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Natura 2000 sur la côte d’Hendaye

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Baie de Txingudi à marée basse, Hendaye

Corniche basque, biodiversité marine et pêche côtière

Présentation

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Les cygnes, familiers de la baie de Txingudi

“La Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB), gestionnaire de plusieurs sites Natura 2000 entre le littoral et la montagne, s’implique dans la préservation des milieux naturels en développant des actions de sensibilisation. Dans ce cadre, elle propose, en lien avec le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Littoral Basque, des animations commentées sur les sites dont elle a la gestion. La matinée du samedi 22 septembre, c’est une sortie en bateau qui est prévue au large de la Corniche basque. La population locale apprécie et fréquente ce lieu magnifique qui bénéficie de plusieurs mesures de protection mais beaucoup de gens ignorent que cette protection se prolonge sur la partie marine. Gregory Le Moigno, animateur Natura 2000 de la CAPB, expliquera où se situe ce site Natura 2000 marin, quels en sont les enjeux et les sensibilités, et quelles sont les actions mises en œuvre par la CAPB pour conserver ou restaurer des habitats naturels et des espèces reconnus au titre de Natura 2000 et contribuant à la biodiversité locale.”

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Des plongeurs quittent le port

Outre Pascal Clerc, le directeur du CPIE Littoral basque, accompagné de ses animateurs Jon et  Maïder,  sont également présents deux biologistes marins, Marie-Noëlle de Casamajor de l’Ifremer, et Laurent Soulier de l’Institut des Milieux Aquatiques (IMA). Leurs explications portent sur les habitats naturels et les espèces animales et végétales caractéristiques de cette partie du Golfe de Gascogne régulièrement fréquentée par des cétacés. Les espèces les plus couramment pêchées sont décrites par Michel Péry, un passionné du patrimoine maritime local (président de l’association cibourienne Itsas Begia), lui-même ancien pêcheur professionnel, qui décrit les techniques de pêche traditionnelle et l’état de ces ressources halieutiques au regard des menaces et enjeux.

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Les plantes des parterres gardent la rosée du matin.
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Marie-Noëlle de Casamajor, Ifremer
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L’Hendayais II

La veille au soir, une averse nous a fait craindre le pire, mais le capitaine était confiant, il a confirmé le rendez-vous. Effectivement, le lendemain il fait grand bleu, seules les perles qui scintillent sur les plantes qui longent la promenade autour de la baie de Txingudi rappellent qu’il a plu. Comme d’habitude, les cygnes pêchent nonchalamment, plongeant sans hâte leur long col souple dans l’eau saumâtre peu profonde. La marée basse découvre les îlots et agrandit les plages dont le sable passe insensiblement du sec à l’humide jusqu’à la Bidasoa dont l’estuaire s’évase en anses paresseuses. Le capitaine arrive bon dernier, grimpe vivement sur l’Hendayais II et escalade la cabine de pilotage pour décoiffer la cheminée de son capuchon rouge. Encore quelques préparatifs et ça y est, nous partons en excursion. Peu après la sortie du port de plaisance, il faut franchir la barre, une série de rouleaux sur lesquels roule et tangue notre embarcation, de concert avec celle des plongeurs qui vont aussi profiter des bonnes conditions météorologiques pour observer la flore et la faune sous-marine.

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“Peñas de Haya” (les Trois Couronnes) et Fontarrabie

Préambule

Le réseau Natura 2000 rassemble des sites naturels ou semi-naturels de l’Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale en raison des habitats naturels, de la faune ou de la flore exceptionnels qu’ils contiennent. Sa constitution a pour objectif de maintenir ou restaurer la diversité biologique des milieux ou des espèces, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable. La conservation d’aires protégées et de la biodiversité présente également un intérêt économique à long terme. Le réseau de sites terrestres a été complété en 2008, puis en 2010, par un ensemble de sites maritimes, grâce à la démarche de l’Europe «Natura 2000 en mer». Début 2011, le réseau s’étendait sur près de 18% du territoire terrestre de l’Union européenne et plus de 130 000 km² de ses mers et océans (principalement grâce à la République tchèque, au Danemark, à la France, l’Espagne et la Pologne). La Communauté d’agglomérations Pays basque est responsable de la gestion de 8 sites Natura 2000 sur son territoire, grâce à un fort soutien de financements européens. Ces sites  couvrent 1457,10 km² – soit une forte proportion du territoire, les zones marines ne couvrant qu’une centaine de km².

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Sites Natura 2000 “Mer et littoral

Le micro passe de main en main entre les intervenants qui fournissent des explications relatives à leur domaine de compétence. C’est Gregory Le Moigno qui débute en faisant un petit discours de présentation. Animateur Natura 2000 de la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB), il nous apprend que, depuis le 1er janvier 2017, c’est cette nouvelle entité, en partenariat avec le Comité Interdépartemental des pêches maritimes et des élevages marins Pyrénées Atlantique/Landes, qui est désormais chargée par l’État de gérer ces zones à préserver; elle est issue de la fusion des ex-Agglomérations littorales “Côte Basque-Adour” et “Sud Pays Basque”. Quatre sites Natura 2000 “Mer et Littoral” (cf. Fiche de présentation) se juxtaposent le long du littoral basque de Biarritz à Hendaye. Ils couvrent une surface de 10 000 hectares (100 km²) sur une longueur de 35 km et jusqu’à une profondeur de 50 mètres au-dessous du niveau de la mer :

