est très bien connue. Elle varie beaucoup et on est très avide de l’étudier. J’ai un étudiant qui travaille dessus. Pourquoi ? Parce qu’en cet endroit, tous ces petits points représentent des sites où on a perdu la connection avec un satellite. Dans cette même région, les Japonais ont perdu un satellite. Donc, même en tant qu’agence spatiale, pas seulement du point de vue de la Recherche, il est intéressant de bien comprendre l’évolution de cette anomalie de l’Atlantique Sud.

* Ce champ magnétique trouve sa source dans le lent refroidissement de l’intérieur de notre planète, qui crée des mouvements de convection dans le noyau, une boule de fer liquide située à 2900 kilomètres sous nos pieds. Dans un tel fluide conducteur d’électricité, les mouvements engendrent un effet dynamo qui convertit une fraction de l’énergie libérée par le refroidissement en énergie électromagnétique. Le champ magnétique terrestre se répartit dans la ceinture de Van Allen dont les lobes sont disposés symétriquement par rapport à l’axe magnétique de la Terre, qui est décalé d’environ 11 degrés et 450 kilomètres par rapport à l’axe de rotation de la Terre. En raison de ce décalage à la fois en angle et en position, la ceinture de Van Allen est la plus proche de la Terre au niveau de la partie sud de l’Atlantique et la plus éloignée dans la partie nord du Pacifique. Des simulations exploitent les données de la mission Swarm (essaim, en anglais) de l’Agence Spatiale Européenne, une constellation de trois satellites de mesure géomagnétique lancés à la fin de l’année 2013, dont le CEA-Leti (Grenoble), l’IPGP et le CNES ont, pour la France, activement participé à la conception. Cette approche révèle la présence d’un grand tourbillon à la surface du noyau, qui, à la manière d’un tapis roulant, transporte en permanence le champ magnétique des pôles vers l’équateur au niveau de l’Asie, et de l’équateur vers les pôles au niveau de l’Amérique. Si le champ magnétique n’était pas si dissymétrique entres les hémisphères Est et Ouest, son intensité resterait stable dans le temps. Cependant, la présence de l’anomalie de faible intensité dans l’Atlantique Sud déséquilibre ce mécanisme, de sorte qu’il y a un manque de champ magnétique retournant aux pôles, et donc une décroissance du dipôle, qui constitue l’essentiel du champ visible en surface. C’est la raison pour laquelle son intensité a décru depuis les premières mesures absolues réalisées par K. F. Gauss en 1840. Cette faible intensité du champ magnétique dans l’Atlantique Sud rend cette région plus exposée et plus vulnérable aux particules chargées du vent solaire. – L’intensité du champ magnétique (exprimée en teslas, de symbole T) varie ainsi en fonction de l’endroit où l’on se trouve à la surface de la Terre. Elle est plus faible à l’équateur (environ 3×10-5 T) qu’au niveau des pôles (environ 6×10-5 T). Son intensité moyenne, mesurée à l’aide d’un magnétomètre, est de 5×10-5 T. –

intensite dipole 1De plus, dans une étude, on a fait la différence entre le champ magnétique de 1980 et 2005, entre l’époque de MAGSAT et celle de CHAMP. On a vu que dans cette région de l’Atlantique Sud, on a perdu 10% du champ magnétique terrestre ! Vous imaginez un petit peu que le champ magnétique, c’est une mesure de notre planète. C’est pas un petit truc, c’est à l’échelle planétaire ! Imaginez si on perdait 10% de gravité ! (- Rires et exclamations dans l’assistance – Non, non, ce n’est pas sur la balance !) C’est énorme, et c’est quelque chose que l’on veut comprendre. Et on voit sur la carte que tout se passe là. C’est un phénomène qui évolue très vite. Au début, on n’avait pas toutes ces données satellitaires, donc on faisait des hypothèses et on travaillait avec des données d’observatoires qui sont à peu près au nombre de 200 dans le monde. Mais 200 points, ça ne veut rien dire et surtout on n’avait rien en cet endroit pour savoir ce qui se passait. On extrapolait ces données d’une façon vraiment très grossière. Et là, on voit ça et on se dit : il y a quelque chose. (Remarque : C’est un peu comme le triangle des Bermudes? – On ne va pas dire ça !) Normalement, les agences spatiales suivent en permanence la position de leur satellite, et là, le contact a été perdu. Le problème, c’est que, au niveau de l’Atlantique Sud, toutes les particules chargées du vent solaire vont descendre beaucoup plus bas dans la ionosphère, là où évoluent les satellites. Par exemple, on a perdu un des instruments du satellite Soho à cause d’un ion lourd. En outre, c’est important de connaître le champ magnétique, car il y a des périodes, pendant les orages magnétiques, où les GPS sont très perturbés. Cela peut être aussi volontaire (guerre du Golfe) : depuis cet événement, les Chinois ont créé leur réseau de GPS (on parle aujourd’hui de GNSS, Global Navigation Satellite System), de même que les Russes, les Japonais, et l’Europe est en train de créer le sien, Galileo (normalement opérationnel l’année prochaine en 2017).

