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Minorque, paysages et climat

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En route pour le tour de Minorque à pied au départ de Mahon !

Les souvenirs de mes séjours dans plusieurs îles de la Méditerranée, Ibiza, la Corse, Malte, la Crète et dernièrement Minorque, me procurent une sensation douce-amère. Bien sûr, c’est merveilleux de découvrir ces paysages si différents du Pays basque, vivement illuminés par un soleil qui magnifie les fragrances végétales et offre au regard ébloui des couleurs marines fabuleuses allant du vert à l’émeraude, jusqu’aux bleus les plus intenses, sans oublier la transparence des eaux côtières. Mais, mais, mais… je ne suis pas la seule à venir dans ces environnements insulaires fragiles. Je fais partie de ces milliers – de ces millions – de visiteurs qui envahissent durant les trois-quarts de l’année non seulement ces éclats de terre dispersés dans la mer, mais aussi leurs petites communautés d’habitants (plus de 10 touristes par habitant à Minorque en 2023 !), avec des conséquences dommageables comme la destruction ou la disparition de ce qui nous a attirés dans ces lieux devenus très (trop) prisés.

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Une grande variété de paysages d’est en ouest et du nord au sud.

Bien sûr, il y a pire que l’île de Minorque puisque cette dernière est considérée comme l’un des environnements habités les mieux conservés du bassin méditerranéen. Selon le discours officiel, “elle a réussi à contenir le tourisme de masse et à maintenir les usages agricoles liés à l’élevage sur le territoire, ce qui lui permet de conserver un paysage rural d’une authenticité remarquable. Ce n’est pas en vain qu’elle a été nommée en 1993 Réserve de la Biosphère de l’Unesco, une qualification qui est attribuée aux régions qui allient la conservation de la biodiversité au développement économique et humain.” Toutefois, si effectivement des murs de pierres sèches ont souvent été remis en état, des barrières pittoresques en bois tortueux maintenues, de même que du petit patrimoine rural réhabilité (puits, réservoirs, abreuvoirs), c’est à peine si nous apercevrons chemin faisant deux-trois chèvres, quelques brebis et quelques vaches. Le reste du bétail est peut-être à l’intérieur de l’île, ou confiné ?

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De nombreux vestiges d’une activité agricole limitée par la ressource en eau (puits ou réservoirs alimentant des abreuvoirs pour le bétail)

Si ce discours reflète la réalité, pourquoi jouer les trouble-fête, qu’est-ce qui me gêne tant et m’empêche d’y faire abstraction ? C’est vrai que j’ai adoré me lever avant l’aube et voir le soleil se lever sur la côte pour découvrir ensuite le Cami de Cavalls au rythme de la marche. Le grand luxe, c’était, tout transpirants, de nous immerger dans l’eau tiède parmi les petits poissons vaquant tranquillement à leurs affaires, malgré la perspective peu engageante de devoir remettre nos habits imprégnés de sueur et extraire le sable des pieds avant d’enfiler les chaussettes. Alors, quoi ?

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Sur une portion de la côte nord, des grès aux couleurs chatoyantes et aux bordures délicatement réduites à de la dentelle minérale par l’érosion nous ont rappelé le Jaizkibel.

Nous somme arrivés en avion, directement Fontarrabie-Mao, sans escale, ce qui était très pratique pour nous. Toutefois, pour cette île d’à peine 700 km² (moins d’un cinquième de Majorque et d’un dixième de la Corse), la construction de cet aéroport et de ses annexes a nécessité une grande emprise au sol, sans oublier que l’importance du trafic génère une nuisance sonore certaine pour les riverains (entre autres calamités). En randonnant, nous sommes passés non loin du port où était amarré un énorme bateau, sans doute un ferry reliant à Valence ou Barcelone. Ensuite, nous avons pris possession de nos deux voitures de location, contribuant ainsi à l’augmentation du trafic routier (même s’il était très faible en ce mois de septembre lors de nos trajets à l’aube et à l’heure de la sieste) et justifiant par là même la construction et l’entretien d’un dense réseau bitumé.

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Lis de mer, capable de pousser directement dans le sable côtier, présent aussi à Anglet (côte basque) près des plages.