Plan de situation
Périmètre du site Natura 2000 “Domaine d’Abbadia et Corniche basque”

le Domaine d’Abbadia et Corniche basque ; Côte basque rocheuse et extension au large ; Falaises de Saint-Jean-de-Luz à Biarritz ; Les rochers de Biarritz : le Bouccalot et la Roche ronde. A ceux-ci, il faut en ajouter deux limitrophes: l’Estuaire de la Bidassoa et baie de Fontarrabie, et la Baie de Txingudi. C’est la présence d’habitats et d’espèces d’intérêt communautaire (dont notamment des récifs et grottes sous-marines, mammifères marins – grands dauphins,  marsouins communs – ou encore des végétations littorales de type landes et pelouses) qui a valu à ces sites l’intégration au réseau Natura 2000 et l’engagement d’un processus pour l’élaboration d’un plan de gestion appelé “Document d’Objectifs” (DOCOB) pour maintenir ou restaurer les habitats et les espèces d’intérêt communautaire. –   Remarque: Les deux sites Natura 2000 limitrophes (l’Estuaire de la Bidassoa et baie de Fontarrabie, et la Baie de Txingudi) n’ont toujours pas engagé le DOCOB. – Le site d’intérêt communautaire “Domaine d’Abbadia et corniche basque” que nous visitons a été désigné “Zone Spéciale de Conservation” (ZSC) au titre de la directive habitat-faune-flore en 2014 (arrêté ministériel du 22/10/14) et s’étend sur 571 hectares (dont 90% marins). Aux côtés de l’État se sont impliqués les collectivités et les associations de protection de la nature, les usagers et les acteurs de la vie économique, au premier rang desquels le Comité Interdépartemental des Pêches Maritimes et des Élevages Marins Pyrénées Atlantiques/Landes.

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L’un des deux Jumeaux se détache devant la côte voilée de brume
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La Rhune à l’horizon

La préservation de “laisses de mer” (notamment sur la plage d’Erretegia à Bidart) est l’une des actions engagées par la CAPB : grâce à une incitation financière, les communes volontaires procèderaient à un nettoyage des plages sélectif, où seuls les déchets issus de l’activité humaine – non organiques – seraient ramassés. Autre exemple d’action, des randonnées destinées à sensibiliser au patrimoine naturel sont organisées en partenariat avec le CPIE Littoral basque (notre sortie en bateau entre dans ce cadre). En 2017/2018 débute une réflexion pour le lancement d’un projet visant la création d’un réseau de “sentinelles de la mer” : des citoyens informeraient de la présence d’une espèce inconnue localement ou d’une pollution. Enfin, des études scientifiques sont entreprises avec pour objectif d’améliorer la connaissance des fonds marins de la côte basque.

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Cystoseira baccata (photo M-N de Casamajor)

A ce titre, Marie-Noëlle de Casamajor prend la parole pour décrire l’habitat d’intérêt communautaire “Récifs” caractéristique de la côte basque. Cet habitat (Cf. Rapport Ifremer) se décline ici en 10 habitats élémentaires qui se répartissent depuis l’intertidal (zone de balancement des marées) jusqu’au domaine subtidal (jamais découvert à l’air libre). Quatre sites ont été récemment étudiés par la biologiste de façon à définir des critères pertinents pour évaluer l’état de conservation des êtres végétaux et animaux vivant sur chaque récif  et l’évolution éventuelle. Remarque: Elle soulève le problème de la pauvreté des moyens d’investigation à sa disposition, notamment en matière de photographie sous-marine et d’éclairage, qui limite les facultés d’inventaire et de comptage.

le prix au kilo mouille de l algue rouge s est envole ces dernieres annees passant de 37 centimes en 2014 a 90 centimes en 2016
Gelidium sur le quai de Saint Jean de Luz

Les caractéristiques stationnelles (géologie, climat, hydrodynamisme, etc.) peuvent être à l’origine de la présence d’espèces faunistiques et floristiques tout à fait remarquables. Les algues caractéristiques de la zone sont Gelidium corneum, Corallina spp. et Cystoseira spp., la Gelidium corneum étant à la fois d’intérêt économique (pour la production d’agar-agar) et écologique, comme habitat de juvéniles (jeunes poissons). Les algues rouges constituent l’essentiel de la diversité algale sur la côte basque. Il y a très peu d’espèces comparables à celles de Galice ou de Bretagne comme les fucales ou les laminaires.

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Le plateau continental disparaît presque à partir du Gouf de Capbreton et au large du Pays basque.

Une situation particulière

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Contournement des récifs immergés au large d’Abbadia

A l’issue de la promenade, Laurent Soulier offre à chaque participant de la sortie un exemplaire du Tome 3 de l’Atlas des Mammifères sauvages d’Aquitaine intitulé Les Mammifères marins. Il a été réalisé par Cistude Nature (et lui-même en a écrit une bonne partie).  – Remarque: Chaque tome est téléchargeable gratuitement sur ce site en lien -. Un chapitre est consacré à la présentation du Golfe de Gascogne (appelé Golfe de Biscaye en Espagne) figuré sur la carte des fonds marins ci-dessus. On voit que, le long des côtes, le plateau continental (de couleur bistre), d’une profondeur moyenne de 200 mètres, se rétrécit considérablement du nord au sud pour s’interrompre de façon abrupte au Gouf de Capbreton, un canyon qui se prolonge jusqu’à Santander et marque la séparation entre la plaque aquitaine au nord et la plaque cantabrique au sud (plaque eurasiatique et plaque ibérique). Cette physionomie s’explique par la tectonique des plaques, qui permet de reconstituer le stade antérieur où le Massif armoricain (hercynien) s’étalait de la Bretagne-Massif Central jusqu’à la péninsule ibérique (Galice-Guadalquivir) avant que celle-ci se détache pour migrer et prendre sa position actuelle (cf. schéma : situation il y a -140 Millions d’années – l’emplacement de la France est repéré par une tâche jaune).