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Schéma : Évolution de l’intensité du dipôle géomagnétique (micro-teslas) depuis 1840 avec projection à partir de 2015 –

Donc, sur le schéma ci-dessus, nous sommes à cet endroit sur Terre (figurée en vert), le satellite GPS est sur son orbite (courbe fléchée bleue). Le signal (flèches rouges) va passer par l’ionosphère. Si, à la surface du Soleil, il y a de l’activité, il peut se produire des éjections de masse coronale, qui sont formées d’énormément de particules chargées. Ces particules vont arriver très vite autour de la Terre et elles vont engendrer des variations énormes dans la ionosphère, donc les signaux GPS seront perturbés. Ces orages magnétiques sont des risques que l’on ne connaît pas trop et qu’on ne considère pas trop. Mais, j’espère que ça ne va pas arriver. Considérons le schéma ci-dessous représentant les effets d’une tempête magnétique. En abscisse, c’est le temps de 0h à minuit. On constate qu’il y a une petite variation en temps ordinaire. Mais regardez un petit peu ce qu’il se passe lorsqu’il y a un orage magnétique : il y a des variations qui se passent très vite et partout à la surface de la Terre. Dans le grand Nord, cela se traduit par de magnifiques aurores boréales, mais si vous êtes en avion, vos systèmes de navigation sont perturbés, les radios, je ne vous en parle pas, et l’électricité également . – Il y a eu un très gros orage magnétique en 1989 qui a plongé la moitié du Québec dans une panne électrique qui a duré plusieurs heures, en plein mois de mars -. Ces éjections perturbent également les opérations avec les satellites. Le champ magnétique, on ne le voit pas, on ne le considère pas du tout. Mais si un orage magnétique de très grande ampleur se produisait un jour, les conséquences en seraient énormes. Les Américains ont fait une étude qui chiffre les dommages à des milliards de dollars. L’orage magnétique pourrait tout effacer, tous les disques durs, les cartes bleues, les supports magnétiques et les télécommunications. L’Amérique ferait un bond en arrière de dizaines d’années. Depuis quelque temps, on prend conscience du danger que présente ce risque. On ne maîtrisera pas les causes, mais on peut anticiper pour se prémunir des effets. En 1859, il y a eu un très gros orage magnétique– “space weather” en anglais – (événement de Carrington). Il n’y avait pas de GPS, mais le télégraphe a brûlé !

Question : Est-ce que cela a un rapport avec la période d’activité solaire de 11 ans ? Pas tout à fait. Tout est lié, maintenant, on est sur un cycle solaire très bas et on sait qu’on a plus d’activité sur la partie descendante du cycle solaire. Par contre, ce qu’on sait exactement, c’est que s’il y a des taches solaires avec des effets d’orage magnétique, on peut imaginer voir encore des choses après 27 jours, durée de la rotation du Soleil autour de son axe, mais d’habitude, c’est le premier jet qui fait des choses. Il faut se méfier du champ magnétique…

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2B) Gravité

La gravité, c’est un phénomène encore plus compliqué que le magnétisme. De la même façon, on constate des variations spatiales et temporelles à des échelles très grandes. Tout commence à la valeur de la seconde, avec les secousses sismiques, car on peut aussi les percevoir en analysant la gravité, jusqu’à des décennies ou des siècles pour des incidences géographiques allant du kilomètre à 10 000 km. Il y a également toutes sortes de sources : l’atmosphère, des tremblements de terre “silencieux”, l’hydrologie (l’humidité des sols, la neige), la circulation océanique, les glaces pôlaires, les glaciers, les changements (décennies) du niveau de la mer, le rebond post-glaciaire (la croûte enfoncée dans le manteau remonte à la surface lorsque la charge de glace s’amoindrit), le noyau, etc. Tous ces facteurs sont mélangés et ce n’est pas facile de séparer toutes ces sources. Si je veux comprendre par exemple la contribution du noyau, comment dois-je faire ? Il faut réussir à analyser tous les autres phénomènes pour les séparer et les sortir du signal global.