Puis nous nous sommes rendus à la première villa (avec piscine) que nous avons louée. Située sur l’autre rive de la ria où a été fondé le port de Mahon, elle fait partie d’un immense lotissement de villas de luxe qui couvrent une grande partie de la pente face à la ville. Ailleurs, dans des stations balnéaires, nous verrons de nombreux immeubles construits également à des fins touristiques. En 2020, l’année Covid, le blocage soudain des déplacements au plan national et international a plongé toutes ces îles dans une situation dramatique, puisque leur économie était progressivement devenue à partir des années 1950-60 presque exclusivement dépendantes du tourisme et d’un approvisionnement extérieur.

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Des champs labourés, prêts à recevoir les semences de fourrage ou de céréales pour le bétail.

Si encore ces îles étaient suffisamment équipées pour recevoir ces foules ! Nous ne nous en rendons guère compte, mais il faut beaucoup d’argent public pour organiser le ramassage sélectif des ordures, leur recyclage et le traitement des déchets, la création d’un réseau de collecte des eaux usées ainsi que leur purification avant réutilisation ou rejet dans la mer. Les grandes plages des stations balnéaires que nous avons longées avaient des eaux troubles, dépourvues de toute vie, hormis humaine. Outre les effets de la pollution chimique et biologique des eaux, les herbiers de posidonie, qui sont de véritables “pouponnières” pour la ponte et la croissance des jeunes alevins, souffraient du piétinement excessif des fonds côtiers, de même que de l’arrachage induit par les ancres des bateaux de plaisance et les aménagements côtiers. Dans ces lieux trop urbanisés, les rochers n’hébergeaient nulle anémone de mer, nul oursin, sans parler de coquillages, et l’on n’y décelait qu’un mince tapis d’algues rachitiques. Quel contraste avec les petites criques inaccessibles, éloignées de toute urbanisation, qui, elles, offraient une vie foisonnante, particulièrement sur la côte rocheuse au nord de l’île !

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Les herbiers de posidonie arrachés des fonds marins côtiers s’accumulent sur certaines plages en gros amas pourrissants et nauséabonds, les tiges filandreuses formant de curieuses pelotes.

Alors que Minorque compte quelque 2700 heures de soleil par an, surtout concentrées de mai à septembre, la principale source d’énergie demeure les hydrocarbures pour l’électricité, le transport et le chauffage. Durant la première semaine, nous passerons tous les jours devant la grande centrale thermoélectrique de Mahon fonctionnant au gaz et au fuel, une dépendance totale à l’égard des produits pétroliers dont chaque pays sans doute souhaiterait se libérer, sans trouver de solution miracle.

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Ancienne aire de battage des céréales – Abreuvoir couvert de lentilles d’eau

Mais il y a plus inquiétant: la ressource la plus indispensable est en danger critique. Il s’agit de l’eau. Ce n’est pas la première fois qu’elle fait défaut, c’est même un problème récurrent sur l’île soumise périodiquement à des sécheresses si graves qu’une bonne partie de ses habitants a dû à plusieurs reprises s’expatrier. C’est ainsi que des ancêtres de Dany, une des randonneuses du groupe, se sont installés à Alger, de même que de nombreux Minorquins, peu avant ou au moment de la colonisation française de l’Afrique du Nord.

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Des portails limitent les divagations d’un bétail quasiment invisible le long du Cami de Cavalls.

Cependant, un nouveau facteur autre que les aléas climatiques vient créer des tensions sur cette précieuse ressource: le tourisme. Jusqu’à présent, tous les acteurs de cette activité devenue prédominante ont fait en sorte d’assurer aux visiteurs un mode de vie et un confort alignés sur le standard nord-européen. En effet, il ne s’agissait pas de décourager leur venue et d’interrompre ce transfert de fonds aussi ingénieux qu’indolore des pays riches vers ceux qui le sont moins. L’État espagnol et le gouvernement des Baléares en ont bien conscience, comme cela ressort de l’objectif général des “plans spéciaux de sécheresse” qu’ils se sont fixé  : minimiser les impacts environnementaux, économiques et sociaux durant les périodes de sécheresse dans le cadre d’un “développement durable”.