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Plaques tectoniques à -140 Ma (Oxfordien supérieur)
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Des vagues se forment contre les récifs

Au sud du 45e parallèle (figuré sur la carte bathymétrique ci-dessus par la ligne horizontale notée N45° qui passe par Bordeaux), la falaise du talus continental s’étire en un vaste escalier qui soulève davantage la houle et expose la côte aux tempêtes. Les fonds du plateau continental sont constitués principalement de sables et de vases, avec deux vasières importantes: dans la moitié nord du golfe, à 100-150 m de profondeur, et au large des Landes. Ces vasières servent de nourriceries à diverses espèces de poissons lors de leur croissance juvénile. Cette morphologie du Golfe engendre deux phénomènes océanographiques particuliers. En été, la masse d’eau chaude qui se développe à partir de la fosse de Capbreton s’étend progressivement sur la moitié de la surface du sud du golfe. Cette eau est moins oxygénée que les eaux bretonnes par exemple. Deuxièmement, l’upwelling, ou remontée d’eau froide profonde et chargée de nutriments, se produit le long de la côte nord ibérique où le plateau continental est très peu étendu et, par conséquent, le talus très proche du continent.

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Très gros poisson-lune rencontré par des plongeurs au large des Açores

Tout en écoutant les intervenants, nous admirons le paysage côtier et les cris des enfants accompagnent les bonds de poissons hors de l’eau ou le balancement à la surface de l’aileron dorsal du poisson-lune. – Marie-Noëlle de Casamajor signale à ce propos qu’à l’endroit où nous nous trouvons, il n’y a que des juvéniles beaucoup plus petits que le poisson-lune particulièrement imposant qui figure sur la photo ci-dessus -. Par sa richesse en espèces et l’abondance des peuplements, le golfe de Gascogne joue un rôle important dans le système de l’Atlantique Est. La flore algale est plus méridionale que sur les côtes entre Loire et Gironde, et même que sur les côtes cantabriques. Ces écosystèmes regroupant une diversité faunistique remarquable, sont fragiles et importants à préserver. Le golfe de Gascogne est fréquenté au cours de l’année par des espèces d’origines diverses (Groenland, Scandinavie, Méditerranée…) qui correspondent à deux principaux peuplements: ceux des eaux tempérées froides et ceux des eaux tempérées chaudes, ce qui leur confère un caractère patrimonial. Plusieurs espèces à preferendum tempéré chaud ou tropical sont venues enrichir la faune locale comme le Baliste (Balistes capriscus), le Poisson Lune (Mola mola) ou le Listao (Katsuwonus pelamis). Ces espèces s’installent en période estivale parfois jusque tard dans la saison. En 2010, des Poissons Lune étaient encore vus dans les eaux à proximité de la côte basque au mois d’octobre. Le golfe de Gascogne est donc une zone de transition à l’échelle de l’Europe de l’Ouest et constitue un secteur d’étude et de suivi particulièrement riche et sensible notamment aux effets des changements climatiques.

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Fontarrabie, cap du Figuier (cabo Higuer)

Sur la façade atlantique, de petites unités de pêche côtière artisanale

Aujourd’hui, l’activité de pêche des navires de la façade atlantique se concentre essentiellement sur le plateau continental du golfe de Gascogne (qui figure en couleur bistre le long des côtes). En 2008, les flottilles fréquentant ces secteurs se répartissaient ainsi:

  • celles issues des ports des régions Sud Bretagne (822 navires, soit 42% de la flottille Atlantique et 16% de la flottille française),
  • Pays de La Loire (509 navires, soit 26% de la flottille Atlantique et 10% de la flottille française),
  • Poitou-Charentes (257 navires, soit 13% de la flottille Atlantique et 5% de la flottille française)
  • et Aquitaine (345 navires, soit 17% de la flottille Atlantique et 7% de la flottille française).
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Phare de Fontarrabie

Au total, toujours en 2008, on dénombrait sur la façade atlantique 1951 navires (soit 39% de la flotte métropolitaine) dont la majorité (71%) mesurait moins de 12 mètres (France métropolitaine 77%). Ces mêmes navires cumulaient une puissance motrice de 367 326 kW (soit 47% de la puissance motrice nationale cumulée) et embarquaient 4 745 marins, soit 42% des marins enrôlés à la pêche en France métropolitaine.  2016 accuse une baisse sensible des flottilles avec 1560 navires, dont 73% de moins de 12 mètres, pour une puissance de 308 255 kW et 4 137 marins enrôlés.

Modes de pêche et cibles

On dénombre une grande diversité de métiers pratiqués par les pêcheurs professionnels. Les métiers du filet sont les premiers métiers pratiqués dans le secteur atlantique avec 37% des navires qui déclarent au moins une marée avec cet engin, suivent les métiers du chalut (35%), le tamis (29%), les palangres (21%), les casiers (18%) et les dragues (14%). Concernant les espèces, 5 espèces rassemblent près d’un tiers des captures (30%) et plus de la moitié du chiffre d’affaires des navires travaillant sur la façade atlantique. Il s’agit de la baudroie (11% en volume, et 18% en valeur), du merlu (10% en volume et 11% en valeur), de la sole (3% en volume et 11% en valeur), de la langoustine (3% en volume et 10% en valeur) et du bar commun (3% en volume et 8% en valeur).