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J’ai choisi de vous montrer pour la gravité diverses variations. Peut-être que le plus intéressant, c’est ça : au Groenland (schéma rose ci-dessous), on voit qu’il y a des variations annuelles de gravité, ce qui est normal, entre l’hiver et l’été. On voit aussi qu’il y a une pente de 2003 à 2012, qui correspond à la perte de glace que l’on peut ainsi essayer d’évaluer. Cela dépend du modèle utilisé, mais on arrive à des pertes annuelles de l’ordre de 150-160 gigatonnes ! On voit aussi les variations du bassin de l’Amazonie (schéma rouge). En Alaska (schéma jaune), les pertes de glace sont de l’ordre de 40 à 50 gigatonnes par an. Et puis on constate également des variations en Australie (schéma bleu).

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Mais le satellite GRACE nous aide à voir une autre chose, également très importante, dans cette partie NO de l’Australie (bleu foncé sur le schéma ci-dessous). Tous les signaux sont mélangés, mais on va pouvoir déduire de ces données les contributions de l’eau de surface, de la biosphère, de l’humidité des sols, mais aussi de tout ce qui est aquifère, bassins d’eau. On peut avoir une idée des volumes d’eau souterraine en faisant la différence entre la mesure de GRACE et le modèle. Et on a pu voir pour l’Australie, mais on a aussi fait l’exercice pour d’autres endroits du monde, qu’il y a eu une perte d’eau souterraine de l’ordre de 11 km3 par an de 2003 à 2010. C’est l’eau dont on a besoin et l’un des problèmes de ce siècle pour l’humanité, ce sera, justement, l’eau.

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2C) Imagerie

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Voici la comparaison entre les images que fournissaient SPOT 4, dont la résolution était de 10 m (ci-dessus) – on voit quelque chose, mais, vous êtes d’accord avec moi, on ne voit pas les détails – et celles que donnent les satellites PLEIADES avec une résolution de 70 cm (ci-dessous). Elles permettent un zoom énorme avec ces performances extraordinaires. Je vous emmène voir les pyramides, et puis cet aéroport américain où l’on peut détailler chaque avion au sol et les équipements.

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Voici un exemple lié aux risques, avec la gravité nous avons vu le problème de l’eau et des aquifères, pour les images, j’ai choisi les volcans. Voici d’abord une image donnée par Google Earth, puis l’image satellitaire de l’Etna. Et puis, on peut avoir une telle qualité qu’on a pu zoomer sur des détails toujours plus fins sur une surface d’environ 1 km sur 700 m.

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Question :

Est-ce qu’on utilise des satellites placés sur un des points géostationnaires (à 36 000 km) ? Non, il y a une mission CLUSTER formée de 4 satellites qui sont dans la magnétosphère depuis plus de 10 ans, à une altitude moyenne de 20 000 km. Le problème du géostationnaire, c’est qu’on survole toujours la même région de la Terre, alors que nous voulons savoir comment ça tourne autour. Ces satellites CLUSTER mesurent les phénomènes du plasma dans la magnétosphère pour comprendre la déviation du vent solaire. Celui-ci comprime et déforme le bouclier magnétique (dipôle terrestre) et suit les lignes de champ qui ne sont pas totalement fermées. C’est très compliqué du point de vue physique.

3/ ÉTUDE DE CAS : LE SÉISME DU NÉPAL

Pourquoi j’ai choisi le Népal ? Parce que c’est une région que je connais. J’ai personnellement vécu un tremblement de terre de grande magnitude (7,7) et je peux vous dire que “ça bouge”! Je partage donc avec vous mon expérience. Je vais vous faire part de résultats très récents qui ont fait l’objet d’un article soumis à une revue et qui seront présentés la semaine prochaine aux Etats-Unis.