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Carline en corymbe, typique d’un milieu méditerranéen

Selon les termes du document officiel, il s’agit de veiller,

  1. à garantir la disponibilité en eau nécessaire “au salut et au bien-être” de la population (qu’il conviendrait, à mon sens, de définir : les piscines et les golfs – 1 à Minorque, 20 à Majorque – en font-ils partie, ainsi que des parcs et jardins bien arrosés ?),
  2. à éviter ou minimiser les effets négatifs sur l’état des masses d’eau, notamment sur le régime des flux écologiques et de sorties minimales à la mer, pour éviter dans tous les cas des effets permanents sur la mer,
  3. minimiser les effets négatifs sur l’approvisionnement urbain,
  4. minimiser les effets négatifs sur les activités économiques !

C’est dire si le paramètre environnemental est accessoire (le point 2, peu explicite), sachant qu’en outre, étant donné leur caractère insulaire, chaque communauté de l’archipel devra résoudre de façon autonome ses problèmes d’approvisionnement en eau.

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Une végétation sobre habituée à vivre en environnement balayé par des vents iodés, avec peu de terre et peu d’eau (Criste marine ou fenouil de mer, aux feuilles comestibles légèrement salées).

Réflexion faite, s’il est jugé vraiment nécessaire de ne pas perturber les touristes par de quelconques restrictions durant leurs vacances, ne serait-il pas préférable alors de prévoir un numerus clausus, un nombre maximal d’entrées sur ces îles, qui correspondrait aux ressources effectives ? En février 2023, le gouvernement autonome s’en est octroyé la faculté, même s’il ne s’agit pour le moment que d’un vœu pieux. En 2019, on comptait près de 100 000 résidents (dont un pourcentage croissant d’étrangers) et 1,6 million de touristes sur l’année 2022. Est-il raisonnable de poursuivre le bétonnage-bitumage de Minorque – même s’il demeure localisé -, de produire autant d’énergie électrique, d’encourager la société de consommation, grande génératrice de déchets, de pomper autant d’eau dans les nappes souterraines (voire installer des usines de dessalement de l’eau de mer), etc., etc. ? Aucune prescription ne nous a été imposée pour limiter notre consommation d’eau ou effectuer le tri des déchets, nous n’avons quasiment pas vu de bus sillonner l’île, les commerces nous offraient des produits du monde entier, nous avons observé les lampadaires urbains éclairer a giorno – comme en plein jour – la ville endormie…

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Aquifères de Minorque

Justement, d’où peut-elle venir, cette eau qui nous abreuve, nous lave et nous rafraîchit à Minorque ? J’ai du mal à croire qu’une île au relief si plat (point culminant, Monte Toro, 358 mètres) puisse emmagasiner de l’eau. J’avais vaguement imaginé qu’un pipeline issu du continent venait approvisionner l’île, malgré son éloignement (204 km de Barcelone en ferry) et malgré la même rareté de cette ressource sur la péninsule. En fait, Minorque est la seule île des Baléares à s’approvisionner quasi totalement à partir de ses eaux souterraines. Le seul complément est apporté par une usine de dessalement de l’eau de mer récemment construite à Ciutadella et entrée en fonctionnement en 2019. Je considère que cet investissement – et le projet d’une seconde usine à Mahon préconisé par le parti populaire (centre droite) – est caractéristique d’une politique de fuite en avant, sans réflexion de fond sur l’avenir de l’île, dans un contexte de réchauffement climatique visiblement occulté par tous les promoteurs du tourisme.

Minorque geologie
Minorque, carte géologique

Comme on peut le voir sur la carte ci-dessus, l’île a une géologie très contrastée : le nord (Tramuntana) est formé de roches anciennes (schistes, phyllites, grès fortement cimentés…), globalement imperméables, tandis qu’au sud (Migjorn) affleurent des roches plus récentes de calcaire (el marès), propices à la formation d’aquifères. Approvisionnés par l’eau de pluie, ces derniers mettent plus d’une centaine d’année à se régénérer. Si Minorque a une pluviométrie de 650 mm par an relativement acceptable pour un environnement méditerranéen, – 1450 mm par an en moyenne à Biarritz -, le régime de pluies est très instable, les précipitations varient d’une année sur l’autre, la majeure partie de la pluie se concentrant sur peu de jours, avec des précipitations intenses à très intenses en automne, et de peu d’intensité le reste de l’année qui peut subir des épisodes de sécheresse.