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Échouages de cétacés sur les côtes françaises (source RNE)

Pêche et cétacés

Sur le bateau, Laurent Soulier fait un exposé très “soft” et purement descriptif sur les cétacés qui croisent dans le Golfe. Il présente les espèces présentes (Dauphin commun, Dauphin bleu et blanc, Grand dauphin, Globicéphale noir, baleines à bec, Rorqual commun), et mentionne notamment leur biologie et leur écologie. Il nous renseigne sur le programme ERMMA (Environnement et Ressources des Milieux Marins Aquitains), piloté par le Centre de la Mer de Biarritz, qui dispose d’une base données depuis plus de 35 ans sur les abondances et la diversité des espèces d’oiseaux et de cétacés grâce à un échantillonnage à bord de navires qui est réalisé tous les mois. Ces données sont complémentaires des données échouages du Réseau National Échouages (RNE) et des estimations réalisées lors du programme SAMM (Pelagis) par survol aérien.

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Dauphins communs capturés accidentellement dans un chalut pélagique dans le golfe de Gascogne en 2006. ®cnrs

L’atlas sur les mammifères marins aborde la question de façon beaucoup plus abrupte que Laurent Soulier, puisque la présence de ces animaux est d’abord et avant tout connue par leurs échouages sur nos côtes. Je reprends ici quelques éléments du document. Pour donner un ordre de grandeur, en 2016, 1 613 cétacés et phoques ont été recensés, morts ou plus rarement vifs, sur les littoraux atlantique, méditerranéen, de la Manche et de la mer du Nord, soit 4,4 par jour. Un record depuis le début des comptages en 1970 par le Réseau national échouages (RNE), qui a peut-être été battu en 2017 puisque près de 800 dauphins morts se sont échoués en début d’année sur la côte atlantique. Parmi les animaux directement examinés, une grande majorité comportait les traces d’une capture accidentelle dans un engin de pêche (traces de maillages, fractures, amputations antérieures à l’échouage).

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Chalut pélagique en bœuf

Selon l’observatoire Pelagis du CNRS, le phénomène actuel correspond à plus de 30 fois le niveau normal d’échouages sur nos côtes, évalué à environ 200 à 500 échouages de dauphins par an (hors pic d’échouages). Néanmoins, ce type d’événement de mortalité extrême n’est pas nouveau. Depuis les années 90, des échouages multiples très supérieurs à la norme saisonnière et concentrés sur une courte période sont apparus. Les interactions avec la pêche au chalut pélagique en bœuf sont mises en cause dans ce phénomène d’échouages multiples, principalement lorsque le bar ou le thon sont les espèces ciblées. En effet, dauphins communs et bars sélectionnent les mêmes espèces de proies, ce qui pourrait les amener à se retrouver ponctuellement ensemble aux mêmes endroits que les bateaux de pêche. Selon les programmes de recensement SAMM et SCANS, il y aurait 100 000 dauphins communs en été et 200 000 en hiver répartis dans une zone allant du sud du golfe de Gascogne à la Manche ouest. Les divergences portent sur le nombre réel d’animaux tués par les engins de pêche, car ceux qui viennent s’échouer sur les côtes sont bien sûr une minorité (10% ?).

Deux espèces de phoques ont été retrouvées échouées sur la côte basque depuis que le Réseau National Échouage (RNE) existe; il s’agit du Phoque gris (Halichoerus grypus), espèce d’intérêt communautaire (annexe 2 de la Directive Habitats) et du Phoque à crête (Cystophora cristata) qui est un phoque polaire. La côte atlantique est la façade majeure d’échouages de mammifères marins, en particulier de Dauphin commun (Delphinus delphis). Cependant, la partie sud qui nous intéresse est caractérisée par un plateau continental court et une profonde entaille dans ce même plateau appelée Gouf de Capbreton. Cette particularité amène près de la côte un certain nombre d’espèces habituellement observées près du talus, voire quelques espèces rarement observées.

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Répartition des cétacés échoués

Dans le sud Aquitaine, la collecte des informations concernant les cétacés existe depuis les années 80 sur une base de données Access©. Elle a permis notamment de synthétiser les données du Musée de la Mer de Biarritz, du GEFMA, de l’IMA, tous correspondants du Réseau National Échouage (RNE). Cette synthèse a servi de base à la rédaction de la partie mammifères marins de l’Atlas du Pays Basque.

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Nombre de cétacés échoués

De Biarritz à Hendaye, 232 échouages de cétacés ont été enregistrés sur les sites Natura 2000 de 1972 à 2009. Le réseau d’observateurs du RNE est à peu près constant depuis les années 80, mais il est peut-être un peu plus performant depuis l’arrivée de nouveaux adhérents à la fin des années 90, en particulier le GEFMA qui a réalisé l’essentiel des études sur les échouages depuis lors.

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Répartition par commune

Toutefois, l’augmentation constatée entre les années 80 (5 échouages en moyenne) et les années 2000 (10 échouages en moyenne) ne peut être due seulement à des biais liés à la performance du réseau. Certains épisodes de pic correspondent vraisemblablement à des captures accidentelles, en raison des marques caractéristiques (lacérations, bout à la caudale, rostre cassé) relevées lors des observations ou nécropsies, en particulier en 1994 où 30 Delphinidae sont arrivés morts le même jour sur la plage, ou en 2000 où le phénomène s’est étalé beaucoup plus dans le temps et dans l’espace (phénomène similaire dans les Landes). Le nombre d’échouages est stabilisé depuis plusieurs années.

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Répartition mensuelle des échouages

L’analyse des échouages mensuels des cinq espèces principales montre une fréquence d’apparition classique sur la côte atlantique. La période hivernale est la principale période d’observation d’échouage de Dauphin commun comme sur l’ensemble de la côte atlantique.