Pourquoi le Népal ? Car il s’agit d’une zone très compliquée. Ici, vous avez la plaque indienne qui pousse vers le nord-est à une vitesse très importante : 40 à 50 mm/an. C’est une géodésie très compliquée avec quatre systèmes de failles. Il y a un segment ici (schéma ci-dessous) très important où il y a eu énormément de tremblements de terre dont vous lisez les magnitudes (7,3 – 7,8…) et la fréquence (1803, 1833…). Quand on parle de magnitude, il faut bien se remémorer qu’il s’agit d’une échelle logarithmique, donc il y a une grande progression entre 7,4 et 7,5 par exemple.

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Je vais vous parler du tremblement de terre de Gorkha qui est situé à 16 km de Gumdel, au Népal. Il se produisit le 25 avril 2015 avec une magnitude de 7,9. Il fut suivi de 475 répliques (aftershocks) d’une magnitude supérieure à 4 jusqu’en novembre 2016 ! Donc, c’est énorme. La dernière réplique très importante a été d’une magnitude de 5,4.

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C’est une région qui bouge beaucoup et qu’on ne comprend pas très bien, nous sommes donc très intéressés d’améliorer notre connaissance, car les tremblements de terre engendrent beaucoup de dégâts. Donc, pour l’étudier, il faut effectuer pas mal de mesures, satellitaires, au sol (sismomètres), au fond des océans (parfois même à 5000 m de profondeur avec des capteurs qui enregistrent les variations). Il y a aussi des stations de mesure de la chimie de l’atmosphère et on utilise le GPS pour mesurer les mouvements soit sur l’horizontale, soit sur la verticale. Nous, nous avons “osé” regardé autre chose qui n’avait pas été pris en compte jusqu’à présent. C’est la recherche d’un couplage lithosphère-atmosphère-ionosphère, cette dernière, située entre 60 et 1000 km, étant celle où évoluent les satellites.

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Avant de commencer ma partie, je vais vous montrer quelques images de ce que les satellites nous apportent lors des tremblements de terre. Voilà une image de Katmandou, la place Durbar, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, avant et après le séisme d’avril 2015 (Satellite Pléiades – Images du 29 novembre 2014 et du 27 avril 2015, deux jours après le séisme – Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space). Du point de vue scientifique, ce n’est pas une information exceptionnelle, mais pour l’aide humanitaire, elle est irremplaçable. On peut voir exactement ce qui est détruit et les voies d’accès pour les secours. Par endroit, des arbres demeurent en place au milieu de bâtiments écroulés, mas dans les zones affectées par des glissements de terrain, rien ne tient.

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Voici des images prises par les satellites SPOT 6-7. Un modèle informatique (bleu, Digital Elevation Model DEM) donne une image du terrain. En gris, ce ne sont pas des glaciers, c’est la situation de la zone avant et après le tremblement de terre qui a provoqué des glissements de terrain.

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d38aDonc, nous allons essayer de comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur de la Terre et voir le couplage entre la lithosphère, l’atmosphère et l’ionosphère. On peut se dire qu’on va essayer de comprendre des paramètres différents, comparer et analyser. C’est très compliqué, la lithosphère est complexe. Sur le schéma ci-dessous (à droite), on observe le manteau avec tous les grands rouleaux de convection (rouge), et puis on a la partie lithosphérique, les océans et les continents qui sont fissurés de failles, sources des tremblements de terre. L’enjeu est double. Pour la science : comprendre le processus des tremblements de terre est un stade fondamental pour connaître la lithosphère et son interaction avec le reste de la planète. Pour la société : comprendre le processus des tremblements de terre (et leur prévision éventuelle) est l’un des plus grands défis scientifiques qui nécessite à la fois des observations au sol et dans l’espace. Il faut essayer de comprendre vraiment ce qu’il se passe à l’intérieur de la Terre et savoir comment cela bouge (cela peut bouger sur 1000 km, comme c’était le cas du tremblement de terre de Sumatra).

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Schéma : Épicentre et hypocentre d’un séisme

d38bQu’est-ce qu’un tremblement de terre ? C’est quelque chose qui bouge à l’intérieur de la lithosphère, à la surface de la Terre. On peut construire des modèles de signature possible des tremblements de terre. Ces mouvements vont induire des ondes acoustiques et des ondes de gravité qui vont se propager.