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Murs de pierres sèches et portails au bois sinueux, vestiges d’une société autrefois agricole

Or, en raison de la surexploitation de ces aquifères au cours des dernières décennies (correspondant à la montée du tourisme), leur niveau a baissé de 5 ou 6 mètres. La loi impose que ce niveau ne descende pas en deçà d’un mètre au dessous du niveau de la mer, une prescription qui n’est malheureusement pas respectée (on pompe dans le puits tant qu’il y a de l’eau). Si au cours des dernières 37 années l’aquifère de Es Migjorn (un des mieux conservés et de plus grande capacité de l’île) a baissé de 6 mètres, celui de Sa Roca, dans le nord, a perdu 5 mètres en seulement 10 ans. Le problème, c’est qu’en raison de la baisse du niveau d’eau douce, l’eau de mer s’engouffre et vient occuper l’espace libéré, entraînant la salinisation des puits les plus proches de la côte, comme on peut le voir sur les schémas ci-dessous.

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Processus de salinisation des aquifères minorquins
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Aquifères, état global

Un article de juin 2023 informe que les réserves hydriques sont descendues de 58% l’an passé à 56% de leur capacité à fin mai. C’est d’autant plus préoccupant que la progression de la fréquence d’épisodes de sécheresse et d’été très chauds pourrait faire accroître la consommation et rendre problématique l’approvisionnement, mettant en péril la santé des aquifères. L’idée a été évoquée de convertir dans le futur les piscines en réservoirs d’eau potable pour la consommation et non les loisirs. Une autre solution envisagée serait de remplir les aquifères avec les eaux résiduelles purifiées pour compenser les ponctions excessives (à supposer que les techniques soient suffisamment performantes pour l’obtention d’une eau de bonne qualité)…

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Vestiges de la basilique paléochrétienne de Son Bou

Comment se sont formés les calcaires du sud de l’île, le Migjorn ? Pendant la période du Miocène allant de 23 à 5,3 millions d’années avant le présent, quantités de squelettes d’animaux, de végétaux et de microorganismes se sont accumulés sur les fonds marins et progressivement transformés en roche. Le musée géologique de Ferreries, au centre de l’île, que je n’ai pas visité puisque nous suivions la côte, présente une collection de fossiles qui y sont inclus, par exemple des Rhodolithes, fossiles de nodules ou concrétions calcaires produites par des algues rouges calcifiées, ou encore des mollusques et des oursins au squelette pétrifié.

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Bien abritée des vents, cette vallée s’est convertie en un grand verger.

Au début du Miocène, les plaques arabo-africaine et eurasiatique étaient encore séparées. Si la plaque ibérique était déjà soudée, les micro-plaques qui lui étaient associées (Baléares, Corse, Sardaigne, et peut-être Briançonnais) ont migré durant cette période jusqu’à leur place actuelle. Il régnait un climat tropical jusque loin vers le nord (il y avait des forêts humides au Sahara !). Le rapprochement, puis la collision des deux plaques ont engendré la formation de montagnes et il n’est resté de l’ancien océan Thétys qu’un chapelet de mers (mer Méditerranée, mer Noire et mer Caspienne). Tous ces facteurs ont changé considérablement la géographie, les calcaires de Minorque, fissurés, fracturés, se sont retrouvés à l’air libre, exposés aux intempéries. Le gaz carbonique de l’air, combiné aux pluies abondantes en climat tropical, a formé de l’acide carbonique (pluies acides) qui a peu à peu dissout ces roches, agrandissant les fissures, les convertissant en crevasses qui ont fini par devenir sous notre climat plus froid de vastes aquifères. De nos jours 90% des puits de Minorque exploitent l’eau emmagasinée dans des sédiments carbonatés du Miocène supérieur remontant à 6,5 millions d’années.

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Les randonneurs du Cami de Cavalls entre deux murets de pierre sèche bien entretenus

De 6 à 5,3 millions d’années, le passage vers l’océan atlantique, au détroit de Gibraltar, s’est retrouvé plus ou moins bloqué. Cet événement a été l’un des facteurs de l’assèchement partiel de la Méditerranée (Crise de salinité messinienne) qui a permis à toute une faune de se rendre à pied sec aux Baléares, momentanément inclues dans une péninsule ibérique élargie. A Es Alocs, qui fut un lieu d’arrivée et un point de départ de deux de nos randonnées, Pomar, un géologue, a détecté en 2016 la présence d’empreintes de pas fossilisées (ichnites) de Myotragus balearicus, un herbivore à l’aspect d’une petite chèvre, dont l’ancêtre colonisa l’île durant cette période lointaine et dont les descendants disparurent peu avant (ou à cause de ?) l’arrivée des humains sur l’île.