Le Dauphin bleu et blanc est également bien présent en hiver, mais on en retrouve également tout au long de l’année avec parfois des échouages d’animaux vivants notamment en période estivale. Le Grand dauphin et le Globicéphale noir semblent plus printaniers. Le Marsouin commun est de nouveau régulièrement vu en échouage printanier alors qu’il reste quasi invisible en mer.
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Vagues sur les récifs immergés au large du château d’Abbadia

Interprétation

Les scientifiques préviennent que les phénomènes d’échouages ne doivent pas être sur-interprétés quant à leur importance et leur impact, notamment dans le cadre de futures mesures de gestion. En effet, il s’agit d’espèces très mobiles, qui utilisent la zone seulement de façon éphémère ou transitoire et dont les aires majeures pour l’alimentation ou la reproduction ne sont pas toujours bien identifiées, et dans tous les cas ne peuvent se réduire à la zone étudiée.
Cependant, il est à noter:
– la présence majeure de cinq espèces de cétacés (Dauphin bleu et blanc, Dauphin commun, Grand dauphin, Globicéphale noir et Marsouin commun)
– la présence d’espèces océaniques (Ziphiidae – baleines à bec -, cachalots)
– un impact anthropique difficile à déterminer hors des épisodes de pics
– la confrontation nécessaire avec des données d’observation en mer avec une prise en compte allant bien au-delà de la zone Natura 2000 étudiée lorsque cela est possible (Dauphin commun, Grand dauphin et Globicéphale noir).
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Hendaye et Fontarrabie

Les tortues

Les principales espèces de tortue marine fréquentant le golfe de Gascogne sont au nombre de 4, dont deux présentes de manière significative. La tortue Luth est préférentiellement observée dans les Pertuis charentais. Sur le sud Gascogne, c’est essentiellement la tortue Caouanne (Caretta caretta) qui est observée. 63% des enregistrements compilés par l’Aquarium de la Rochelle correspondent à des échouages en Gironde, dans les Landes et en Pyrénées Atlantiques. Les individus de cette espèce retrouvés échoués ont pour principale origine les sites de reproduction de la Floride du Sud et le Cap Vert. Trois espèces de tortues marines ont été retrouvées échouées sur la côte, il s’agit de la Tortue caouanne (Caretta caretta, espèce OSPAR), de la Tortue luth (Dermochelys coriacea, espèce OSPAR) et de la Tortue de Kemp (Lepidochelys kempii) : 25 en 30 ans, de 1980 à 2009, jeunes, vivantes et relâchées après baguage.
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Port de pêche de Fontarrabie

De la surpêche à la pêche durable

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Abondance des ressources vs Pression de pêche de 1950 à 2000

Une étude de 2016 fait état de “l’évolution de 1950 à 2000 de l’abondance des ressources et de la pression de pêche dans la zone mer Celtique/golfe de Gascogne (schéma ci-contre: indices globaux pour l’ensemble des ressources et des flottilles; base 100 en 2000. Le secteur bleu représente la marge d’incertitude qui augmente pour les estimations les plus anciennes.). Sur cette période, on observe une multiplication par 10 de la pression de pêche, et une division par 6 de l’abondance. Cette évolution est sans doute assez représentative de ce qui s’est passé sur l’ensemble de la façade atlantique européenne. C’est en particulier le cas pour les poissons de fond dont les stocks ont généralement été divisés par 5, voire par 10 ou plus, du fait de l’exploitation.”

Exemple 1: La sole (Solea solea) est aujourd’hui surexploitée dans le golfe de Gascogne et en Manche Est. Le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) recommande une diminution des quotas de pêche, mais plusieurs flottilles dépendent fortement de cette ressource et une telle diminution est difficile à mettre en œuvre économiquement et socialement. Conséquence, la reconstitution des stocks est lente et incertaine.

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Situation des principaux stocks exploités

“Dans le même temps on observe des phénomènes de troncature des structures démographiques des poissons surpêchés (disparition des classes d’âge élevées) et une plus grande instabilité des ressources. L’exploitation a également des effets en chaîne sur les proies, les prédateurs ou les compétiteurs des espèces exploitées. Avec la surpêche, l’Homme se trouve confronté à une situation inédite où l’accroissement des moyens de production aboutit à l’inefficacité croissante de tout un secteur économique. Trop de bateaux trop gros, trop de travail et de capitaux investis, conduisent à la fois à des captures faibles et à une ressource fragilisée. L’enjeu est donc de limiter l’impact de la pêche sur les ressources et les écosystèmes, à la fois pour assurer la viabilité économique du secteur halieutique et pour conserver des écosystèmes marins en bonne santé, c’est-à-dire productifs et résilients. Schéma: Situation des principaux stocks exploités par les flottilles françaises sur la façade atlantique européenne. Seuls les stocks inclus dans la zone verte ont atteint le double objectif de bonne gestion fixé par la Politique commune des pêches: un taux d’exploitation (F) modéré correspondant à une gestion au rendement maximum durable (Frmd), et une biomasse de géniteurs (B) supérieure au seuil minimal de précaution (Btrig) (d’après les données publiées par le CIEM/ICES en 2015) -“

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Bateaux de pêche de Fontarrabie

Exemple 2: Le stock de plie (Pleuronectes platessa) de mer du Nord est un exemple de stock bien géré, grâce notamment à une politique de quotas de pêche rigoureuse. La biomasse de géniteurs, qui était tombée à environ 200 000 tonnes dans les années 1990, est aujourd’hui remontée à plus de 900 000 tonnes, un niveau qui fournit chaque année une capture proche du Rendement Maximum Durable (RMD).

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Port de pêche de Fontarrabie

“Ces enjeux sont particulièrement forts dans les eaux de l’Union européenne, qui a été longtemps le mauvais élève de la classe des pays développés, en matière de gestion durable des pêcheries (mais on fait encore pire dans certains pays africains et asiatiques). À la fin des années 1990, on estimait ainsi que plus de 80% des grands stocks européens de la façade atlantique étaient surexploités. Le taux d’exploitation, ou pourcentage de biomasse capturé chaque année, était estimé à 45% en valeur moyenne, soit plus du double de la norme généralement admise pour définir une situation de pêche durable.”