On peut rechercher s’il se produit des anomalies dans la ionosphère (court terme – détectées par des satellites en orbite basse ou avec des sondes ioniques ou des réseaux GPS). On peut avoir des mesures de densité de la ionosphère, on peut avoir des mesures du champ électro-magnétique au niveau des satellites, et des mesures du contenu total d’électrons (TEC, Total electron content).

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Schéma : Structure d’une faille verticale

On peut aussi détecter des anomalies dans l’atmosphère (court terme) : anomalies thermiques, anomalies dans les nuages. On va construire des modèles de signes avant-coureurs de séismes (à partir de données sismiques et magnétiques) : accélération (moyen terme), et des modèles pdf non linéaires* (court terme). Il s’agit de repérer des signatures théoriques qui seront comparées aux observations.

* La non-linéarité est la particularité, en mathématiques, de systèmes dont le comportement n’est pas linéaire, c’est-à-dire soit ne satisfaisant pas le principe de superposition, soit dont la sortie n’est pas proportionnelle à l’entrée. Les problèmes non linéaires intéressent les mathématiciens et les physiciens car la plupart des systèmes physiques sont non linéaires.

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Schéma : Angle de la faille par rapport à la surface (“dip” en anglais)

Les calculs numériques peuvent désormais modéliser des comportements non-linéaires observés lors du chargement cyclique des sols granulaires lâches, tels le comportement hystérétique (persistance d’un phénomène quand cesse la cause qui l’a produit), la déformation plastique et la génération de surpressions interstitielles. La fiabilité et les modalités d’utilisation de ces nouveaux outils de calcul doivent toutefois être évalués en fonction des observations.

Ce qui est nouveau, c’est que, pour une fois, ce tremblement de terre a eu lieu entièrement dans la partie terrestre. – En voici la description. Le 25 avril 2015 (6h26 UTC), un grand tremblement de terre eut lieu dans l’Himalaya, au Népal, à 77 km au nord-ouest de Katmandou : magnitude 7,8 Mw, épicentre 28.15°N, 84.71°E, profondeur de 15 km (le séisme est moins ressenti si la source est très profonde). Selon l’agence gouvernementale américaine USGS (United States Geological Survey), le plan de rupture de la faille (“fault” en anglais) est de 295° et l’angle d’inclinaison de 10°NNE. La surface de rupture est d’environ 100 km le long de l’azimut (“strike” en anglais) et 80 km le long du pendage (“downdip” en anglais) (cf. schémas). 17 jours plus tard (12 mai 2015), une forte reprise eut lieu à approximativement 77 km au NE de Katmandou, avec une magnitude moindre estimée à 7,3 Mw. –

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Schéma : Angle de la faille par rapport à la direction du nord (“strike” en anglais)

Une étude à peu près comparable avait été faite il y a quelques années (pour les îles Salomon), mais il lui fut reproché que ce qui avait été observé, ce n’était pas le tremblement de terre, mais le tsunami qui l’avait suivi. – En voici la description. Selon l’USGS, le tremblement de terre des îles Salomon a été enregistré à 07:39 heure locale (20:39 UTC le 1er avril 2007). Son épicentre était situé à 10 km de profondeur et à 40 km au sud-sud-est de Gizo, sur l’île de la Nouvelle-Géorgie. Ce séisme a été suivi sept minutes plus tard par une deuxième secousse, située plus à l’ouest et d’une magnitude de 6,7, selon l’USGS, et d’un tsunami qui ravagea les habitations côtières de l’archipel. Selon Alfred Maesulia, porte-parole du gouvernement des îles Salomon, « la vague a atteint dix mètres dans certains villages. Certaines localités ont été balayées. »

Mais là, il s’agit du Tibet, c’est bien à l’intérieur des terres. Notre idée, c’était d’utiliser les données magnétiques. Quel est le lien avec le tremblement de terre ? On a utilisé trois types de données du satellite Swarm : celles fournies par le magnétomètre vectoriel relatif (VFM) (basse résolution), les données du champ total fournies par le magnétomètre scalaire absolu (ASM) niveau 1B 1 Hz, et la densité d’électrons Ne 2 Hz, le long de la zone survolée dans un rayon de 2750 km, soit une surface légèrement plus grande calculée avec une magnitude M=8 (Dobrovolsky* radius strain R=10 puissance 0.43M). Nous utilisons des outils mathématiques assez récents pour l’analyse des données. Ils nous aident à faire un zoom dans l’espace et dans le temps : ce sont des outils très puissants.