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Rattachement des Baléares au continent il y a 6 millions d’années (durant le Messinien)
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Quelques champs aménagés dans des clairières – Vestiges de la culture talayotique

Comme toutes les populations insulaires, les habitants de Minorque avaient une grande culture de l’usage de l’eau, chaque habitation recueillant la pluie dans des citernes ou des puits. Le premier réseau de distribution d’eau potable à Mahon a été installé durant la première moitié du XXe siècle. L’avènement du tourisme à partir des années 50 a imposé le creusement de nouveaux puits rendu plus facile avec le développement de machines perforatrices. Le phénomène s’est poursuivi avec l’augmentation de la population résidente et touristique. Aujourd’hui, les 30 000  habitants s’approvisionnent à partir de 22 puits qui fournissent environ 2 millions de mètres cube.

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Aljibe: Ancien système de collecte de l’eau de pluie dans un réservoir assorti d’un puits pour remplir les abreuvoirs attenants
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Schéma explicatif de l’Aljibe

A Ciutadella, lieu très ancien d’implantation humaine, la demande a commencé à croître à partir des années 70 au point de nécessiter la perforation de nouveaux puits. La connexion de l’aquifère avec la mer et l’exploitation excessive au cours des 35 dernières années ont induit un processus d’intrusion marine et une perte de qualité de l’eau pompée à cause de sa salinisation. – Les eaux demeurent potables jusqu’à 250 mg par litre. Lorsque les concentrations excèdent 1000 mg par litre (un gramme de sel pour un kilo d’eau), cela indique une intense salinisation de l’aquifère. – Cette situation a nécessité à partir des années 2000 le creusement de nouveaux puits plus éloignés de la côte. Les douze puits procurent aujourd’hui un volume de l’ordre de 2 millions de mètres cube à l’année. Pour couvrir l’excédent de la demande, une usine de dessalement de l’eau de mer y a été construite. Sa mise en service remonte à 2019.

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Remplissage des abreuvoirs en remontant l’eau du puits attenant.

Le problème de cet équipement, outre l’énergie que son fonctionnement nécessite, c’est le volume de saumure (sel avec un reliquat d’eau) rejeté dans la mer. Pour l’ensemble des Baléares, ce volume a été multiplié par 19 entre 1994 et 2022, avec un total actuel de huit usines de dessalement en activité. Pour limiter l’impact environnemental, il faudrait effectuer les rejets dans des zones où la saumure se dilue rapidement et dans des lieux éloignés des herbiers de Posidonie, une plante particulièrement sensible au changement de salinité. Or, les courants sont fonction des différences de température et de salinité entre les masses d’eau. Tout changement de ces facteurs risque d’induire la modification des courants marins – avec le risque d’empoisonnement de la biodiversité côtière par cet excès de sel -. Durant tout notre séjour, je me suis étonnée du degré de flottaison de mon corps dans l’eau de mer: je pouvais rester sur le dos sans avoir besoin de bouger bras ou jambes pour me maintenir en surface, y compris pour conserver mon visage hors de l’eau. C’est dire si le taux de sel était supérieur à celui de la côte basque !

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En développant le tourisme en Espagne, Franco a pallié les déficits en eau potable par la construction d’usines de dessalement d’eau de mer dès 1964 aux Canaries. Les Baléares (principalement Ibiza et Majorque) ont été équipées à partir de 1994.

A chaque période de sécheresse, la situation de l’archipel devient critique. Selon une étude, quatre périodes de manque de pluie généralisé à l’ensemble de l’archipel ont été répertoriées: de 1965 à 1970, entre 1983 et 1985, entre 1992 et 1996, entre 1999 et 2002. Je n’ai pas trouvé d’information sur les conditions qui ont prévalu à Majorque entre 2010 et 2015, période où la production d’eau dessalée a chuté drastiquement (cf. schéma ci-dessus). Ces séquences de sécheresse sont en liaison avec la persistance prolongée de situations anticycloniques sur la Méditerranée occidentale qui coïncident avec des épisodes exceptionnellement pluvieux dans le nord de l’Europe et en Méditerranée orientale. Le chercheur émet l’hypothèse que ces anomalies pourraient être liées à des événements climatiques globaux comme “El Niño”.

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Cathy: Un paréo en protection du soleil

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