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Port de pêche de Fontarrabie

“La politique des TAC (Total admissible de capture) et quotas de pêche est aujourd’hui l’outil principal de la gestion des pêches en Europe (comme dans de nombreuses régions du monde… mais pas en Méditerranée). Elle n’est devenue réellement efficace que depuis le début des années 2000, lorsque l’adoption d’une norme de gestion (l’approche de précaution d’abord, puis le RMD, le Rendement Maximum Durable, système instaurée par les USA) a conduit à des TAC (Total admissible de capture) plus restrictifs. Parallèlement, les avis scientifiques ont commencé à être mieux suivis par les décideurs politiques, et des mesures ont été prises pour réduire les flottes de pêche jugées excédentaires.” – Exemple de la campagne PELGAS qui s’est tenue dans le Golfe de Gascogne du 28 avril au 1er juin 2018 pour déterminer l’abondance de poissons pélagiques comme l’anchois et la sardine et préconiser les quotas de pêche partagés entre la France et l’Espagne –

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Embouchure de la Bidassoa

Du poisson pourquoi, comment, pour qui ?

1- Pourquoi faut-il plus de poisson ?

  • Démographie européenne.
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    Écume : un prélèvement serait nécessaire pour en préciser l’origine (naturelle ou générée par des rejets…)

    En 1950, l’Union européenne n’existait pas encore, mais les pays qui la constituent aujourd’hui comptaient près de 380 millions d’habitants. Ce chiffre est passé à 510 millions en 2015, soit un accroissement de plus d’un tiers en soixante-cinq ans. – Dans ces tendances longues, les migrations jouent un rôle modeste. On sait en particulier que l’immigration, même importante, ne saurait infléchir le cours du vieillissement des populations européennes. Depuis le milieu du XXe siècle, l’évolution majeure concerne l’Europe du Sud, initialement région d’émigration, devenue région d’immigration. C’est la seule partie du continent où l’impact de l’immigration sur la croissance démographique soit substantiel depuis 2000. – Dans le même temps s’est produit un vieillissement de la population dont la proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus a doublé, passant de 9 à 18%.

  • Démographie mondiale. A titre de comparaison, en 1950, la population mondiale était estimée à près de 2,6 milliards de personnes. Elle a ensuite atteint 5 milliards d’individus en 1987, puis 6 milliards en 1999. En octobre 2011, le chiffre de 7 milliards de personnes sur notre planète avait été franchi et en 2017 elle atteignait 7,6 milliards d’individus. De 1950 à aujourd’hui, la population mondiale a donc quasiment triplé, et par conséquent le poids de l’Europe sur le plan démographique a singulièrement régressé en proportion.
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Écume à la sortie de l’embouchure de la Bidassoa

2- Comment répondre à la demande ?

Parallèlement, la production globale de poissons (pêche et aquaculture) dans le monde a été multipliée par 9 en 60 ans, passant de 19 millions de tonnes en 1950 à 167 millions de tonnes en 2014. L’approvisionnement mondial en poisson destiné à la consommation humaine a donc surpassé la croissance démographique. Pour comprendre cette augmentation, il faut regarder les deux techniques de production : la pêche en mer et l’aquaculture, c’est-à-dire l’élevage en bassins de mer, en cours d’eau et en étangs. Depuis la fin des années 1980, la pêche en mer plafonne à environ 90 millions de tonnes par an (93,4 millions de tonnes en 2014). En effet, depuis l’après-guerre, l’industrialisation et la mondialisation de la pêche (toujours plus loin, toujours plus profond, toujours plus longtemps) a mis une énorme pression sur les stocks de poissons (augmentation du nombre d’espèces exploitées totalement ou même surexploitées, c’est-à-dire qu’on ne laisse pas le temps aux jeunes de grandir ou aux femelles de se reproduire). Par conséquent, depuis les années 1990, alors que l’effort de pêche augmente continûment et que toutes les technologies sont déployées pour traquer le poisson, les captures stagnent : le « peak fish » a été atteint.

A l’échelle de la façade Atlantique, les séries étudiées montrent, depuis 1973, une tendance au déclin des volumes débarqués parallèlement à une forte réduction de la flotte de pêche, en dépit de l’efficacité croissante des techniques de capture. Les facteurs qui ont contribué à l’évolution de la valeur totale des débarquements ont été identifiés, en particulier :

– la modification de la composition spécifique des débarquements avec un déclin de groupes d’espèces à forte valeur commerciale,
– les fluctuations de marchés affectant les prix à la production.

C’est donc l’aquaculture qui a permis l’augmentation de la production. En 1974, elle représentait 7 % de la production mondiale, contre 44 % en 2014, c’est-à-dire 74 millions de tonnes, ce qui est plus que la production annuelle mondiale de viande bovine.