d41* Équation de Dobrovolsky : En 1979, Dobrovolsky et al. suggérèrent une relation théorico-empirique entre la taille de la zone de manifestation effective précurseur et la magnitude du séisme principal : D= 10 puissance 0.43M, où M est la magnitude du séisme (sur l’échelle de Richter) et D le rayon effectif (en km) du séisme, appelé “strain radius”. Cette équation fut développée pour estimer la déformation et les inclinaisons de la surface terrestre en fonction de la magnitude du séisme imminent et de la distance à l’épicentre.

Analyse des ondelettes des données de Swarm pour le jour même du séisme :

  1. Une des premières choses à faire, c’est de regarder si nous nous trouvons dans des conditions calmes ou perturbées du champ magnétique terrestre, parce que, s’il est perturbé par le vent solaire, ce sera encore plus compliqué de détecter le petit signal sismique que je cherche. Nous avons eu de la chance, c’était le calme du point de vue magnétique autour de l’occurence du séisme. (Cf. sur le schéma de droite la zone entourée de rouge)
  2. Il faut circonscrire la zone (2 750 km de rayon) (Dobrovolsky radius strain), très large par rapport au lieu du séisme. Et puis on a appliqué une analyse des ondelettes, une analyse mathématique assez récente qui nous aide à faire un zoom dans les données, dans l’espace et dans le temps. Ce sont des outils très puissants qui nous aident à dissocier les différentes composantes d’un signal. Nous y faisons la détection d’une anomalie d’intense fréquence électromagnétique ultra basse (ULF), alors que l’activité magnétique solaire est plutôt faible. Il y a une probabilité que cette anomalie soit due à la phase ultime de préparation du séisme imminent. Sur le schéma ci-dessous, on peut voir l’anomalie ULF (ultra low frequency) et le signal persistant (environ 3 à 6 UTC temps universel coordonné -heures-) clairement détecté avant le séisme.

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On a tout d’abord considéré chaque orbite de satellite : dans la journée, il tourne environ 15 fois autour de la Terre et survole 15 fois le site. On détermine la longitude, la latitude, l’énergie des électrons, le champ magnétique, et les analyses d’ondelettes qui déterminent si dans la zone considérée il y a une anomalie dans le champ magnétique. On examine tout d’abord les données pour repérer une anomalie dans le champ magnétique pour chaque orbite, à chaque passage du satellite. Après l’analyse de ce point particulier au moment du séisme, une analyse plus étendue est faite sur les deux mois encadrant la date du tremblement de terre pour confirmer ou réfuter la relation de cause à effet de ce phénomène. L’étude se fait ensuite sur la période correspondante de l’année précédente pour comparer et vérifier si ces anomalies sont liées au tremblement de terre de 2015 et non à un phénomène cyclique. L’analyse se fait en deux étapes : 1) la comparaison de la puissance moyenne dans la bande de fréquence Pc3 (0,022-0,1 Hz) durant la période de 2 mois en 2015 avec la période correspondante de l’année précédente durant laquelle aucun grand séisme n’est intervenu sur la région étudiée ; 2) la recherche des anomalies uniques et ensuite celle du comportement au cours du temps d’un nombre cumulé d’anomalies dans les données de Swarm et les données au sol extraites du catalogue USGS.

Question :

Pourquoi ne pas avoir étudié le séisme du Japon ? Parce qu’à l’époque (11 mars 2011), on ne disposait pas des données sur le champ magnétique.

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Donc on observe (ci-dessus) les différences de la puissance des ondes entre 2015 et 2014 captées par le satellite SWARM A, situé sur l’orbite la plus basse et par le satellite SWARM B dont l’orbite est plus élevée.

