A peine achevé l’afflux familial estival, Jean-Louis et moi avons pris la voiture pour nous rendre “au vert” dans les Pyrénées centrales, non loin du cirque de Gavarnie. C’est un festival original qui a motivé notre petite escapade. Depuis six ans, il se déroule dans la salle des fêtes que se partagent deux petits villages du val d’Azun, Gaillagos et Arcizans-Dessus. Cette année, le programme paraissait fait sur mesure pour correspondre à mes goûts: concert d’ouverture le dimanche, astronomie le lundi, abeilles le mardi et climat le mercredi. Qui plus est, des personnes de renom figuraient sur l’affiche, comme l’astrophysicienne Sylvie Vauclair ou le climatologue Hervé Le Treut. L’organisation même était attrayante car le public avait quartier libre le matin, ce que nous avons mis à profit pour explorer la vallée et effectuer de petites balades pédestres. Il faut dire que, bien que nous soyons à la fin août, période réputée pour ses orages en milieu ou fin d’après-midi, nous avons bénéficié d’une météo fort plaisante, d’abord un peu couverte, puis se découvrant progressivement jusqu’au grand bleu (et grosse chaleur) du dernier jour.
C’est Sylvie Vauclair qui a initié ce festival, fondant une association scientifique locale, tandis qu’une seconde association réunissait les organisateurs. Cet ancrage dans la vallée donne le ton de la manifestation. Une bonne partie du public émanant du voisinage, beaucoup se connaissent et se hèlent joyeusement. L’ambiance est bon enfant, le succès grandissant étant accompagné par les deux petites municipalités qui financent année après année de nouveaux équipements, des stores opaques devant les fenêtres pour une meilleure vision des projections sur le grand écran déroulant, un vidéo-projecteur suspendu à la charpente, des cimaises pour des expositions, etc.
Par ailleurs, des commerçants et artisans sont installés à l’extérieur sous des chapiteaux (livres, artisanat, miel…) et des plats sont confectionnés midi et soir dans une fourgonnette aménagée en cuisine. Des boissons chaudes et froides, ainsi qu’un bel éventail de gâteaux faits maison sont proposés aux intermèdes. Outre des subventions diverses, l’association organise une tombola et rappelle à chaque pause de ne pas manquer d’acheter des billets pour soutenir le festival. Le concert d’ouverture est à part, c’est un béret qui circule dans le public pour quêter une offrande selon le bon vouloir de chacun.
La première partie est donnée par un chœur amateur, l’ensemble Horizon, où Sylvie Vauclair est soprano. Le répertoire est classique (Madrigaux de Monteverdi, Nocturnes de Mozart), et le chœur est accompagné pour l’occasion par un musicien à la viole de gambe. Chaque morceau est présenté et remis dans son contexte, et nous aurons droit en sus à un véritable cours sur ce très ancien instrument à corde (joué en 1991 par Jordi Savall dans le film Tous les matins du monde). Sylvie Vauclair nous apprend que Galilée et Monteverdi étaient parfaitement contemporains (XVIe-XVIIe siècles). Ils avaient également des mécènes communs. Qui plus est, les Galilée père et fils étaient aussi musiciens. Toutefois, malgré ses recherches assidues, elle n’a pas réussi à trouver de document attestant que Monteverdi et Galilée se soient effectivement rencontrés. Après l’entracte, les Daunas de Còr chantent des polyphonies gasconnes sur un répertoire local ou de leur composition. Le public tout acquis les applaudit chaleureusement.
Le lendemain, Sylvie Vauclair nous parle de “La Terre dans l’espace et la notion de temps”. Très pédagogue, elle nous conduit progressivement vers l’idée difficile à concevoir qu’il existe simultanément différents temps. Nathalie Brouillet, astrophysicienne à Bordeaux, nous emmène en “Voyage au cœur de la nébuleuse d’Orion”. Comme elle le souligne, leur exemple montre que des femmes peuvent exceller en sciences : il serait souhaitable d’encourager davantage de jeunes filles à suivre cette voie. Elle-même travaille en coordination avec huit autres scientifiques de diverses nations, toutes des femmes. En mon for intérieur, je pense que ce serait une chance si nous pouvions les recevoir toutes deux un jour à l’occasion de nos Rencontres transfrontalières d’astronomes amateurs.
A 20h, Dominique Regueme, réalisateur de documentaires, nous projette son film “Big Bang, l’appel des origines”. En voici le résumé:
Que nous révèle la science sur nos origines ? Comment les chercheurs peuvent-ils aujourd’hui répondre à ces interrogations ancestrales : qui sommes-nous, et d’où venons-nous ? A travers l’astronomie, ce documentaire nous emmène à la découverte de nos racines les plus lointaines, et nous rappelle le lien intime qui existe entre le passé de l’univers et notre propre existence.
Avec : Sylvie Vauclair, Yaël Nazé, Christophe Galfard, Aurélien Barrau, Jean-Pierre Luminet et Étienne Klein
Lors du débat qui suit la projection, Sylvie Vauclair vient aux côtés du réalisateur pour répondre aux questions portant sur l’astronomie. Elle reprend le thème du temps abordé lors de sa conférence pour affirmer sa conviction que le temps n’est pas dissociable selon elle des événements. Ainsi, l’expression “avant le Big Bang” ne peut pas avoir de sens. Malgré la qualité de ce documentaire, aucune chaîne de télévision n’a souhaité se le procurer et Dominique Regueme doit dépenser beaucoup d’énergie pour le faire connaître et trouver des réseaux de diffusion. Je trouve son documentaire si remarquable que je lui demande si notre association (la Société d’astronomie populaire de la côte basque) pourrait en faire une projection, soit directement, soit en coopération avec le cinéma l’Atalante de Bayonne par exemple. Il me répond par l’affirmative et me communique ses coordonnées pour pouvoir le contacter ultérieurement. Pour le moment, le film est en français ou doublé en anglais. Il n’existe pas encore de version espagnole par exemple.
La journée suivante est tout aussi intéressante. Je pense que ce serait bien de solliciter l’éthologue Aurore Avarguès-Weber de Toulouse pour qu’elle vienne exposer l’objet de ses recherches au muséum d’histoire naturelle ou dans l’un des CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement). Sa conférence sur L’intelligence des abeilles, Révolution et perspectives a été tout-à-fait passionnante et son esprit imaginatif lui a permis de concevoir des expériences qui mettent en valeur des capacités cognitives jusque là inconnues. Encore une jeune scientifique remarquable.
La dernière journée nous déçoit un peu, nous attendions davantage de propositions de solutions, plutôt que des exposés théoriques ou historiques sur la problématique du changement climatique. Qu’importe ! Nous repartons avec un excellent souvenir de ce festival et nous ne pouvons que le recommander chaleureusement à ceux qui voudraient y assister l’an prochain.