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Écume dans une zone calme près de l’embouchure de la Bidassoa

L’autre tendance que l’on peut observer, c’est le poids grandissant de l’Asie dans ce secteur. Elle effectue aujourd’hui plus de la moitié des captures en mer (52 %), les deux premiers pays de la région étant la Chine (18 %) et l’Indonésie (7 %). Et si l’Asie occupe une telle place, c’est que trois des quatre premières zones de pêche mondiales se trouvent justement dans la région : celle du Pacifique Nord-Ouest, du Pacifique Centre-Ouest et celle de l’Océan indien Est. Le poids de l’Asie dans l’aquaculture est encore plus important : elle représente 89 % de la production aquacole mondiale. Là aussi, la Chine représente à elle seule près des deux tiers du total, et ce, pour plusieurs raisons. L’aquaculture en eau douce fait partie du système traditionnel agricole chinois. Celle-ci a explosé au début des années 1990 du fait de la politique nationale de mise en valeur des terres et des eaux. Aujourd’hui, presque toutes les surfaces aquatiques créées, ainsi que les lacs et les étangs naturels, sont utilisés pour produire du poisson. Aujourd’hui, les espèces utilisées pour l’élevage sont : à 68 % des poissons à nageoires, 22 % des mollusques et 9 % des crustacés. Les espèces les plus élevées sont les carpes, le tilapia, les saumons, les truites et différents poissons d’eau douce. Ce sont les espèces à faible valeur commerciale, telles que les carpes, le tilapia, les poissons-chats ou pangas, qui représenteront la majeure partie de l’augmentation de la production aquacole dans les prochaines années.

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Une crique abritée des vagues

3- Pour qui sont ces poissons ?

  • Pour les humains. La consommation annuelle par habitant des produits aquatiques a doublé en 50 ans au niveau mondial, passant de 10kg/hab/an dans les années 1960 à 20kg/hab/an en 2014, et même 32kg/hab/an en France pour 2015. – Ces chiffres comprennent la pêche et l’aquaculture aussi bien en eau douce qu’en eau de mer. – La production mondiale de poissons destinés à la consommation humaine a atteint 146 millions de tonnes en 2016 (87%) – 136 millions de tonnes en 2014 (85%), le solde étant destiné à l’aquaculture, je suppose, dont le développement a rendu possible cette hausse de consommation. Cette augmentation est liée notamment à l’urbanisation, à l’amélioration des revenus et à l’évolution des modes alimentaires : d’une part, avec l’occidentalisation des habitudes alimentaires dans les pays émergents et, d’autre part, avec le souci diététique dans les pays riches. L’Asie constitue aujourd’hui environ 70 % de la consommation mondiale de poissons (près de 100 millions de tonnes). Et la Chine représente plus de la moitié de la consommation asiatique car l’offre y est de plus en plus diversifiée pour les consommateurs, du fait de la croissance des revenus et en raison du développement spectaculaire de la production chinoise.
  • Pour les animaux. En aquaculture, les poissons sont traditionnellement nourris avec des farines et des huiles de poissons provenant de la pêche. Il faut environ 1,5 kg de poissons pêchés en mer pour produire 1 kg de saumon d’élevage. La pisciculture pèse donc en fait lourdement sur les ressources halieutiques.
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Depuis la baie, perspective sur les Pyrénées

En aquaculture, les compléments alimentaires terrestres se convertissent en alimentation principale.

  • Farines et huiles végétales. Or, avec l’instauration de quotas sur les espèces servant de poissons fourrage, la pêche ne suffit plus à satisfaire la demande en aliments pour l’aquaculture. Ainsi, les poissons d’élevage sont de plus en plus nourris avec des farines et des huiles végétales, venant par exemple du blé ou du soja. De fait, la part des farines et des huiles de poisson a peu à peu diminué, comme en Norvège, où elles représentaient 90 % de la nourriture des saumons d’élevage en 1990, contre 30 % aujourd’hui. – Les farines et les huiles végétales ont un avantage : elles contiennent moins de métaux lourds et de dioxines que celles de poisson. – Mais elles ne répondent pas totalement aux besoins nutritionnels de toutes les espèces de poissons.
  • Farines animales. Il faut aussi prendre en compte les farines animales issues des abattoirs. Après « la crise de la vache folle », en 2001, elles avaient été interdites dans l’Union européenne pour tous les animaux élevés à des fins de production alimentaire mais elles ont été de nouveau autorisées en 2013 pour nourrir les poissons d’élevage. Seules les protéines animales transformées de volaille ou de porc sont autorisées, c’est-à-dire des sous-produits de l’abattage non utilisés pour l’alimentation humaine (comme les os) et qui proviennent d’animaux vivants et sains au moment de l’abattage. Ces dispositions sont applicables à tous les États membres. Mais en France les autorités et les professionnels se sont opposés à ces dispositions, en plein scandale sur les lasagnes à la viande de cheval.

Les principaux producteurs aquacoles de l’Union européenne sont l’Espagne, 19%, le Royaume-Uni, 17%, la France, 17%, l’Italie, 12% et la Grèce, 10%. À eux cinq, ils représentent les trois quarts de la production de l’UE.

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Influence du réchauffement climatique

Quelques facteurs de perturbation de la biodiversité dans le golfe de Gascogne

Le réchauffement climatique

Pour terminer ce tour d’horizon, voici un résumé des résultats d’un Programme de recherche de l’Ifremer intitulé « Biodiversité et Changement Global », Effets de la pêche et du réchauffement climatique sur la coexistence spatiale des espèces de poissons du golfe de Gascogne. Conséquences pour les pêcheries. Depuis 40 ans, un réchauffement global de la température est observé dans le golfe de Gascogne. Ce réchauffement, cohérent avec les études climatiques à terre, en mer du Nord et dans l’hémisphère Nord, fait apparaître, en plus du réchauffement en surface connu, une augmentation de la température entre 50 et 200 mètres de profondeur, de l’ordre de 0,5° à 2° C. Selon une étude de 2012, l’Atlantique Nord se réchauffe plus rapidement que tous les autres bassins océaniques. La migration vers le nord s’amorce déjà pour bien des espèces d’algues de climat tempéré importantes dans la zone intertidale (zone côtière de balancement des marées). Le Golfe de Gascogne a de nombreuses similarités avec l’anomalie de température mondiale, la température de l’hémisphère nord (NHT) et la température de surface de la mer (SST) en mer du Nord : on distingue deux périodes, avant et après 1970, avec un fort gradient à partir de 1988. Depuis 1970, le réchauffement se décline ainsi :