On constate des variations très importantes dans la seconde moitié du schéma ci-dessus. Le satellite A est en bas, le satellite B au-dessus. En bas, sur Swarm A, le signal est plus perturbé qu’en haut, sur Swarm B, ce qui est normal puisque le signal qui vient de la Terre arrive d’abord au premier satellite A, pour atteindre ensuite le second satellite B. En abscisse, nous avons la longitude et en ordonnée la latitude, la ligne centrale représente l’équateur magnétique, et l’étoile rouge marque l’endroit où s’est produit le tremblement de terre. Quand on fait la différence entre 2015 et 2014, on ne voit pas grand chose en B, mais il y a d’importantes variations en A dans la zone considérée. S’il y a toutes ces anomalies, ne sont-elles pas liées au tremblement de terre ? Pour le savoir et déterminer ce qui est le résultat remarquable de notre étude, c’est qu’on a décrit comme anomalies des phénomènes répondant à des critères très précis. On a dit qu’ils devaient se produire pendant le calme magnétique : qu’il n’y ait pas de courants de ionosphère ni de perturbation en provenance du Soleil. L’anomalie doit être dans le rayon* circonscrit autour de l’épicentre, au Népal. Puis on va essayer de faire une analyse par le calcul de ces anomalies-là. On a fait deux choses. On a reporté sur le premier schéma ci-dessous les anomalies magnétiques correspondant à ces deux critères en fonction du temps à partir du 1er avril 2015. Le 25 avril, date du tremblement de terre, on observe une rupture claire de la courbe. Est-ce que cette courbe d’anomalies est due au hasard ?

* Le rayon défini par la fonction Dobrovolsky est évalué à R= 10 puissance 0.43M (=2750 km pour M8 du Népal).

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Pour le savoir, on a analysé les données sismiques fournies par le catalogue de l’USGS (United States Geological Survey, département de géologie des États-Unis) pour les tremblements de terre de magnitude supérieure à 4. Et on a fait la même chose : les tremblements de terre enregistrés par des sismographes pour la même région. On a obtenu la seconde courbe qui, avec des moyens complètement différents, présente la même allure que la courbe des anomalies magnétiques, avec l’inflexion de la courbe exactement à la date du tremblement de terre. Donc, on s’est dit, là, on a un scoop. Ce n’est pas possible que ces deux paramètres aient exactement le même comportement sans qu’il n’y ait aucun lien qui les unissent. C’est intéressant, parce qu’on n’a pas eu beaucoup de résultats à partir de l’espace sur le tremblement de terre.

Le fait que les deux courbes soient identiques reflète le comportement d’un système critique approchant un moment critique, le grave événement sismique du 25 avril 2015, et il se rétablit de la même façon qu’une phase de rétablissement typique après un grand tremblement de terre. La similitude impressionnante de ce comportement avec les analogues d’analyse de données sismiques fournit un appui fort en faveur de la thèse que l’origine lithosphérique des anomalies magnétiques détectées depuis le satellite est due au couplage LAI (Lithosphere-Atmosphere-Ionosphere Coupling) durant la phase préparatoire du tremblement de terre du Népal.

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Il y a eu très peu de mesures prises à partir des satellites et liées à l’activité sismique. La France a envoyé un satellite Demeter qui était en orbite entre 2004 et 2010, avec l’idée de voir si on pouvait trouver un signal avant le déclenchement du tremblement de terre. Il a mesuré le champ magnétique avec d’autres méthodes. Ici (sur le schéma ci-dessus) vous avez la quantité d’électrons et la variation qui apparaît quelques jours avant le tremblement de terre. Nous, ce qu’on a vu, c’est à peu près un jour avant. C’est un résultat encore trop récent pour dire qu’on va pouvoir l’élargir à tous les séismes dans le monde, il faut encore beaucoup travailler. En 2007, j’ai publié un premier papier avec un étudiant sur une étude avec le satellite CHAMP. C’était à propos du tremblement de terre de Sumatra de 2004. Là, on a vu quelque chose de très très clair, mais après le tremblement de terre. C’est normal, tout le monde peut le comprendre, on a ces ondes gravitationnelles émises lors du séisme qui vont perturber l’ionosphère, donc les courants électriques seront aussi perturbés et par conséquent le champ magnétique également. Donc c’est normal d’avoir des mini-variations. Mais ce qu’on a vu avec le satellite SWARM, c’est quelque chose avant le tremblement de terre. Et là, nous sommes en train de l’étudier à fond parce que c’est très important. Les satellites Pléiades peuvent nous donner des informations sur les mouvements des failles, nous aider à comprendre comment elles bougent et quelle est l’activité d’une zone sismique.

4/ CONCLUSION

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En conclusion, je vais vous parler de la Charte internationale Espace et Risques majeurs. Pourquoi ? Parce que c’est un effort énorme qui est réalisé par les agences spatiales. Il a été initié par le CNES, l’ESA et l’agence canadienne, mais aujourd’hui énormément d’agences spatiales en font partie. Comment ça marche ? Le gouvernement d’un pays touché par un désastre (Authorised User) peut envoyer une demande pour activer la Charte (24h/24 et 7j/7). Toutes les agences spatiales signataires ont accepté de mettre toutes les informations disponibles sur la zone concernée à la disposition du pays ou de la communauté demandeuse. C’est important, parce qu’autrement, les données doivent être achetées, et elles sont parfois très onéreuses. Donc les images et données satellitaires sur le désastre sont mises immédiatement à la disposition des services de sécurité du pays demandeur.

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Depuis la signature en 2000, on a eu environ 490 activations de la Charte pour des tremblements de terre, glissements de terrain, volcanisme, tempêtes, ouragans, inondations, tsunami, avalanches de glace ou de neige, incendies, marées noires, etc.

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En pourcentage, la majeure partie des interventions concerne les inondations et tsunamis.

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L’activation de la Charte ne peut pas être faite par n’importe qui, seulement par les personnes autorisées, mais s’il n’y en a pas sur le lieu d’un désastre, l’appel peut être transmis par l’intermédiaire des Nations Unies. Il y a un centre d’activation sur l’Asie, pour être directement à pied d’œuvre. C’est un coin du monde où il n’y a pas énormément d’agences spatiales, alors qu’il y a beaucoup de tremblements de terre, inondations, volcanisme dans cette partie-là du monde. Ce sont des populations en détresse, qu’il faut aider, mais qui n’ont pas les mêmes moyens techniques que les pays développés.

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Avec cette dernière image, je vais vous remercier. Je vous montre ce que fait le CNES. Il est très impliqué dans les lanceurs (Ariane, depuis le centre de Kourou, Vega, un petit lanceur italien, et Soyouz avec les russes pour les grands satellites sur les points géostationnaires). Il y a aussi la science, Curiosity qui est sur Mars, mais qui pose aussi des instruments français, l’observation de la Terre (la direction dont je fais partie en ce qui concerne la Terre Solide), et Thomas Pesquet qui est en orbite sur la station spatiale internationale et qui de temps en temps donne de ses nouvelles. Je suis très contente d’avoir pu vous présenter un peu ce que je fais. Je n’ai pas pu aborder tous les sujets. Rien que pour les risques telluriques, il y a encore des choses à dire. Mais j’ai fait mon choix et j’espère qu’il vous aura convenu.

Questions :

– Quelle est la nature des anomalies magnétiques liées aux tremblements de terre ? – Elles sont mesurées sur toutes les orbites. Ce sont des données concernant l’intensité du champ magnétique, mais aussi les composantes (verticale, x et y) du champ magnétique. Mais on étudie aussi la densité d’électrons dont les variations du champ électrique se reflètent dans celles du champ magnétique. On a utilisé tout ce qu’on pouvait passer dans la moulinette de l’analyse. Quant au résultat, aujourd’hui, on ne sait toujours pas prédire les tremblements de terre. Donc quand on écrit quelque chose comme le papier que je vait publier, auparavant on met je ne sais pas combien de “peut-être”, et de “possibles”, nous nous posons énormément de questions pour prévenir les objections éventuelles : ce n’est pas facile ! Aujourd’hui, on n’a pas vraiment de satellite dédié à cette détection des tremblements de terre, il faudrait en mettre sur des orbites spécifiques. On est vraiment au début de ce type d’étude.

– Comment le pays qui active la Charte réussit-il à avoir une information continue ? – La plupart des satellites ont une orbite polaire, avec une petite inclinaison, donc, toutes les heures et demie, ils repassent au-dessus d’un point donné. Par conséquent, lorsque la Charte est activée, tous les satellites du monde qui passent au-dessus de la zone sinistrée se relayent pour donner une information en continu au pays demandeur. Les avions ne pourraient pas donner une information aussi rapidement ni photographier ainsi l’ensemble de la zone impactée, où qu’elle soit dans le monde.

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