Sur le plateau : en surface 1,5°C, de 50-200m 0,8°C
Dans la plaine : en surface 1,0°C, de 50-200m 0,6°C
Sur le plateau de 50-200m : au nord + 0,2°C par rapport au sud.
poids repartition
Répartition par poids

Tous les habitats des poissons du plateau du golfe de Gascogne subissent donc un réchauffement. Par conséquent, durant les vingt dernières années, des changements importants se sont produits dans la faune des poissons du plateau continental du golfe de Gascogne. Les espèces à affinité subtropicale ont augmenté en abondance et progressé vers le nord, tandis que les espèces plus boréales ont régressé. En outre, on a constaté une diminution de la proportion des individus et espèces boréales de grande taille, prédatrices, surexploitées, tandis que se produisait une augmentation de la proportion des individus et espèces subtropicales de petite taille, les proies.

Effluents agricoles et urbains, activités industrielles

Le cycle de l’eau commence et aboutit dans l’océan. Il y a donc un lien étroit entre l’état des bassins versants des cours d’eau et la qualité de la portion d’océan où ils se jettent. Le déboisement, l’élevage, l’agriculture, l’urbanisation, l’industrie, le tourisme influent sur la quantité et la qualité de l’eau douce, puis de l’eau de mer. Par exemple, on a constaté une augmentation de la proportion des nitrates sur les 30 dernières années. De concert avec les modifications physiques de la température et de l’hydrologie, il en a résulté des changements de la flore et de la faune des invertébrés pélagiques et benthiques. Des approches incluant la génétique, le suivi des populations en mer, des études biologiques, physiologiques, ou des modèles de simulations numériques ont permis de mieux comprendre le rôle respectif de l’environnement et des pressions des activités humaines sur des espèces-clés comme la sole, le merlu, l’anchois ou la civelle.

Sources énergétiques dans le golfe de Gascogne

Le pétrole

La quête de sources d’énergie plus locales s’est traduite par la demande de quatre pays côtiers, l’Irlande, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne à l’ONU pour qu’il leur soit concédé une extension du plateau continental, non pas pour y pêcher, mais pour se réserver la possibilité, un jour, d’y chercher du pétrole. Le programme Extraplac représente un travail considérable d’études géologiques par les navires scientifiques de l’Ifremer équipés de radars et de sondeurs. Cette emprise supplémentaire sur le monde marin constitue un danger dès le premier stade des investigations dont les méthodes acoustiques peuvent nuire aux mammifères marins (problème évoqué lors d’une étude d’Ifremer de 2007).

Les énergies renouvelables

Des chercheurs de Nantes ont conçu le projet SEAREV, système électrique autonome de récupération de l’énergie des vagues, qui, en grandeur réelle mesurerait 24 m sur 14 m, pèserait 1000 tonnes (dont 400 tonnes pour la roue pendulaire) et devrait avoir une puissance électrique installée de 500 kW pouvant alimenter 200 foyers sur une année. Une ferme houlomotrice serait constituée de plusieurs dizaines de ces modules SEAREV ancrés par 30 à 50 m de fond, donc à 5 ou 10 km des côtes. Les flotteurs situés au ras de l’eau seraient bien balisés mais quasi invisibles depuis la côte. Il existe déjà une centrale utilisant la force des vagues à Mutriku (Guipuzcoa, Espagne). D’autres projets sont en cours, comme celui d’éoliennes, fixes ou flottantes (ancrées), le point commun de toutes ces énergies dites renouvelables étant leur coût élevé de l’outil de production et de l’électricité. Une étude de l’Ifremer de 2012 met en garde contre les nuisances sur l’environnement côtier et marin de cette nouvelle panacée énergétique.

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Estuaire de la Bidassoa

Conclusion

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Zone d’extension maritime

Face au changement climatique mondial et aux dégradations environnementales induits par notre démographie et notre mode de vie, la sauvegarde de quelques sites, aussi beaux et remarquables soient-ils, peut sembler illusoire et vaine. Quand bien même nos pêcheurs n’exerceraient plus qu’une ponction raisonnée dans le golfe de Gascogne, il demeurerait la pression d’une société française, européenne, mondiale, rétive au changement. Le réchauffement climatique est la preuve qu’il y a davantage de pressions indirectes sur la biodiversité que de pressions directes. L’efficacité des actions en faveur de sa préservation ne peut être atteinte qu’en agissant de concert sur tous ces facteurs de perturbation brièvement évoqués ci-dessus.

Changer de paradigme

J’ai l’impression, peut-être erronée, que le réseau Natura 2000 est fondé sur l’idée que l’on puisse créer des îlots de nature sauvage, des bulles parfaitement isolées du reste du monde et qui néanmoins demeureraient fonctionnelles sans que nous ayons à trop changer notre mode de vie (simplement le rendre localement “durable”). Mais comment réaliser cet objectif lorsque poissons et mammifères marins migrent d’un bout à l’autre de l’océan, lorsque les oiseaux vivent alternativement dans chaque hémisphère, lorsque les algues et les animaux d’eau froide ne supportent plus la température croissante de nos eaux et déplacent vers le nord leur zone de répartition ? Chacun de nous contribue au réchauffement global par le seul fait de son existence, par les biens, les services, les produits qu’il consomme, les déplacements qu’il effectue… Inutile de rejeter la faute sur les autres, les Chinois, les Américains, les Africains…  Si nous voulons préserver la nature et, à terme, nous préserver nous-mêmes, nous ne pouvons pas faire l’impasse d’une réflexion globale conjuguée à nos actions locales au quotidien.

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